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17/09/2007

C.G.Jung se laisse tomber dans l'inconscient.

  En cette fin d'année 1913, C. G. Jung, alors âgé de trente huit ans, est dans une situation où l'on peut se faire du souci au sujet de son équilibre mental. Ses détracteurs disent qu'il est devenu complètement fou. Lui même, obsédé par un flot incessant d'images et de phantasmes, craint d'être déchiré par les contenus de son inconscient. Seul le yoga l'aide à surmonter les crises de bouleversement émotionnel qu'il subit. 

   Les années précédentes, il a beaucoup étudié la mythologie et s'incarne plus ou moins dans le mythe du héros. Si on considère que ce mythe comprend trois phases : solitude , initiation, retour transformé, il se trouve dans la première phase et cette phase est pleine d'étranges comportements et de difficultés personnelles.

   Il vient de tuer le Père en rompant avec Freud et fait figure de pestiféré. Sa situation professionnelle s'en ressent. Les  " amis " ont fui. Ce qui n'arrange rien c'est que depuis quelques temps il se sent " polygame " et doit régler les conflits qu'engendre cette situation. Il joue tout seul, dans son jardin, à faire des jeux de construction avec des petits cailloux tout en se parlant à voix haute. Il fait des rêves, a des visions et des imaginations qu'il trouve semblables à ceux de ses malades et lui font craindre de succomber aux forces qui ont emporté Nietzsche, Hölderlin et bien d'autres. De plus cet homme, jusque là si fort physiquement et moralement, souffre d'une sorte d'aboulie qui le rend incapable de se décider sur ce qu'il doit entreprendre. Son " incertitude intérieure " est si grande qu'il se sent " flottant, comme totalement en suspens ".

   Un des sentiments les plus pénibles que ressens Jung est celui de l'impuissance devant les maux de ses malades . Il se reproche d'avoir une expérience personnelle de l'inconscient insuffisante pour les aider efficacement. Le danger qu'il se sent incapable de surmonter pour lui même, il va trouver la force de l'affronter pour autrui. Tel le chaman qui passe par de terrible épreuves mais doit accomplir son destin, il entreprend de se mettre dans une espèce d'état de transe, qu'il appellera ensuite " imagination active ", et décide de faire le grand saut. Le chaman monte, lui, il va descendre. Voici son récit extrait de Ma vie, p. 208.

   "Ce fut au temps de l'avant de l'année 1913 que je me décidai à entreprendre le pas décisif - le 12 décembre. J'étais assis à mon bureau, pesai encore une fois les craintes que j'éprouvais, puis me laissais tomber.

   Ce fut alors comme si, au sens propre, le sol cédait sous moi et comme si j'étais précipité dans une profondeur obscure. Je ne pus me défendre d'un sentiment de panique. Mais soudain, et sans que j'eusse atteint une trop grande profondeur, je me retrouvai - à mon grand soulagement - sur mes pieds, dans une masse molle, visqueuse. J'étais dans une obscurité presque totale. après quelque temps mes yeux s'habituèrent à l'obscurité, celle d'un sombre crépuscule. Devant moi était l'entrée d'une caverne obscure ; un nain s'y tenait debout. il me semblait être de cuir, comme s'il avait été momifié. Je dus me glisser tout contre lui pour passer par l'entrée étroite, et je pataugeai, une eau glacée jusqu'aux genoux, vers l'autre bout de la caverne. Là, sur une bande de rocher en saillie, un cristal rouge scintillait. Je me saisis de la pierre, la soulevai, et découvris que dessous, il y avait un espace vide. Je ne pus tout d'abord rien y discerner. Mais finalement, j'aperçus, dans les profondeurs, de l'eau qui coulait. Un cadavre passa, entraîné par le courant ; c'était un adolescent aux cheveux blonds, blessé à la tête. Il fut suivi d'un scarabée noir, et alors apparut, surgissant du fond des eaux, un soleil rouge naissant. Aveuglé par la lumière, je voulus replacer la pierre sur l'orifice. Mais à ce moment, un liquide fit pression pour passer à travers la brèche. C'était du sang ! Un jet épais jaillit sur moi et j'en ressentis une nausée. Le jet de sang dura, à ce qu'il me sembla, un temps d'une longueur intolérable. A la fin, il se tarit, ce qui mit un terme à cette vision."
   "Ces images me laissèrent consterné" écrit-il, il y avait de quoi...
                                  ( à suivre )
       Ariaga