Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Coucher de soleil | Page d'accueil | ATHANOR »

18/05/2007

Pierre TRIGANO : Laisser advenir le Soi

Pierre TRIGANO et Agnès VINCENT auteurs de l'ouvrage Le Sel des Rêves, dont je vous ai déjà parlé sont les créateurs du concept de "psychologie symbolique". Ils ont fondé en 1999 à Montpellier l'Ecole du Rêve et des Profondeurs  (Dans mes liens à "Sites") et tentent une refondation spirituelle de la psychothérapie par une lecture nouvelle de C. G.JUNG. Pierre Trigano a bien voulu contribuer à ce blog par la note que j'ai le plaisir de vous communiquer.  

Laisser advenir le Soi
 Les problèmes vitaux les plus graves et les plus importants sont tous, au fond, insolubles. (…) Ils ne peuvent jamais être résolus, mais seulement dépassés. (…) En observant le processus d’évolution de ceux qui se dépassaient eux-mêmes en silence et comme inconsciemment, je vis que leur destin avait un trait commun : la nouveauté venait à eux de possibilités obscures, ils l’acceptaient et se dépassaient grâce à elle.
Et que faisaient ces gens pour réaliser le progrès libérateur ? Autant que j’aie pu voir, ils ne faisaient rien (wou-wei) mais laissaient advenir : ainsi que le maître Lu Tsou l’indique dans notre texte, la lumière tourne suivant sa propre loi (…). Le « laisser advenir », l’action non agissante, l’abandon de Maïtre Eckhart est devenu pour moi la clé permettant d’ouvrir les portes qui mènent à la voie : dans le domaine psychique, il faut pouvoir laisser advenir
. »

      JUNG, « Commentaire sur le Mystère de la fleur d’or "Ed. Albin Michel.

Petite réflexion autour de ce texte, Jung comme souvent y paraît iconoclaste, puisqu’il semble affirmer qu’il n’y a pas de solution, pas de guérison possible des problèmes les plus vitaux, alors que beaucoup viennent précisément en thérapie pour trouver de telles solutions.
 Les crises psychologiques les plus graves naissent d'un surgissement antagonique de l'inconscient qui, sous la forme d'un symptôme douloureux, vient briser l'équilibre initial du moi conscient.
En osant affirmer qu’il n’y a pas de solution à ces crises, Jung veut en fait nous suggérer qu’il est vain de rechercher à maîtriser nos brisures, et de conquérir ou reconquérir un état de continuité de la puissance.
Certes, nombre de motivations d'entrer en thérapie, et, il faut bien le dire, nombre de propositions de techniques thérapeutiques, commencent pourtant par là et visent à rechercher une reconquête de la puissance du moi par l'atténuation ou le gommage du symptôme. Mais il arrive alors qu'on voit la brisure de la crise ressurgir dans la vie d'un individu sur un mode que le plus souvent on n’aura pas prévu consciemment, parfois sous une forme plus grave.
Pour Jung, la vraie délivrance psychique ne relève pas de la catégorie de la maîtrise, ni d’une technique dont le moi s’emparerait et qu’il appliquerait à partir de lui-même unilatéralement pour combattre et réduire sa brisure.
La délivrance n’est pas une conquête du moi mais un dépassement que celui-ci accepte de vivre sans pouvoir le contrôler. La nouveauté qui amène cette délivrance surgit de possibilités obscures, nous dit Jung, c’est à dire inconscientes que le moi ne connaît pas de lui-même.
Comme l’indique Lu Tsou, la lumière tourne suivant sa propre loi, qui n’est pas la loi du moi. Il s’agit pour le moi uniquement de la laisser advenir, c’est à dire de la laisser l’éclairer lui, de l’accueillir simplement dans son champ conscient, de laisser agir son influx sur lui : tout le contraire d’une attitude « Yang » du moi, mais plutôt une attitude féminine d’accueil, d’ouverture, à cette lumière inconnue de lui qui vient de l’intérieur même de la psyché.
C’est ce que veut nous suggérer Jung dans ce texte. Dans les profondeurs de l’inconscient, il n’y a pas que l’obscurité de l'adversité venant  mettre en crise le moi, il y a aussi au plus profond, au cœur de la psyché, une lumière libératrice, vivante, qui oriente d’elle-même le moi, tout à fait naturellement, s’il peut la laisser advenir, dans le sens du dépassement de la crise, c’est à dire du dépassement de la confrontation violente entre moi et inconscient. L'œuvre de ce dépassement consiste en ce que puisse surgir de la confrontation un moi renouvelé qui est sorti de son unilatéralité et a intégré dans son affirmation l'opposition de l'inconscient à un moment donné.
Cette lumière intérieure qui n’est pas le moi, et que le moi ne connaît pas au départ, Jung ne l’a pas postulée, mais on peut dire qu’il l’a rencontrée très expérimentalement dans la contemplation empirique systématique de l’activité symbolique de l’inconscient.  
Vous savez, peut-être, qu’il a forgé le concept de Soi pour cerner cette lumière.  Il est essentiel pour lui de faire comprendre que le Soi n’est pas le moi. Il n’est pas du même registre que lui : il n’est pas un "Yang "unilatéral, qui ne prétendrait qu’à la continuité. Du moi, réduit à lui-même, ainsi, aucun dépassement ne pourrait surgir, parce qu’il est plein de lui-même, comme nous l’avons vu, et en cela, il est, sur sa propre base condamné à la brisure, sanction du réel qui, lui, survient de l'inconscient.
Le Soi est pour Jung tout autre que le moi. C'est cette découverte scientifique du Soi qui est pour lui la découverte originale fondant sa psychologie, et non, comme on le croit, celle de l'inconscient collectif dont Freud avait déjà pressenti l'existence. Le Soi a sa propre loi (comme le dit Lu Tsou). Il est d’un tout autre registre : Jung l’a rencontré comme la lumière, la source de conscience qui, de l’intérieur même de l’inconscient, cherche un dépassement positif au conflit violent qui surgit dans la psyché entre le moi conscient et l'inconscient.  A l'instar du Tao des chinois qui est la réunion harmonieuse du Yang et du Yin, du masculin et du féminin, le Soi est approché par Jung comme le point de vue qui, de l'intérieur même de la psyché, cherche à fonder celle-ci en totalité réunissant de manière harmonieuse le conscient et l'inconscient, un peu comme au sein d'un processus de paix, deux belligérants sont amenés par une puissance qui les transcende, à se rencontrer sans cesse et à confronter leurs positions contraires pour mieux se connaître et finir ainsi par se tolérer et se transformer mutuellement.

 

Commentaires

Proposition d'échange de lien :

J'ai placé un lien sur mon blog "Mandala" vers ton blog dans la rubrique : "Blogs de visiteurs à visiter..."

A+

Be happy !

Milko

Écrit par : Milko | 18/05/2007

J'aimerais bien faire un commentaire mais j'avoue que je suis un tantinet dépassé par le niveau de ce billet... je retourne à mon moi :-)

Écrit par : aliscan | 18/05/2007

Ce que je retiens de ce billet :

Contrairement à d'autres thérapies "actives" qui proposent de redonner l'équilibre en travaillant les forces du moi, [via l'usage de techniques de développement personnel ?], la découverte du Soi surgi de l'insconscient est chez Jung une voie passive (du point de vue du moi angoissé et crispé) qui demande d'accepter le réel providentiel et de laisser le Soi faire son travail de thaumaturge. On retrouve la notion de lâcher-prise chère au taoïsme.

Cela me rappelle aussi, plus près de nous, la foi chrétienne authentique, celle qui a passé les flammes du désespoir, celle du sermon sur la montagne : "Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie?", "Cherchez premièrement le royaume .../... Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine."

A l'aune des mystiques-gnostiques, qu'a d'ailleurs étudiés Jung, Le Soleil intérieur (le Soi jungien ?) s'il parvient à renaître, tel l'enfant Jésus dans la crèche, s'il échappe au massacre des innocents et grandit incognito en Egypte, peut devenir le maître de vie, le faiseur de miracles, pour autant que le moi se convertisse et laisse le Dieu en l'homme prendre les commandes.

Dans cette approche, il semble que l'enjeu soit plus grand que celui du psychiatre ou du psychologue : il ne s'agit pas seulement de trouver l'harmonie entre le conscient et l'inconscient, mais de transfigurer la personnalité sous les rayons du Soi solaire, de changer le plomb en or, métal incorruptible, afin que la mort soit vaincue.

Écrit par : Arianil | 18/05/2007

RE COM :

Je suis d'accord avec toi pour Jung ...
(Mon prénom est Milko et non pas Miko.)
A+

Écrit par : Milko | 19/05/2007

Voilà une utile mise à jour de plus sur l’ouverture que la Psychologie des profondeurs permet de faire vis-à-vis de la Spiritualité. Le temps n’est plus à les opposer schématiquement. L’usage du lâcher prise et l’existence du moi qui cherche à saisir ne sont pas nouveaux, mais ils sont toujours d’actualité.
Les résonances de Jung avec les maitres cités (on pourrait ajouter S. Prajnanpad, A. Desjardins ou K.G. Dürckheim) est de plus en plus évidente avec ce beau texte.
Y aurait-il une Source en vue ?
Merci Ariaga

Écrit par : djaipi | 19/05/2007

Quels rôles peuvent jouer la persona, l'anima/animus dans ce processus de réunification harmonieuse du conscient et de l'inconscient ?
Bises.

Écrit par : ada | 20/05/2007

Ce sont des étapes du cheminement vers le Soi qui en est une

Écrit par : phyta | 21/05/2007

Merci Ariaga pour ce texte riche. Je suis d'accord avec la recherche du "dépassement positif", qui - une fois écrit - posé, paraît soudain trop évident... alors brièvement, voici l'endroit où je bute.

"(...) de l’accueillir simplement dans son champ conscient, de laisser agir son influx sur lui : tout le contraire d’une attitude « Yang » du moi, mais plutôt une attitude féminine d’accueil, d’ouverture, à cette lumière inconnue de lui qui vient de l’intérieur même de la psyché".
C'est le noeud, auquel pour moi - belliqueuse, ou pas - se rattacheraient d'autres extraits.

Le combat n'a pas forcément lieu entre soi inconscient, et soi - conscient. L'abandon de ses forces à la lumière peut s'avérer être un ultime recours, pleinement consenti. La lumière comme rempart à la destruction déjà opérée par un élément extérieur à SOI.

Écrit par : Marie Gabrielle | 21/05/2007

J'aime bien l'image présentée par Arianil du Soi qui, tel l'enfant Jésus cherche à trouver place et à naître dans les crèches de nos vies individuelles et qui doit échapper à l'épreuve du massacre des innocents. C'est bien ce qui est en jeu dans nos vies. Nous vivons dans une civilisation rationnaliste qui hélas le plus souvent "massacre" la possibilité même d'une rencontre avec le Soi avant même qu'il puisse se manifester à nous.
J'aime également les commentaires de djalpi et de Marie Gabrielle qui mettent l'accent sur le lien entre psychologie et expérience spirituelle, axe fondamental de l'approche de Jung. Mais s'abandonner au Soi n'est pas une voie "passive", au sens négatif que ce mot prend souvent dans notre culture. Le non agir des taoïstes n'est pas cette passivité, c'est un engagement intense dans la vie. Je parle dans mon texte d'une attitude féminine d'accueil, d'ouverture à la lumière inconnue du Soi, mais c'est tout le contraire d'une attitude passive, car cette lumière nous confronte à nos ombres, veut nous sortir de nos enfermements matriciels pour que nous naissions réellement à nous mêmes, dans la vie, dans le Soi. S'abandonner, oui, mais d'abord à la confrontation que nous demande la vie.
Pierre Trigano

Écrit par : Trigano | 21/05/2007

Je lis ceci alors j'ai touché en moi à une Haine profonde, destructrice et meurtrière ce week-end et je suis en voie de réconciliation avec elle.
J'ai fait un rêve cette après midi : je suis gardien de hockey sur glace et je frappe, assène et blesse physiquement des gens qui sont sur la patinoire. Le sang gicle, j'exulte... J'ai eu très peur au réveil. C'est un cauchemar vue qu'il y a des répercussions dans mon corps : je me réveille encore plus fièvreux.
Je touche à cet Autre en moi qui compense mon aspect conscient empathique, compatissant et bienveillant.
Le conflit entre ma Haine et la compassion est en moi. La haine est mise dans la conscience tout autant que la compassion. La confrontation Ombre/Persona commence, la tension se sent. J'appelle et attends le Féminin en moi qui apportera solution créatrice.
Que la Grande déesse me guide dans cette confrontation Ombre/lumière...

Bien à vous,

Alexandre

Écrit par : alexandre | 21/05/2007

Il n'y a peut-être pas de solution miracle mais il est bon d'être conseiller pour y voir plus clair.

Écrit par : consultation psychologue en ligne | 24/06/2009

Je viens de "tomber" sur ce texte un peu "ancien", Ariaga...et je dois dire que j'en partage chaque mot, chaque virgule...
Pour moi, le "centre" de la pensée de Jung se trouve là, précisément dans ce que tu dis dans ce billet...
Seul le Soi peut nous faire avancer et nous "guérir"...c'est en nous mettant à son écoute que nous "dépassons" nos conflits apparemment "insolubles", c'est en le laissant agir en nous que nous allons vers un "mieux" et non en nous focalisant sur nos difficultés, en usant d'une "volonté crispée"...ou en imaginant une solution "logique".
Le "laisser advenir" est en lien avec la confiance, la confiance non en la Providence mais en l'"Esprit" qui est en nous et qui sait mieux que nous ce qui nous convient.
C'est le Soi qui est guide et guérisseur.
C'est lui qui délivre le Sens.
C'est lui qui apaise et résout les oppositions "duelles".
Il propose à chacun une voie entièrement personnalisée...une solution unique...qu'il transmet par les symboles de nos rêves et par les synchronicités de nos vies...
Ce qui est demandé, ce n'est pas la volonté ou l'effort...c'est l'ATTENTION, l'attention aux messages et aux signes du Soi.

Écrit par : La Licorne | 10/03/2013