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29/07/2013
Voyage au pays d'Adelis
Je vous présente cette histoire d'Élisabeth Leroy dont nombre de lecteurs connaissent le blog : Mes Passions. J'ai beaucoup aimé cette histoire poétique, charmante, qui montre, si on la lit jusqu'à sa fin, qu'un "glissement" vers un ailleurs est toujours possible et qu'il ne faut pas se fier aux apparences.
Photo Ariaga (clic pour agrandir)
Au pays d'Adelis
Au milieu des rochers balayés par la tempête déchainée, mes cheveux fouettaient mon visage.
Je devais me battre contre le vent pour rester debout et garder l'équilibre.
J'avais laissé mes amis derrière moi pour rejoindre le château d'Adelis qui m'attendait ce soir.
Je traversais la mer en sautant de rochers en rochers. Je savais qu'au bout du chemin je le trouverai.
Arrivée sous une grande arche de pierre, j'avançais prudemment dessous. Il me fallait encore marcher sur une route sinueuse qui montait la colline.
Arrivée tout en haut, je vis une lumière bleue. Des oiseaux noirs volaient au-dessus de moi ; certains me frôlaient et j'avais envie de crier.
J'étais épuisée mais je savais qu'Adelis m'attendait. Je repris mon souffle un instant. Je regardais autour de moi mais la lumière bleue était devenue jaune. Je me dirigeais vers le château qui devenait de plus en plus gigantesque. Arrivée à la porte, je tapais de toutes mes forces avec les deux bras. Une dame voutée m'ouvrit et je me présentais.
Elle me dit : "Adelis vous attend, suivez-moi..."
J'entrais dans une immense pièce entourée de colonnes finement sculptées, éclairée par quelques bougies et au milieu de laquelle un bassin jetait de l'eau en cascade du haut d'une fontaine. Adelis apparut entre deux colonnes et m'invita à m'asseoir sur les coussins jetés au sol sur un grand tapis. Il m'offrit un verre de vin et je le remerciais. Je le questionnais sur le but de son invitation et, au moment où ses lèvres s'ouvrirent, je me sentis tout à coup engourdie. Sa voix devenait de plus en plus lointaine. Je ne comprenais pas ce qu'il me disait. Ma tête tournait et mon corps tomba dans un grand lac noir.
Je fus aspirée dans un tourbillon qui dura quelques secondes mais qui m'effrayait. J'entendis au loin Adelis qui me parlait. Sa voix douce m'accompagnait dans ce voyage inattendu. Je tombais enfin sur un lit de pétales de fleurs roses. Une main prit la mienne. Je levais les yeux et Adelis, devant moi, me souriait. Il me dit : "Bienvenue dans mon royaume ! Monte dans cette barque ! ". Je regardais autour de moi : je ne voyais que des fleurs et un jardin. J'entendais au loin une harpe qui jouait un air inconnu. D'un geste Adelis fit apparaître une barque bleue au milieu de ce décor. Je ne pouvais qu'accepter l'invitation et je montais dans la barque qui glissa aussitôt sur les pétales de fleurs.
Ainsi commença un voyage dont je ne me souviens pas de la durée, ayant perdu toute notion du temps depuis que j'étais partie au-delà des rochers et de la mer. La barque prit son envol dans le ciel sans nuages au-dessus de nos têtes. Adelis m'embrassa. Je ne voyais plus le paysage autour de moi, que le ciel sans nuages. Je murmurais alors : "Je veux vivre dans ton pays Adelis... Mélia avait raison".
Une voix étrange, glaçante, se fit entendre au loin comme un écho qui me répondait. Ce n'était pas la voix d'Adelis. Elle disait : "Je t'ai choisie depuis longtemps déjà. Tu ne le sais pas mais ta robe t'attend dans la forêt des cerfs blancs". Je frissonnais ...
Élisabeth Leroy
07:17 Publié dans amour, Contes et symboles, CONTRIBUTIONS, poésie, rêve, Science-fiction et Fantastique, Vacances imaginaires | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : écriture, poésie, conte, Élisabeth leroy, voyage, fantastique, photo
Commentaires
Mon vieux chien s’est assis sur le rivage et refuse absolument de traverser la mer en sautant de rocher en rocher, il semble deviner toute la suite et me dire : " N’y va pas !! Voilà un château dont, à ta place, j’éviterais de m’approcher, une séduction par Adelis dont je me défierais au plus haut point et une barque dans laquelle je ne voudrais à aucun prix* monter. Un glissement vers un ailleurs néfaste. " (* un très bel os à moelle ne le ferais pas bouger d’un millimètre en direction de ce château)
Les avis de mon vieux Friek** me sont précieux et je crois que je vais demeurer très prudemment sur le rivage, loin de ce ciel sans nuages où les cerfs me paraissent trop blancs pour être sans ombres inquiétantes. (**prononcer Frièqu(e), en français : Pif)
Écrit par : Amezeg | 29/07/2013
Voilà que je me confonds avec mon chien, mon cher vieux complice, mon vieil ami, et que je note un S à la place d’un T : " un très bel os à moelle ne le feraiT pas bouger d’un millimètre " - C’est en somme ce qui était arrivé à Raymond Devos, mon illustre devancier dans cette confusion... :-)
Écrit par : Amezeg | 29/07/2013
@ Amezeg, tu as bien raison de te méfier. Les apparences peuvent être trompeuses et cela se vérifie dans la vie. Les chiens en savent plus que nous. Je pense qu'Élisabeth nous livre là une belle histoire.
Écrit par : ariaga | 29/07/2013
La baguette de la créativité surchauffe en ce moment dans le laboratoire...encore une bien belle histoire mystérieuse, à la fin inquiétante.
Merci à l'auteur et amitiés à la tenancière,
Jean
Écrit par : Jean | 29/07/2013
Bonjour amie,
un petit coucou, pas beaucoup de temps en ce moment
Très bonne semaine
Bises
Daniel
Écrit par : bichon39 | 29/07/2013
Que ce soit les écrits d'Epheme ou ceux d'Elisabeth, j'admire cette capacité à faire aller au-delà du réel par le conte. Des créations enchanteresses !
Écrit par : Francine | 29/07/2013
Le cerf blanc, un guide incandescent pour l'aventurière en quête d'idéal, l'ultime confrontation par l'exploration de la forêt profonde et sombre de l'inconscient ?
"Le cerf, guide solaire des âmes égarées "
Selon l’historien Jérémie Benoît, le cerf possède une ramure qui l’apparente au feu solaire qui brûlait
sur la tête des guerriers. Dieu initiatique donc, symbole de la lumière, il rencontrait son complément avec la fée des eaux qui, comme Viviane et Mélusine, était seule susceptible d’éteindre sa vigueur, voire de l’épouser. Animal chassé, conducteur d’âmes, il était le grand dieu Cernunnos des Celtes, dieu du cycle de la nature dont
la caducité des bois symbolisait la mort et la renaissance.
« Qui connaît l’esprit du cerf, qui parvient à se pénétrer de son esprit parvient en conséquence au sommet du savoir et entre en harmonie totale avec l’univers, comme cela est le cas pour les guerriers. »
« Le phénomène est omniprésent chez les Celtes, et la littérature médiévale nous en a conservé la trace. C’est bien souvent en
courant le cerf lors d’une chasse que les guerriers entrent dans un monde autre, celui des esprits, donc celui de la connaissance suprême… » Voici bien la fonction psychopompe du cerf, que l’on retrouve « dans de nombreux récits médiévaux, bretons en particulier »
source :http://blog.institutpythagore.net/public/Foret_Imaginaire_occidental_web.pdf
Écrit par : Jacqueline W. | 29/07/2013
Merci Elisabeth, ce petit conte est un enchantement qui s'ouvre d'un coup sur un mystère... dont nous ne saurons que ce que notre imagination voudra bien nous laisser y déposer. Et là, tout est possible, comme dans un conte ; prince charmant, affreuse sorcière, troll facétieux, folâtre dragon vont venir sur la lande obscure nous enchanter de leurs histoires. La malheureuse a bien raison de frissonner, et, pour moi, le bel adonis d’Adelis est trop enjôleur et Maître en charmes pour être honnête…. Mais chacun ses rêves…
Amitiés
ÉPHÊME
NB : J'aime aussi beaucoup la photo d'Ariaga illustrant le conte, pleine elle aussi de mystères et de portes de sortie...
Écrit par : EPHÊME | 29/07/2013
Le symbolisme général du cerf, pris hors de tout contexte particulier, est très positif.
Il est lumière et conscience dans l’obcurité de la forêt.
C’est peut-être dans la façon de le rechercher et de tenter de le rejoindre que l’on peut imaginer que se révèlerait en quelque sorte " l’ombre du cerf ". Est-ce là justement ce qu’évoque le Yi King au troisième trait de La Difficulté Initiale, celle-ci pouvant être comprise comme l’entrée dans la quête de la lumière intérieure ?
La valeur générale d’un symbole n’est-il est toujours à considérer dans le contexte particulier où il apparait afin de tâcher de saisir ce qu’il représente ou suggère dans ce contexte précis ?
YI KING (http://wengu.tartarie.com/wg/wengu.php?lang=fr&no=3&l=Yijing) :
3. Tchouen / La Difficulté Initiale
Nuages et tonnerre :
Image de la DIFFICULTÉ INITIALE.
C'est ainsi qu'agit l'homme noble, en démêlant et en mettant en ordre.
L'Image
Les nuages et le tonnerre sont représentés par des lignes décoratives définies. Cela veut dire que, dans le chaos de la difficulté initiale, l'ordre est déjà présent. C'est ainsi que l'homme noble doit, en de tels moments de début, articuler et ordonner l'abondance confuse, comme on sépare les uns des autres les fils de soie d'une pelote emmêlée et qu'on les unit en écheveaux. Pour se reconnaître dans l'infini, il faut distinguer et unir.
Six à la troisième place signifie :
Qui chasse le cerf sans forestier ne fait que s'égarer dans le bois.
L'homme noble comprend les signes du temps et préfère s'abstenir.
Continuer apporte l'humiliation.
Quand on veut chasser sans guide dans une forêt inconnue, on s'y égare. On ne doit pas vouloir s'évader des difficultés où l'on se trouve, sans examen et sans conseil. Le destin ne se laisse pas abuser. Des efforts prématurés sans la direction indispensable conduisent à l'insuccès et au déshonneur. C'est pourquoi l'homme noble, reconnaissant les germes des événements qui s'annoncent, préfère renoncer à un souhait plutôt que de s'attirer l'insuccès et la honte en cherchant à obtenir à tout prix son accomplissement.
Écrit par : Amezeg | 29/07/2013
J'aime ces histoires un peu fantastiques qui laisse place à l'imagination. Quant à la photo que tu as choisie, elle est tout à fait en harmonie avec l'histoire.
Écrit par : Daniel | 29/07/2013
Erratum - Dans mon précedent commentaire, veuillez lire plutôt : « La valeur générale d’un symbole n’est-ELLE PAS toujours à considérer dans le contexte particulier où il apparaît... »
Écrit par : Amezeg | 29/07/2013
c'est pas pour rien que certains écrivains ou artiste se droguent...ah ah ah
besos
tilk
Écrit par : tilk | 29/07/2013
@ tilk - Cette consommation de drogue me rappelle une situation que rapporte Marie-Louise von Franz :
« Il s'agit d'une jeune femme très douée sur le plan artistique, mais comme emmaillotée dans une éducation ayant favorisé des attitudes conventionnelles et les ayant imposées à sa psyché. Par curiosité elle fut amenée à prendre du L.S.D. Son acte accompli, on lui dit en rêve quelle avait fait un beau voyage, mais qu'à présent il lui fallait changer de perspective—après quoi elle vit, campé devant elle, son analyste hilare coiffé d'un bonnet de fou. L'inconscient sou¬lignait ainsi qu’elle avait besoin de davantage de gaie « folie » créa¬trice qu'elle pouvait acquérir auprès de son analyste — qui porte le bonnet du fou du roi pour montrer que le chemin passe par lui —, mais à condition de renoncer à l'adjuvant qu'est la drogue. Si celle-ci lui avait ouvert les portes donnant accès au pays de l'expérience nouvelle, loin des conventions, il fallait maintenant en tirer les conséquences sur le plan moral conscient. » Marie-louise von Franz, " Psychothérapie – l’expérience du praticien ", Éditions Dervy
La drogue n’est pas toujours un produit extérieur, elle peut être aussi une mauvaise et dangeureuse façon de se disposer intérieurement face au mystère de l’inconscient.
Écrit par : Amezeg | 29/07/2013
Je suis contente qu'Ariaga ait pu me donner l'envie d'écrire ce texte car sans son impulsion vous ne l'auriez jamais lu. C'est le 2ème texte de ce genre que j'écris.
On peut en effet se demander ici si la séduction d'Adelis est saine, franche et s'il est bon ou non tomber dans ses bras. L'amour est aveugle et j'ai vu tant de fois des filles tomber dans les bras de séducteurs sans savoir ce qui les attendait. Moi je voyais que ces relations n'irait pas loin....
Amezeg : les chiens ont du flair, et les hommes ou plutôt les femmes sont aveugles quelquefois.
Jean : contente que cette histoire te plaise.
Francine : j'ai poussé à fond dans l'imaginaire je pense.... Merci.
Jacqueline : j'ai inventé les cerfs blancs et je ne sais pas s'ils existent dans certains livres. Merci pour tes explications, je vais creuser un peu plus pour connaître d'avantage sur les cerfs.
EPHEME : la vie n'est pas un long fleuve tranquille, les sorcières et tout le reste sont toujours là pour nous le rappeler.
Il faut de l'action, des émotions sinon c'est trop plat...
AMEZEG : merci pour tes approfondissements sur les cerfs.
DANIEL : elle a réussi à trouver l'illustration qui lui plaisait. Je ne sais pas ce que j'aurais mis moi-même...
TILK : je ne me suis jamais droguée, je ne sais pas moi-même, sauf qu'on m'a raconté, ce que cela fait. Je n'en ai pas besoin d'ailleurs. Je laisse mon imaginaire aller où il m'entraîne....
Écrit par : elisabeth | 29/07/2013
Chère Ariaga...
Si je pouvais définir la frontière entre imaginaire et réalité je pense que ma vie n'aurait plus de sens !...le jour de cette prise de conscience s'est installée une agréable paix intérieure...
Ta photo est non seulement très belle mais elle est aussi magique...
Evocation propice à l'exaltation entre réalité et imaginaire...
A Elisabeth...
merci pour cet imaginaire récit...à bien y réfléchir pas si imaginaire que cela !!!
Que cette journée soit douce sur vos univers,
Michèle
Écrit par : michèle | 30/07/2013
Bravo Elisabeth pour ce récit qui nous laisse sur le frisson de la fin sans savoir ce qu'il advient du personnage. Beaucoup d'imagination qui accompagne la photo d'Ariaga. Merci à toutes les deux.
Écrit par : danae | 30/07/2013
@ARIAGA À TOUS, je vois que vous appréciez le récit d'Élisabeth. Ce qui me plait c'est qu'il laisse ouverts tous les possibles et qu'il est écrit dans un très beau style. J'aime l'été quand le Laboratoire devient un lieu d'échanges où je laisse la place à d'autres. Il est bon que je me mette un peu en retrait, respectant ainsi mes "à propos" aux débuts de la création de ce blog. Des pensées de paix et d'amour pour tous les amis connus et inconnus.
Écrit par : ariaga | 30/07/2013
@ Jean, la "tenancière" attend impatiemment de te servir à boire.
Écrit par : ariaga | 31/07/2013
@ Bichon 39, c'est gentil d'être quand même venu faire un coucou.
Écrit par : ariaga | 31/07/2013
@ Michèle, comme je te comprends. Pour moi la frontière entre le réel et le fantastique a toujours été floue et je ne parle pas du rêve qui, pour moi, fait partie de la vie éveillée car il est un guide.
Écrit par : ariaga | 31/07/2013
http://www.czech.cz/fr/Tourisme/Ou-aller,-que-visiter/Tuyaux-culture/Curiosite-mondiale-en-Boheme-%E2%80%93-les-cerfs-blancs
Les cerfs blancs existent bien. Je l'imaginais et c'est réalité.
Apparemment, ils sont une curiosité.
Écrit par : elisabeth | 31/07/2013
Et puis il y a cette vidéo, (belle musique à la guitare entre parenthèse que j'apprécie).
http://www.dailymotion.com/video/x50hg4_un-magnifique-troupeau-de-cerfs-bla_animals
Écrit par : elisabeth | 31/07/2013
@ Élisabeth, merci pour ces apports qui ajoutent à ton texte.
Écrit par : ariaga | 31/07/2013
J'ai aimé ce Conte. Sans chercher rien d'autre je me suis laissée emportée par la magie des mots. Et la fin est comme une exquise et douce promesse suspendue dans l'ailleurs. Merci Elisabeth .
Amicales pensées.
Écrit par : Hécate | 01/08/2013