13/08/2012
Les tsiganes
Depuis le début du voyage de l'ÉVASION, je sentais une présence forte quelque part sur le bateau. Il m'avait semblé apercevoir du linge coloré séchant dans un endroit bien caché du pont mais j'ai cru à un reflet fugace. Je me suis enfin décidée à descendre à la cale, un lieu qui est plutôt le domaine des fêtards et c'est là que j'ai trouvé Patricia Gaillard, dite la Gaillarde Conteuse, qui avait délaissé les lieux où elle raconte des histoires pour embarquer sur sur cette croisière de libération. Je lui laisse la parole :
***
Comment aurais-je osé interrompre cette libération des bateaux en bouteilles, moi qui suis fervente alliée de toute forme de liberté et d’indépendance. Et pendant que vous épiloguiez sur ces rafiots immobiles dans leur prison de verre , j’étais absente du débat, et pour cause !
A présent je soulève le voile de mon secret : mon arrivée à bord n’a pas été solitaire, loin de là, car du monde et du beau embarquait avec moi.
Des tsiganes, mes amis, ont quitté illico leurs roulottes colorées pour m’accompagner là. Des gens du voyage. Vous pensez bien que notre voyage ne les intimide pas. Voyez, je monte de la cale où nous nous cachions. Imaginez un peu, pour vous faire une surprise ils ont été discrets. Pour eux, durant plusieurs jours, pas de rires ni de musique, pas de chant à lancer au grand vent de la mer, ils ont fait grand silence.
Et puisque vous parlez de libération, les tsiganes sont des esprits libres qu’on a souvent voulu dompter.
Cessons d’être des bateaux en bouteilles ! Tous les soirs à venir, diable, il faudra qu’on danse. Nos jambes sont engourdies, moussaillons !
Permettez que je vous présente mes chers amis romanichels...
Leurs gestes sont posés, ils sont dans l‘attention. Le brillant de leurs yeux montre le chaud du cœur, ils ont le sourire vrai comme ceux des enfants. Ils fréquentent leur ombre, la connaisse, la montre, ne la cache pas comme nous dans un boisseau d’orgueil. Les femmes portent des jupes, longues, bigarrées, virevoltantes comme leurs rires, ou comme leurs cris, c’est selon l’humeur qui soudain les empoigne. Elles vous prennent les mains, y lisent couramment, et vont vous raconter votre vie en couleur ! Et les hommes aux guitares ou aux accordéons, avec leurs chants, joyeux ou tragiques, mais forts toujours, et jaillis des entrailles...
Voleurs de poules ??? “Peut-être, une fois ou deux, mais c’était pour nourrir les enfants” expliquent-ils...
Voici la nuit qui tombe. Les étoiles s’allument, telles les lampes des songes. La mer est calme et douce, notre bateau navigue en toute tranquillité. Peppo, le beau musicien Sinto, prend son accordéon et une poignée de notes pleure sous ses doigts bruns. Il chante, l’entendez-vous ?
N’avez-vous pas envie de danser pour dessiner cette musique envoûtante ?
Armelle, qui est Romni, fait quelques pas. Sa jupe mordorée tourbillonne, une vraie tempête de couleurs ! Imaginez-vous des jupes en corolle, des foulards rouges au cou, des chaussures pointues, des yeux sombres rieurs et des voix de gitans. Osez tout cela, vous n’en serez que mieux, je peux vous l’assurer, j’ai souvent essayé. Mes amis, quelle expérience !
Et la soirée finie, ils disparaîtront, les tsiganes... Ils savent bien faire ça. Leur route les aspire, ils demeurent rarement longtemps à un endroit.
Tant de vie quand ils sont là, et soudain ce silence. La nuit de la mer reprend doucement ses droits.
Dormons, dormons... rêvons...
Photos publiées avec l'aimable autorisation de la Compagnie Audigane, Armelle et Beppo.
08:02 Publié dans arts, rêve, Vacances imaginaires | Lien permanent | Commentaires (56) | Tags : écriture, société, musique, voyage, art, danse, tsiganes, culture