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27/04/2007

Dialogue avec Dieu

...Suite des deux précédentes notes.

   Une réflexion, que l'on peut qualifier de "philosophique "commence chez l'enfant à la suite du rêve de la cathédrale et quoi que Jung s'en défende, je crois qu'elle perdurera jusqu'au seuil de la mort. La lecture des ultimes lettre de la Correspondance m'en a persuadée. Il va, très précocement, déduire de son expérience un certain nombre de conclusions qui auront une grande importance pour l'évolution de sa pensée. 

   Tout d'abord, l'évidence des contradictions inhérentes à la nature divine : Dieu, omniscient, connaît toute l'histoire de l'humanité. Et pourtant, il crée des hommes qui ne peuvent échapper au péché. Ensuite, non seulement il interdit ce péché mais il le punit. Y a t-il en Lui une part de cruauté ? Si oui, Dieu n'est pas "tout de bonté". Il montre son autre face, celle de la cathédrale : une face implacable qui ignore ce que les hommes appellent le juste et l'injuste. Il n'apporte ni secours ni réponses. Pire, il peut être l'instigateur d'une situation où un malheureux enfant, torturé par le doute, doit "penser à ce qui est maudit, pour participer à Sa grâce." On est seul devant ses décisions, et on ne peut attendre aucune aide quand se pose un problème vital de choix. La jeunesse, pense le Jung de douze ans, le manque d'expérience, ne sont pas des excuses, au moment de répondre aux exigences de la terrible volonté divine. 

   Ces première conclusions provoquent un grand désarroi chez le jeune garçon qui, dans le milieu de pasteurs où il vit a entendu beaucoup de discussions théologiques. Elles impliquent une mise en cause de sa relation à la religion. Au dessus de l'église, et de son discours théologique, il y a un Dieu vivant, immédiat, tout puissant, qui se moque des traditions sacrées, puisqu'il est capable de démolir sa propre église d'une manière aussi scandaleuse. Ce Dieu peut exiger que l'on renonce à toutes ses opinions pour bafouer la tradition religieuse. Tout cela est assez effrayant.  Après la déception provoquée par sa communion, cérémonie en laquelle il avait mis son dernier espoir, car il pensait que Dieu à cette occasion allait se manifester à lui d'une "manière inouïe"et où il ne ressent qu'un grand vide glacial, il parvient à cette constatation :" J'étais tombé hors de l'église. Cela me remplissait d'une tristesse qui devait assombrir toutes mes années jusqu'au commencement de mes études universitaires."(Ma vie, p.77).

   Si Jung enfant était tombé hors de l'église, son dialogue avec le Dieu biblique de ses pères était loin d'être terminé. Un fil direct relie la scandaleuse vision de la cathédrale, avec un détour par Les sept  Sermons aux morts, à l'étude tout aussi scandaleuse aux yeux de certains (qu'ils soient catholiques ou protestants), que Jung fait de l'"autre face"à l'origine du comportement de Yahvé dans Réponse à Job, une bonne soixantaine d'années plus tard. Ce qu'il écrit sur Yahvé doit être remis dans le contexte de l'ouvrage mais je vous en donne un extrait :"C'est la conduite d'un être essentiellement inconscient, conduite que l'on ne saurait soumettre à des critères moraux. (...) La dualité de l'attitude de Yahvé qui, d'une part piétine sans le moindre scrupule la vie et le bonheur humain, et pour qui, d'autre part, il semble que l'homme doive être un partenaire, place l'homme dans une situation inextricable : en effet, Yahvé Se comporte de façon absolument déraisonnable, à l'image des catastrophes de la nature et autres désastres imprévisibles, et il veut à la fois être aimé, honoré, supplié, et loué comme étant le Juste."(p.59et61)

   On sent, en lisant ces mots par l'intermédiaire desquels Jung exprime son indignation personnelle contre la nature paradoxale de Dieu, la trace indélébile du rêve du Dieu souterrain et de la vision de la cathédrale. Cependant sa colère est constructive. Elle le conduit, dans cet ouvrage, à la constatation qu'une prise de conscience, et la possibilité d'une relation harmonieuse de Dieu avec l'homme, passent par le chemin d'une incarnation christique. C'est parce que Dieu avait besoin de l'homme pour devenir conscient de lui-même et de sa création qu'il a progressivement ressenti la nécessité de s'incarner. 

   Bien d'autres développements sur la relation Dieu-homme, et une réflexion sur les possibilités d'intégration de l'élément féminin à la divinité, sont contenus dans cet ouvrage très personnel. Mais je me suis limitée, au sujet de ces deux rêves et de leur prolongement dans la vie et l'oeuvre de Jung, à montrer la présence au sein de ces rêves "initiaux", d'éléments à l'origine de l'enracinement de sa pensée et de ses réactions émotionnelles futures. J'espère aussi avoir signalé l'importance qu'il faut accorder aux rêves, visions et imaginations des jeunes enfant et pré-adolescents, car ils peuvent avoir une grande influence sur leur futur développement psychique.

   Il est possible que je vous ai "gonflés" avec mon cher Carl Gustav pendant deux semaines. Promis à ceux que je connais pour lesquels Jung n'est pas leur "tasse de thé", je vais aborder d'autres sujets. Si cela "descend" pour le Samedi /Dimanche photo/poésie. 

     Ariaga
 

 

Commentaires

et bonsoir (eu), c'est Phytaclite, je peux rentrer?
et ouaye, c'est pour dire une hmmm, galéjade.
Bé... Yahvé par ci, Dieu par là, vè, j'ai l'impression de débouler dans un coquetaile mondain où je connais dégun. Vous avez l'air de les connaître, vous; au moins de savoir qui ils sont. Sont ils? Et s'ils sont, sommes nous? Je sens venir le reproche de travailler au tarabiscot. Bé non; c'est sans moulure, tout simple: parler de "Dieu" en disant il (ou elle, ça existe), en y accolant des verbes, rend l'idée plus palpable tout en fixant le volatil, certes. Un instantané en somme; de ce que Maître Carl Gustav exprimait par "vocatus..."
ou "Dieu" est partout et réciproquement

Écrit par : phyta | 27/04/2007

C’est vous qui êtes gonflée à bloc ! Vous êtes en pleine forme, une ordonnance de rêves plus érotiques à l’un par ci, un bisou de Crapaude à l’autre par là…
Et ici, cette aventure psychique qui plaide pour la Pensée créatrice, capable de supporter un tel tintamare de dualités et de vertiges.
Notre aventure avec le numineux ne fait que commencer.
Bises NeDiennes

Écrit par : djaipi | 27/04/2007

Lecture d'affilée des trois dernières notes : voilà qui nourrit. Très bon style, Ariaga, soit dit en passant. Tu es pleine de ton sujet et les mots semblent venir aisément. J'aime bien l'idée que Dieu inconscient ait besoin de l'homme pour accéder à la conscience (du monde et de soi ?). Elle unifie les deux points de vue : Dieu crée l'homme et l'homme crée Dieu.
Plaisir à lire aussi les divers commentaires, notamment djaipi. Bon week end.

Écrit par : Arianil | 28/04/2007

Intéressante cette problématique qui hante croyants et non croyants : si Dieu est amour, pourquoi avoir créé des hommes si peu a même au fond de lui ressembler ??
Cependant, ne sont-ce pas les épreuves et les erreurs, les réflexions sur les paradoxes, etc. qui nous font avancer, évoluer, nous transcender ?
Les finalités et les conclusions ne sont pas les mêmes pour tous (loin de là), mais qui évoluerait si tout lui était donné, si aucune embûche ne venait en travers de son chemin, si aucun choix n'était à faire ?
Le "plomb" se transforme en "or" au terme d'un grand travail, et quel sens aurait cet or sans le travail qui y aboutit ? Bises Adiennes ;-)

Écrit par : ada | 28/04/2007

Jung, on devrait encore le lire, mais il y a tellement de bonnes choses ... J'ai lu son autobiographie en Inde, il y a bien longtemps. J'avais noté ceci, qui trahit un - grand - homme, selon moi :

(C. G. Jung, dans Memories, dreams, reflections, p. 391)
La prochaine fois que tu parles de lui, j'espère prendre le train en gare...

Écrit par : Marc | 28/04/2007

Et dire que j'ai failli rater ce texte sur Dieu (pas de courage pour rattraper mon passif).
Article très intéressant ! Vraiment. Ce personnage de Jung (j'avoue, je n'y connaissais rien,, c'était juste pour moi un disciple dssident de Freud) commence à m'intéresser.
J'écris sur Dieu moi aussi de temps à autre. Tiens, cela par exemple :

D'en haut

Dans ma religion sceptique, je me mis à considérer la place d'un dieu. Voyant le monde depuis le dessus, tout était aplati, les montagnes sans relief, les gens sans visage.
Je ne pouvais pas pourtant me permettre de descendre trop bas, j'aurais moi-même été aplati par les pas vulgaires des vivants. L'horizontalité m'apparut alors avec réconfort; dans les regards seuls, se lisaient parfois des âmes.
Je compris mieux la position de Jésus-Christ.

Écrit par : Marc (Blot) | 28/04/2007

Ben, pour ma part, j'ai pas tout compris, mais je trouve ça quand même passionnant, je sais pas comment dire... j'ai tout lu et j'en redemande
ai soif !

Écrit par : gaiia | 30/04/2007

@ Phyta c'est bien vrai que Jung pensait que l'on ne pouvait se passer de Dieu car son image est inscrite en nous de manière archétypique.

@ Djaipi je dois faire comme la grenouille et prendre garde à l'explosion.

@Arianil , comme d'habitude tu résume en d coutes formules l'essentiel de ce que je tente d'expliquer. Merci.

@ Ada, merci pour ce commentaire qui met bien le doigt sur la grande querelle du "summum bonum", c'est à dire Dieu est il uniquement et suprêmement bon.

@ Marc on peut très bien prendre le train en gare. Je crois qu'une phrase parfois suffit à déclencher réflexion et méditation. Quand je vais chez méditez faute mieux, je picore et je trouve toujours la nourriture qui me conviens.

Marc-(Blot), merci de me dire que grâce à mon travail certains commencent à s'intéresser à Jung. votre texte est intéressant en particulier cette idée de l'écrasement et de l'horizontalité.

Écrit par : ariaga | 30/04/2007

Si ça peut vous rassurer Ariaga vous ne me gonflez pas avec Jung ; je commence même à être franchement intrigué par cette fameuse autobiographie.

"Dieu" : vaste sujet... Nos problèmes intellectuels avec "Dieu" ne viennent-ils pas la plupart du temps d'une vision anthropomorphique de Dieu et d'une croyance très ancrée (à peine consciente) en la toute puissance de notre raison.
Bises.

Écrit par : profdisaster | 01/05/2007

bonjour,
j'entends que l'on pinaille sur mes mots comme votre serviteur le fait sur ceux des autres et à ce titre il n'est pas d'impertinence à relever que ce que l'on suppose inscrit dans notre fond commun (attention aux rapprochements hasardeux) n'est pas une image mais une fonction; laquelle met en rapport notre postulée misérable insignifiance avec ... l'inconnu et dont le résultat (l'image, ah!) est fonction de ce que contient le pas grand chose sus évoqué;
'oilà: ça marche à la Wikipédia; c'est modulable

Écrit par : phyta | 02/05/2007

@ Profdisaster, merci de venir petit à petit dans mon univers. Cela me fait vraiment plaisir. Anthropomorphisme, certainement. Nous ne concevons facilement que ce qui ressemble a du connu et contrairement à ce que l'on dit que Dieu nous a fait à son image, je crois plutôt que c'est nous qui faisons Dieu à notre image. Quand à la toute puissance de la raison vous savez tout le mal que j'en pense. Cher désastre, nous sommes d'accord sur tout allons nous reformer ce couple toujours d'accord qui faisait sourire la blogosphère ? (hi!hihi!)

Écrit par : ariaga | 02/05/2007

//l'évidence des contradictions inhérentes à la nature divine//

la première de ces contradictions fit chez moi son apparition quand je priais chaque soir avant de m’endormir pour que “tout aille bien” en prenant soin mentionner tout le monde (mes parents, mes frères, mes cousins et cousines, mes oncles, mes tantes, mes amis, les voisins… le chien… la liste était fort longue) et j’en vins un jour à me demander ce qui arriverait si j’oubliais quelqu’un. Selon ma pensée enfantine, le bien-être de tout le monde dépendait un peu de moi (sinon à quoi bon ma prière) et j’avais donc un pouvoir sur eux, par le biais de cet être invisible, nommé Dieu. Avais-je vraiment de l’influence sur Dieu?

Cette question fut bientôt suivie de plusieurs autres…

Écrit par : r_i_d | 26/02/2008