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17/08/2012
Le musée imaginaire de l'Évasion
Je me trompais, je croyais que ÉPHÊME, après nous avoir propulsé vers le Pérou, considérait qu'il n'avait plus rien à faire que de s'amuser dans son lieu préféré, la cale du navire. Je le croyais uniquement occupé à chanter, vider des bouteilles, mettre des tonneaux en perce et concocter avec Mariedumonde et la Gaillarde Conteuse d'étranges tisanes. Mea culpa ! Il rassemblait ses souvenirs de la visite des musées péruviens pour nous permettre de les visiter ...presque en vrai, l'imagination faisant le reste.
Ariaga
Au fond de la cale, entre deux libérations-libations de vaisseaux embastillés, je méditais de nouveaux voyages imaginaires, au cœurs des raides vitrines des fabuleux musées péruviens. Là des vies oubliées me regardaient de leurs yeux éteints pleins d’espoirs de renaissance, puissants comme humbles figés dans les doutes du néant.
Ces portraits des êtres vivants du peuple Moche, Lambayeque, Chimu, Cupisnique, Viru… aux noms magiques, tous ces gens dégorgeant de vérité, de douleurs et de doutes, figés pour l’éternité, délicates fragiles céramiques sont les témoins de l’activité grouillante de ces précolombiens vibrionnant de désirs et de craintes, offerts à côté d’eux aux morts pour revivre avec eux. Ils sont enfermés derrière leurs murs de verre, comme nos bateaux en bouteille. Eux sont des vases magiques gorgés d’espoirs. Nous ne pouvons que percevoir leurs souffles, leurs rires et leurs détresses. Mais aidé par la magie de l’Évasion, j’ai doucement brisé leurs prisons transparentes et ils sont venus m’entourer et me murmurer à l’oreille leurs désirs de vie éternelle, au milieu des danseurs flamboyants du pont de l’ÉVASION.
La première tendre tentatrice m’a susurré que ses douces caresses au squelette raide n’étaient que des offrandes aux esprits des morts venus l’épouvanter, pour rester chez les vivants.
Sur la place close du village enfermé dans ses murs d’adobe est apparue hautaine la noble méprisante dans ses voiles transparents. Les paysans la couvaient des yeux, murmurant des quolibets obscènes,
tandis qu'elle suivait son suffisant seigneur, goguenarde pintade chaloupée, que fixaient en douce les paysannes aux formes fermes, candidates pour sa nuit prochaine.
Le simplet toujours rigolard, si proche des dieux, était le seul à ne pas devoir se prosterner.
Son ami, rongé par la douleur atroce de la tumeur qui lui dévorait la face devait, lui, se plonger dans la poussière.
Devant tous, dans un rut innocent, un rat paillard et gourmand s’accouplait avec sa rate déçue de ne pouvoir avoir un grain de maïs en dessert !
Tous pensaient au seigneur abusant de ses paysannes .
Mais le frère du seigneur temporel, le Maître spirituel des lieux, le Grand Chamane des Morts, respecté des vautours aux squelettes des fardos, regardait le Dieu Soleil descendre se noyer dans l’océan, ses yeux pleins des doutes de l’homme devant son dernier vol.
Texte et photos ÊPHÊME
À suivre ...
10:14 Publié dans arts, photo, Vacances imaginaires | Lien permanent | Commentaires (29) | Tags : écriture, art, société, pérou, photos, vacances, poésie
Commentaires
Ah merci beaucoup pour cette histoire pré-colombienne. Bien sur, narrée ainsi avec talent et photographies magnifiques à l'appui, ma soif étanchée par les bouteilles vides se ravive soudain d'en savoir plus ! Donc je reste devant ce musée imaginaire à attendre le passage des prochains poissons échappés de leurs aquarium de verre ! Merci Ephème !
Écrit par : lechantdupain | 17/08/2012
La visite d'un musée avec Ephême devient passionnante. Il fait revivre sous nos yeux émerveillés toute la vie de statuettes devenues muettes devant l'éternité ! Je ne regrette pas ma venue sur ce bateau et je te remercie Ariaga pour ton accueil et Ephême pour son imaginaire.
Écrit par : danae | 17/08/2012
Tu reviens du Pérou Ariaga ? J'y étais l'an dernier mais je crois que les Moche était dans le nord du pays où je ne suis pas allée...
Écrit par : Rosa | 17/08/2012
@ Rosa, je ne suis jamais allée au Pérou, si ce n'est en imagination, c'est Éphême, celui qui a écrit les articles sur le Pérou qui y est allé. Merci de la visite.
Écrit par : ariaga | 17/08/2012
Cher Ephême,
Avoue qu'elles valaient tout de même le détour, ces pharamineuses tisanes que nous avons partagées, puisqu'elles t'ont insufflé une royale inspiration, en compagnie de ces splendides statuettes. Vraiment merci pour cette visite étonnante !! J'aime beaucoup beaucoup...
Bonsoir Ariaga. Tu vois, je ne décolle plus d'ici...
Écrit par : la gaillarde conteuse | 17/08/2012
Sur la 1er photo, à gauche le gars ressemble à Mitterrand faisant sa prière..., La deuxième: la ministre actuelle de la justice..La troisème: Maurois sans lunette, et la dernière : Copé avec le casque de Clovis..
Voila je me suis bien amusé, merci. Belle journée avec bises
Écrit par : patriarch | 18/08/2012
@ Patriarch, tu m'a bien fait rire. Cela montre que les types et expressions humaines passent à travers les siècles. Je me demande ce que va penser Éphême de ton interprétation !
Écrit par : ariaga | 18/08/2012
llechantdupain, le fourmillement vital de cet art pré-inca est inouï; grouillant de vie, de mort, d'érotisme macabre ou ironique. Le problème est de choisir, de trier. On pourrait faire encore bien d’autres notes, les vases-animaux, plantes et fruits, poissons… Regardez bien la première photo : là est tout l’ubiquité de ces sociétés.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 18/08/2012
danae, devant ces vitrines l'on a l'impression que la vie est la, même figée, et la musique des fluttes indiennes flotte dans la tête. Merci pour le commentaire.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 18/08/2012
Rosa, je suis bien allé dans le nord du Perou, mais la plupart des clichés ont été pris dans des musées de Lima.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 18/08/2012
la gaillarde conteuse, tes tisanes sont magiques, comme tes contes merveilleux. Mais là il me suffit de laisser flotter mon esprit sur les images pour que jaillisse le texte. Par contre, de très loin, le plus difficile est de trier et d'organiser dans les plus de 3 000 photos que j'ai ramenées du voyage.
Avec toute mon amitié.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 18/08/2012
Patriarch, merci pour ton commentaire qui m'a bien fait rire, même si son côté blasphématoire pourrait t'attirer les foudres de la Sainte Eglise, vue l'activité pratiquée. Un peu d'humour fait toujours du bien!
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 18/08/2012
j'ai adoré ce article
besos
tilk
Écrit par : tilk | 18/08/2012
@ Tilk, ton appréciation m'est précieuse et je pense qu'elle fera plaisir à Éphême.
Écrit par : ariaga | 18/08/2012
Finalement entre momies et forteresses il y a de la place pour la poterie utilitaire mais qui ne se tait pas et suggère et des objets ornementaux qui dopent le mental.
Ces potiers mochicas notamment sont de redoutables révélateurs de vie et de pratiques quotidiennes, oh n'allez pas croire que les homme sont comme les lions !
ces thuriféraires honoraires et honorifiques ont représenté bêtes et hommes, les vases anthropomorphes sont souvent remarquables et ces vases verseurs à étrier ne méritent pas d'être étrillés, l'engobe est parfois restée si proche des origines; parfois ils portent des yeux en turquoise comme sur des vase de style vicus chez les Mochicas.
Merci à Ephéme qui m'a permis de me replonger dans un de mes livres préférés, du triptyque sur l'art précolombien, "l'art inca et ses origines" de Henri Stierlin au seuil.
je ne l'avais pas regardé depuis longtemps et la qualité des poteries et leurs expressivité m'est à nouveau parue incroyable.
je ne voudrais évidemment pas oublier les céramiques de Valdivia à Chorrera, ni celles de Chavin ou de Paracas-Nazca. Certaines plus primitives et d'autres plus riches en couleurs.
Écrit par : Thierry | 18/08/2012
tilk, je suis heureux que tu ais aimé cette évocation des vivants pré-incas. Mon seul but est de faire partager aux autres mes émotions.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 18/08/2012
Thierry, un grand merci pour ton commentaire qui m’a fait infiniment plaisir. Tu es visiblement un connaisseur ! Je ne suis pas du tout un spécialiste de la céramique précolombienne, que je ne connaissais vaguement que par les livres, articles ou émissions ; mais j’ai eu un choc intense dans mon premier musée de premier ordre, le Musée LARCO, le Musée de la Nation ayant on peut dire disparu. Ce fut de même dans bien d’autres. Le sens de la vie, de la nature, de l’amour et de la mort de ces vases, coupes… où TOUT est représenté est sidérant, comme la variété des styles et cultures. Il y a d’ailleurs bien d’autres objets passionnants. Les conditions de prise de vue à travers les vitrines sont un peu délicates, et je n’ai pas pu toujours noter les légendes. La prochaine fois, moins pressé, j’en ferai à chaque fois un cliché ! Dans cette visite imaginaire, il était en plus impossible de surcharger le texte de précisions archéologiques.
Encore merci.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 18/08/2012
Pour des récipients sensés contenir, retenir et rafraichir de l'eau
ils nous donnent un de ces soif de comprendre et de savoir, mais ces savoirs ce sont transmis et empilés comme les briques d'adobes de certaines pyramides, difficile dans les Andes de ne pas avoir le sens de l'élévation, au risque du soroche !
Je devais aller il y a trente ans en trekking dans la cordillère blanche, vers le calleron de huaylas , je n'y suis jamais allé, quel dommage !
Écrit par : Thierry | 18/08/2012
Merci pour cette petite histoire. Je crois voir dans ces visages certaines personnes que j'ai rencontrées. La vie recommence toujours par ci par là... Bon dimanche.
Écrit par : elisabeth | 19/08/2012
elisabeth, j'ai eu de multiples fois semblable impression en regardant ces visages de terre. Un d'entre eux évoquait même étrangement un proche de mon fils.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 19/08/2012
Bonjour à tous,
Après lecture de cet article très intéressant et richement illustré, j'ai l'impression de sortir d'un 'tit musée... Bien amicalement et bonne semaine
Écrit par : Phène | 20/08/2012
Phène,grand merci pour mon 'tit musée.Ce sont les bons. Ma vie de prof m'a persuadé que l'on "n'exitait" pas assez l'imaginaire dans ma discipline (H.G), en restant toujours au factuel et à l'économique. J'ai des souvenirs merveilleux de mes cours de sixième où je présentais la préhistoire (hors programmmmes officiels puisque passionnante) avec silex et nonos à des gamins "durs", me submergeant de questions et leurs yeux pétillant. Là l'enseignement est un délice.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 20/08/2012
@ Thierry et Éphême, vous vous régalez tous les deux ...
Écrit par : ariaga | 20/08/2012
Merci Éphême, pour cette remarque d'enseignant véritable !
La dureté n'est bien sûr souvent qu'une carapace. Si on sait toucher le coeur, il gonfle et monte à la surface.
Cette surface, ce sont les yeux...
Je raconte parfois à ces enfants "durs". Leur tendre le miroir des contes produit aussi cette magie. les yeux pétillent. Alors tout ce qu'ils sont réellement est là.
Notre terre est riche de choses qui savent éveiller cela...
Écrit par : la gaillarde conteuse | 20/08/2012
la gaillarde conteuse, je pense profondément que notre enseignement s'est effondré, CURIEUSEMENT après 1968, à l'instant même où de très savants normaliens, ou autres, coupés des réalités par leur milieu (dont pourtant je suis issu), ont évacué le rêve ou le conte pour un matérialisme "historique" qui ne veut rien dire aux yeux de gamin(e)s de onze ou douze ans. Comment on taille un silex, c'est palpable. Pas, à cet âge, les flux économiques. Ces jeunes n'ont pas de rêves, c'est aux enseignants de les y ouvrir. Merci pour ce beau commentaire.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 20/08/2012
Je trouve, Éphème, que 68 a bon dos... comme si toutes les aberrations et erreurs de notre temps était issues de cet événement. je ne suis pas d'accord. Je trouve pour ma part très sain un peuple capable de se défendre. nous avions besoin, en 68, d'abattre une morale pesante qui faisait autorité envers et contre tout. Et comme un balancier lâché d'un grand coup va forcément taper sur le côté d'en face, nous allons toujours trop loin.
Nous avons derrière nous des siècles d'erreurs, l'homme étant incapable, à cause de sa nature pensante et son âme individuelle, de former une masse cohérente qui peut avancer...
En ce qui concerne les contes, cette incommensurable richesse populaire, ils ont déjà été mis de côté dès le dix huitième siècle, quand nous nous sommes considérés comme des savants. Nous avons alors relégué ces histoires "ridicules" dans les chambres d'enfants. Tout devait soudain être EXPLICABLE, tout ce qui ne l'était pas était louche. Le rêve ? Allons, allons, de la faiblesse ! Et maintenant, des tas de Psy écrivent des gros bouquins d'analyse sur les contes... on re-déterre un trésor.
Mais attention, pendant ce temps, on en enterre d'autres et on ne sait pas encore lesquels...!!
houla, mais qu'est ce que je fais là, moi, à parler presque politique et à refaire le monde, comme en 68, quand j'avais 17 ans ?????
PARDON, ARIAGA !
n'empêche, j'ai pas lancé de pavés - je suis une pacifique - mais j'y étais.
Écrit par : la gaillarde conteuse | 20/08/2012
@ La gaillarde conteuse, t'inquiètes pas j'y étais aussi ...
Écrit par : ariaga | 20/08/2012
la gaillarde conteuse, ce n'était nullement une attaque ad nominem de 68, d'autant plus que les réformes catastrophiques des programmes ont été initiées par la droite, et paufinées par la gauche. J'étais en terminale dans un grand lyçée parisien à cette époque, et moi aussi je n'ai pas touché aux pavés. C'est plus une constation inquiète du gouffre entre ce monde sitrès cultivé mais hors du réel, de gauche comme de droite -j'ai fait mes stages dans ces grands établissements parisiens où les élèves savent déjà (presque) tout-, et un collège de base.
ÉPHÊME
Écrit par : ÉPHÊME | 20/08/2012
Tu me rassures... Ceci dit, nul d'entre nous, érudit ou non, n'est coupé du rêve et celui-ci peut habiter chacun. Il faut le croiser, le priser, puis l'inviter, c'est simple. La vie se charge bien d'organiser notre rencontre avec lui. Nous voilà en pleine synchronicité et vive Carl Gustav !
J'ai un collègue (décidément quelle variété chez les conteurs !!) qui est un ancien loubard de banlieue, le rêve est venu le chercher (le rêve va partout) lui, il l'a suivi. Une très belle histoire.
je conte avec lui, au mois de Mai, au Québec.
Écrit par : la gaillarde conteuse | 20/08/2012