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02/10/2007

Sous le masque du Chef ( La décision 2 )

   La première idée qui m'est venue avant de parler de la décision personnelle a   été, allez savoir pourquoi , de réfléchir à la nature de celui qui prend des décisions pour la collectivité.. Je signale que je ne suis pas responsable si des esprits pervers trouvent dans cette brève réflexion des allusions à la société contemporaine. 

  La décision fut, pendant longtemps, l'apanage d'un chef qui l'entourait de mystère et de magie. Le chef " masquait ' ses pouvoirs pour qu'ils ne perdent pas leur côté numineux. Roger Caillois dans son ouvrage Les jeux et les hommes insiste sur l'importance dans les sociétés primitives de l'objet masque comme instrument de pouvoir. Il écrit (p.203) :  " Le masque était le signe par excellence de la supériorité. Dans les sociétés à masques, toute la question est d'être masqué et de faire peur ou de ne pas l'être et d'avoir peur." Le secret de ce qui se cachait derrière le masque était farouchement gardé par toute une série de prohibitions et de châtiment le plus efficace étant la mort.

   L'autorité était une propriété intrinsèque liée à l'essence et à la nature de certains individus ; une espèce de don très inégalement réparti. Cette mystique du chef-né engendrait une confusion entre l'aptitude à décider et l'attribution du commandement.

   Aussi longtemps que des  intelligences isolées purent comprendre de manière encyclopédique un grand nombre de faits élémentaires facilement assimilables, les garder pour eux, les combiner avec le sens de la mise en scène, certains hommes s'assurèrent la puissance et le droit de décider pour tous. Mais petit à petit le chef éprouva de la difficulté à assumer sont statut de surhomme. La tâche était trop lourde car sa supériorité même en faisait l'esclave d'un savoir de plus en plus envahissant. Les inférieurs respectueux, se cantonnant dans leur rôle d'exécutants, renvoyaient tous les problèmes de décision au chef. N'était-il pas naturellement destiné à résoudre les questions demandant science et aptitude à prendre des initiatives ?

   Le chef, quand il avait un minimum de lucidité, se trouva confronté aux limites de sa compréhension face à la complexité des paramètres et à la gravité des conséquences de ses décisions. Progressivement, il fut contraint de ne plus se fier à son seul savoir. C'est ainsi que de nos jours le chef doit , en principe, demander aux techniciens et surtout aux technocrates de fournir les éléments d'appréciation qui lui manquent pour juger et décider. Le chef a ainsi trouvé un nouveau masque, bien impénétrable, tissé de grands mots tels que organisation, programmation, enquêtes, résultats statistiques , calculs de probabilités...et beaucoup d'autres. Le chef a porté et portera toujours un masque, de quelque espèce qu'il soit. Machiavel savait cela quand il parlait dans Le Prince (ch.XX)du masque moral que portait le Roi Ferdinand d'Espagne  : "Ensuite, pour pouvoir former des entreprises encore plus éclatantes, il se couvrit adroitement du masque de la religion, et par une pieuse cruauté, il chassa les Maures de ses États.". Je ne vous cache pas que Machiavel était très admiratif....

  ( à suivre )

       Ariaga
 

 

Commentaires

Bonjour, bonjour !
Ça part bien, et l’origine des masques me plaît beaucoup beaucoup.
Le costume cravate, et tous les habits/artifices du grand carnaval…La deuxième peau ;o)
La conquête du pouvoir, le management, les moyens pour y arriver et réussir, décider, tout ça me passionne sincèrement, et mes connaissances ne me servent pas (uniquement) à dénigrer la hiérarchie. J’apprends et j’aide si je peux…
Je te livre mes réflexions qui sont fondées maintenant sur UNE phrase «spirituellement montante » à décliner dans tous les domaines actifs ou passifs du pouvoir. Le « plus …plus… », jamais « moins » ;o)
« Plus on monte dans la hiérarchie, plus… »
(Dont le triste : …plus on atteint son niveau d’incompétence)
Dans ce cas précis, le côté spirituel-montant serait en gros « …plus sa connerie est en pleine lumière ! » ;o)
Mais ça n’être pas encore la question. Isn’t be ? ;o)
A bientôt vous !

PS : Pour les commentaires ça va être coton, l’espace est petit, et les subjectivités vont aller grand train. Je croise les doigts pour ne pas commettre de contre sens… Sinon tu frappes, hésite pas ! Sensible mais pas fragile ! Fais gaffe quand même ! :o)

Écrit par : Serge | 02/10/2007

Parfois les masques tombent, celui d'Hirohito par exemple, obligé d'avouer à son peuple qu'il n'était pas d'essence divine et qu'il ne savait pas voler !

Écrit par : aliscan | 03/10/2007

Le scribe, ancêtre du technocrate, apparaît lorsque la société se complexifie, se divise en plusieurs classes et que la perception de l'impôt demande des techniciens sachant écrire et compter ...

Écrit par : Tietie00T7 | 03/10/2007

Coucou, c’est moi… Je vous retrouve en pleine forme, avec ce billet nouvellement orienté. Avec son précédent, vous posez bien le problème de la pratique par rapport à une vision mentale, et celui de la délégation avec l’image du « chef ».
C’est Caillois justement (vous citez son livre qui a tellement inspiré NeD) qui parle de ce phénomène psychologique qui consiste à déléguer, à « remettre » notre pouvoir à quelqu’un d’autre. Ce type d’illusions encombre effectivement notre énergie de décision et notre autonomie.
Je crois, moi aussi, que le processus alchimique vise (au moins) à dégonfler ces baudruches imaginaires.
Bises chymiques

Écrit par : djaipi | 03/10/2007

Le chef, dépositaire d'une force brutale, ne reçoit pas mais prend le pouvoir; seule son investiture par le peuple prend un caractère cérémonieux et lui sert de justificatif.

Quant à la magie, le chef s'en servait par l'intermédiaire d'un mage ou d'un chaman qui seul maîtrisait ces pouvoirs.
Le masque appartient au sorcier, à l'homme médecine, au chaman dont la puissance s'appuie sur l'ignorance...

Écrit par : muse | 04/10/2007

@ Serge, je n'ai pas l'intention de frapper, je suis trop intéressée par ce nouveau style sur mon blog. Je taperai seulement si tu sors trop de gros mots. Très vrai que plus on monte...plus...

@ Aliscan, excellent exemple tu as bien compris ce que j'essayais d'exprimer (au niveau culturel).

@Tietie 00T7, C'est amusant de voir comment chacun lit ce texte dans un certain éclairage. Moi qui me disais q'on allait probablement le trouver quelque peu humoristique.

@ Djaipi, merci pour avoir su apprécier ma "forme". Et aussi je suis heureuse d'avoir des lectures communes avec NeD. Je trouve qu'il est un peu négligé ces temps ci . Il va devoir se masquer et prendre le pouvoir. J'espère aussi que le costume de dégonfleur de baudruches n'est pas trop grand pour moi. Bises.

@ Muse ton commentaire m'interpelle, je dois réfléchir.

Écrit par : ariaga | 04/10/2007

banjour des antipodes
" je suis pour une dictature tempérée par l'assassinat"

le Scribe fixe le volatil
il est truchement
entre le cercle
et la spirale

Écrit par : phyta | 08/10/2007

plus compliqué que cela , à mon sens
c'est à une lecture du monde que nous convie le savoir , clé de la tribue , le pouvoir s'il est juste s'appuit la dessus ,
s'il est innique alors il doit être défait , comme le disent les chinois ,
à se libérer d'un enchainement , alors on peut se libérer du chef , sans doute mais cela à un prix
la solitude

Écrit par : aloredelam | 08/10/2007

Billet d'un genre nouveau chez Ariaga, mais également attractif. Merci aussi aux commentateurs (plusieurs pépites à recueillir).
La référence aux chinois d'aloredelam, m'évoque Lao Tseu qui parle abondamment de l'art de gouverner (le moyeu de la roue).
Hypothèse : le Tao du chef est peut-être de ne plus avoir de masque dans un monde où tous en portent : ainsi son masque devient indéchiffrable à ses contemporains.

Écrit par : Arianil | 09/10/2007