15/03/2008
L'amour de l'autre
Nous devons accomplir, ici et maintenant, dans la vie réelle, l'Oeuvre alchimique des dissolutions et intégrations des différents degrés de manifestation de l'Amour. La première étape me semble être l'amour de soi, en tant qu'être total ce qui présuppose l'acceptation de la partie obscure et du corps comme pont qui nous relie à l'ensemble de la Nature. Il est parfois difficile d'accepter la présence de cet autre, si proche et si différent avec lequel nous devons cohabiter mais, si cette première étape n'est pas franchie, je ne vois pas comment nous pourrions aimer notre "prochain". Si je n'aime pas l'étranger en moi, comment pourrais-je aimer l'étranger à côté de moi ? Si je ne m'aime pas, comment donner de l'amour puisque je n'en ai pas l'expérience intime ?
Aimer l'autre est essentiel car nous n'existons que par notre possibilité de nous référer à cet autre. Je sais que nous sommes déformés par l'abominable pensée cartésienne qui nous a rendus bouffis d'orgueil au sujet de notre place dans la totalité vivante à laquelle nous appartenons. Il faut revenir à plus d'humilité. La dynamique de la Nature à laquelle nous appartenons est une dynamique de tension entre les opposés mais, en électricité, la tension entre les pôles positif et négatifs ne signifie pas la destruction d'un des pôles, ni que l'un des deux soit " bon " ou é mauvais ". Au contraire, cette tension engendre une production d'énergie. C'est en coopérant avec l'autre, en entretenant une relation d' " amour " que nous allons rendre visible notre originalité à l'intérieur d'une totalité où nous risquons de nous dissoudre sans cette acceptation ce ce qui nous apparaît comme étranger.
Nous ne pouvons qu'aimer le Monde, même sous ses aspects négatifs, car refuser le Monde ce serait refuser la Vie. Il est notre mère , la matrice dont nous sommes issus, comme l'avaient si bien compris les alchimistes. en tant qu' humains, nous participons à son ordre et héritons de sa mémoire. Libre à nous de jouer une petite note personnelle, mais nous ne pouvons échapper au fait qu'il est notre point d'ancrage, le lieu de notre" co-existence. C'est là que nous mourrons après une incarnation loin d'être minuscule car elle aura été et demeurera, par ses apports à l'inconscient collectif, une parcelle indispensable sans laquelle l'ensemble ne saurait exister. L'Océan a besoin de chacune de ces gouttes pour être l'océan.
Plus loin sur le chemin, nous pouvons être aspirés par la relation d'amour avec le divin, que ce soit sous une forme pensée ou ressentie. Celui qui monte tous les degrés de l'amour humain est mené par son ascension vers l'amour divin, un amour qui se confond avec l'ensemble des autre niveaux de l'amour dont il est l'expression la moins visible, mais la plus vaste.
A la fin de cette espèce de méditation sur l'amour de l'autre, je pense à ceux qui vont le chercher trop loin. On voit des êtres, généralement classés dans la catégorie " admirable ", qui vont très loin et sans compter," donner " leur amour. Pendant ce temps leurs proches complètement effacés par cette passion amoureuse du dévouement à des causes éloignées ne reçoivent plus aucune nourriture affective et meurent de faim d'amour.
Voilà ce que j'avais envie, aujourd'hui, de partager avec vous.
Ariaga
COUP DE COEUR
Je vous propose aujourd'hui d'aller visiter un blog qui devrait être beaucoup plus fréquenté. Son auteur, Jean, nous invite sur un chemin d'Alchimie Spirituelle en poésie ou en prose poétique. Il s'agit du Monde de PataTy (lien). Vous trouverez des textes beaux et parfois violents avec un zeste de Jung. Si je devais choisir une note ce serait Les origines du monde. Cela commence par : "Les origines du monde sont dans la fleur de sel qui jadis ouvrit son coeur à l'âme défunte...." Vous n'avez pas envie de lire la suite ?
18:23 Publié dans amour, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (49) | Tags : philosophie, nature, culture, écriture
12/03/2008
Contes bretons
En hommage à Anatole Le Braz.
C'était aux jours anciens, où l'on croyait encore,
que les âmes perdues errent sur l'Océan.
Quand la cloche sonne le glas et résonne vers le ciel gris habité de lourdes pluies,
quand l'angoisse et la détresse se mêlent d'effroi,
arrive le temps des nuits d'apparitions.
La mer est une tombe où le linceul est d'algues. Seules mouettes et goélands récitent les paroles funèbres qu'elles crient à la face du vide.
Dans les échancrures de l'Océan, poussés par les grands vents d'Ouest, remontent ceux qui n'ont pas trouvé le repos dans la terre mère.
Ils reviennent vers la côte, attirés par les feux de goémon de celles qui sont restées à terre, transies de froids regrets.
Ils sont des milliers, bras levés, prunelles angoissées, jaillissant des vagues qui attaquent la falaise comme des gerbes d'écume vivante. Leurs formes spectrales tentent de s'agripper aux maigres touffes de bruyères et d'ajoncs et ils se plaignent en une langue qui n'est plus celle des hommes.
Je les vois, je les entends. L'amour et la pitié me submergent.
C'était le temps de l'enfance, le temps où ma Grand Mère me racontait des contes bretons. Cela explique bien des choses...
Ariaga
COUP DE COEUR
Après ces impressions d'enfance pas très gaies, je vous propose d'aller sur le blog d'une femme de talent qui cultive un humour assez ravageur dans un style brillant. Si on lit entre les lignes on devine que le rire et l'autodérision ne sont pas loin des larmes. J'aime donc beaucoup ce qu'écrit Ambreneige sur le blog Zen pour les nulles (lien) dont le sous titre est un programme à lui tout seul : enfin des explications pour les nounounes ! En plus, quand je suis allée copier le lien, j'ai vu que le dernier texte était une version, à découvrir, de Cendrillon. Beau phénomène de synchronicité. Et n'hésitez pas à fouiller dans les profondeurs de ce blog plein d'humour.
15:11 Publié dans Nature, photo, poésie | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : écriture, poésie, photo, bretagne, mer, culture, littérature
08/03/2008
Alchimie de la maladie
Comme j'émerge de la grippe, il m'a semblé intéressant, en prenant comme exemple F.Nietzsche et C.G.Jung, de parler d'un sujet que j'ai probablement déjà abordé (il m'arrive de me perdre dans les méandres de mon blog) la maladie en tant que facteur d'évolution.
Il existe, chez Nietzsche et chez Jung, une attitude à la fois semblable et différente vis-à vis de ce qu'ils appellent les "états valétudinaires ", pour faire simple la maladie. Nietzsche a principalement développé le sujet dans Ecce homo et dans sa correspondance et Jung dans Ma vie et aussi dans sa correspondance.
Pour Nietzsche, le corps constitue un lieu d'élaboration où l'excès de santé, mais aussi la maladie, sont des stimulants de la création. La maladie lui était , en quelque sorte, indispensable et ses lettres recèlent un impressionnant catalogue de ses maux. Michel Onfray écrit à ce sujet dans L'art de jouir p.68 :
" Qu'en est-il de ce corps porteur de Zarathoustra qui enfantera les perspectives du Surhomme ? La lecture de la correspondance complète du philosophe donne tous les détails. Nietzsche interpose son oeuvre entre sa chair qui se dérobe et ne parle qu'en termes de malaises et sa volonté de santé, éternel voeux pieux. il avait coutume de dire que ce qui ne le tuait pas le fortifiait : son oeuvre complète est placée sous ce signe ".
La maladie était un refuge qui permettait à Nietzsche d'échapper au quotidien, d'excuser certains comportements. Mais elle était aussi un moyen de ralentir l'excès de feu sous l'athanor, les dépenses d'énergie excessives qui empêchent l'évolution des forces créatrices.On se retrouve ici dans les perspectives alchimiques de la voie sèche et de la voie humide. Il me semble que ce passage de Ecce homo (p.56) le montre bien :
"La clarté et la belle humeur parfaite, voire l'exubérance de l'esprit que reflète l'oeuvre susmentionnée (il s'agissait du Voyageur et son ombre) se concilient chez moi, non seulement avec le plus profond affaiblissement physiologique, mais même avec un excès de souffrances. Au milieu même des tortures qu'inflige un mal de tête ininterrompu de trois jours, accompagné de pénibles vomissements de pituite, je bénéficiais d'une clarté de dialecticien par excellence et je méditais à fond de sang froid des questions pour lesquelles, dans des circonstances meilleures, je ne suis pas assez escaladeur, pas assez raffiné, pas assez froid.
Il semblerait que chez des êtres comme Nietzsche, la recherche du sens et du dire de ce sens, mette la chair à l'épreuve comme si c'était au sein de cette "passion" que, comme dans le creuset des alchimistes, se produisait la "cuisson lente".
Jung est un peu de la même famille. Son enfance à été vécue sous le signe d'une relation très ambiguë avec des maladies réelles ou psychosomatiques. Ce comportement de fuite devant la vie ordinaire, cette manière de chercher refuge dans la maladie se retrouva alors qu'il avait près de soixante dix ans quand, à la suite d'une grave maladie qui l'avait plongé dans une espèce de coma rempli de visions il mit trois semaines avant de se décider à retourner vers la vie telle qu'elle est. De ces moments d'enseignements puisés dans un état proche de la mort il revint avec de nouvelles forces et c'est après cette maladie que son travail et la puissance de sa pensée se révélèrent les plus fertiles. Il écrit dans une lettre de 1944 :
"En fin de compte, cette maladie a été pour moi une expérience extrêmement précieuse, elle m'a donné l'occasion extrêmement rare de jeter un oeil derrière le voile. ".
La maladie, probablement parce que elle diminue les défenses du conscient et relativise l'importance de problèmes souvent liés à l'image que l'on souhaite présenter à la société, peut donc, ainsi que l'ont ressenti et pensé Nietzsche et Jung, être un facteur de progression. Je nuance cette pensée, car il est des êtres qui souffrent tellement que je ne vois pas comment leurs souffrances seraient positives. La maladie peut aussi, comme le montre le destin final de Nietzsche, être destructrice. Jung s'est penché, car cela le touchait personnellement sur cette destruction dont il a tenté l'analyse. Mais cela est une autre histoire...
Ariaga
COUP DE COEUR
Pour récompenser ceux qui auront lu jusqu'au bout mon texte un peu " lourd " je vous propose aujourd'hui d'aller faire un tour sur un de mes blogs favoris. Il s'agit d'un photographe : Jean-Louis BEC dont le blog s'intitule Image-Mots, Mots-Image (lien). Il nous offre un dialogue entre de très belles photos et des textes symboliques et poétiques dont les mots creusent un chemin vers les profondeurs de l'être. Si je devais choisir une photo ce serait celle intitulée Léviathan car le groin de la bête me hante. Mais elles sont toutes belles et pleines de sens. Bon regard et bonne lecture.
17:28 Publié dans Jung et la psychologie des profondeurs, photo | Lien permanent | Commentaires (28) | Tags : écriture, culture, philosophie, psychologie, jung, alchimie, spiritualité
19/02/2008
La musique est...
La musique est une fleur qui s'épanouit en vibrations fines et pénétrantes.
La musique est un art total de l'esprit et des sens.
La musique est langage, chant, architecture, nombres, cathédrale des sons, ordre, harmonie, géométrie sacrée.
La musique se regarde quand le rêve éveillé se nourrit de ses notes.
La musique est onde cosmique qui se propage jusqu'à la chair et pulse le sang au rythme de l'amour.
La musique est instant et pause dans l'instant, répétition, assuétude quand s'écoutent encore et encore les mêmes notes indispensables.
La musique se fait au bout des doigts qui jouent sur la table, sur la chair sonore des genoux frappés, avec les mains brûlantes qui battent les tambours.
La musique berce, endort, excite jusqu'à l'extase. Hautaine, elle valse dans les salons, joyeuse, elle trille comme un oiseau.
La musique casse les voix andalouses pleurant l'amour perdu et crie la souffrance des peuples opprimés.
La musique est parfois silence tout gonflé des sons retenus.
La musique est...
Ariaga
17:27 Publié dans Pensées, interrogations, aphorismes, photo, poésie | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : écriture, musique, poésie, culture, photo, spiritualité, fleurs
23/10/2007
"Rediffusions"
Athanor-Ordinateur voyage. Il villégiature sur une vieille commode fatiguée contemporaine des alchimistes tardifs. La position assise m'étant insupportable (lumbago) et tous les essais pour taper sur un clavier en position allongée ayant donné des résultats pitoyables j'ai choisi la position debout, digne et moins douloureuse.
Toute la journée de hier, bien allongée à plat sur le dos, méditant sur l'inégalité des noeuds du plafond en lattes de bois, j'ai pensé...et comme beaucoup d'auteurs de blogs un peu obsédés, j'ai pensé au Laboratoire . Genre : Quels sont les sujets de notes qui doivent être traités dans les semaines à venir ? La mort ? la vie après la mort ? Le Soi autour duquel je tourne depuis des mois en une spirale dont il va bien falloir sortir ? Et puis des photos et des poésies (ce sont généralement les photos qui " déclenchent " les poésies. Et " la décision " commençée et pas achevée. Le temps n'est pas extensible ... et l'écriture parfois difficile.
Faire une pause, c'est une solution mais chaque fois ( elles furent rares ) que j'en ai fait une je me suis sentie mal. J'entendais crier, comme un enfant, le pauvre blog affamé. Je l'ai déjà écrit, le blog est un vampire, une drogue. alors, en provenance directe du plafond, est venue la réponse : une pause " active ". Quand je vais dans l'administration du blog je trouve une liste de mots et questions le plus souvent demandés sur les moteurs de recherche. Je m'aperçois, ce qui me fait enrager, que les réponses sont, depuis longtemps dans les 250 notes que j'ai déjà publiées. Je vais donc, et cela sera ma pause, ma respiration, " rediffuser " quelques notes. Je me réserve le droit de les commenter, de voir si, aujourd'hui, je publierais exactement le même texte .
Je vous embrasse tous amis connus et inconnus.
Ariaga.
17:25 Publié dans blog et quotidien, Pensées, interrogations, aphorismes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : écriture, blog, société, philosophie, psychologie, culture
02/10/2007
Sous le masque du Chef ( La décision 2 )
La première idée qui m'est venue avant de parler de la décision personnelle a été, allez savoir pourquoi , de réfléchir à la nature de celui qui prend des décisions pour la collectivité.. Je signale que je ne suis pas responsable si des esprits pervers trouvent dans cette brève réflexion des allusions à la société contemporaine.
La décision fut, pendant longtemps, l'apanage d'un chef qui l'entourait de mystère et de magie. Le chef " masquait ' ses pouvoirs pour qu'ils ne perdent pas leur côté numineux. Roger Caillois dans son ouvrage Les jeux et les hommes insiste sur l'importance dans les sociétés primitives de l'objet masque comme instrument de pouvoir. Il écrit (p.203) : " Le masque était le signe par excellence de la supériorité. Dans les sociétés à masques, toute la question est d'être masqué et de faire peur ou de ne pas l'être et d'avoir peur." Le secret de ce qui se cachait derrière le masque était farouchement gardé par toute une série de prohibitions et de châtiment le plus efficace étant la mort.
L'autorité était une propriété intrinsèque liée à l'essence et à la nature de certains individus ; une espèce de don très inégalement réparti. Cette mystique du chef-né engendrait une confusion entre l'aptitude à décider et l'attribution du commandement.
Aussi longtemps que des intelligences isolées purent comprendre de manière encyclopédique un grand nombre de faits élémentaires facilement assimilables, les garder pour eux, les combiner avec le sens de la mise en scène, certains hommes s'assurèrent la puissance et le droit de décider pour tous. Mais petit à petit le chef éprouva de la difficulté à assumer sont statut de surhomme. La tâche était trop lourde car sa supériorité même en faisait l'esclave d'un savoir de plus en plus envahissant. Les inférieurs respectueux, se cantonnant dans leur rôle d'exécutants, renvoyaient tous les problèmes de décision au chef. N'était-il pas naturellement destiné à résoudre les questions demandant science et aptitude à prendre des initiatives ?
Le chef, quand il avait un minimum de lucidité, se trouva confronté aux limites de sa compréhension face à la complexité des paramètres et à la gravité des conséquences de ses décisions. Progressivement, il fut contraint de ne plus se fier à son seul savoir. C'est ainsi que de nos jours le chef doit , en principe, demander aux techniciens et surtout aux technocrates de fournir les éléments d'appréciation qui lui manquent pour juger et décider. Le chef a ainsi trouvé un nouveau masque, bien impénétrable, tissé de grands mots tels que organisation, programmation, enquêtes, résultats statistiques , calculs de probabilités...et beaucoup d'autres. Le chef a porté et portera toujours un masque, de quelque espèce qu'il soit. Machiavel savait cela quand il parlait dans Le Prince (ch.XX)du masque moral que portait le Roi Ferdinand d'Espagne : "Ensuite, pour pouvoir former des entreprises encore plus éclatantes, il se couvrit adroitement du masque de la religion, et par une pieuse cruauté, il chassa les Maures de ses États.". Je ne vous cache pas que Machiavel était très admiratif....
( à suivre )
Ariaga
16:30 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : écriture, société, philosophie, psychologie, citations, nature, culture