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22/02/2013

Mariage avec l'autre en soi

écriture,société,mariage,alchimie,philosophie,spiritualité,jung

Photo prise au Musée des Automates de la Rochelle

On parle beaucoup de mariage en ce moment mais les polèmiques sur ce sujet ne m'intéressent pas. Je voudrais aujourd'hui vous proposer de réfléchir sur des épousailles qui me semblent bien plus essentielles : le mariage avec notre compagnon ennemi - ami, celui  avec lequel nous cohabitons depuis toujours même si, souvent, nous faisons semblant de ne pas le voir.

Comme le savent les lecteurs qui connaissent un peu C.G. Jung, celui-ci avait bien compris que nous hébergeons un Autre, une personnalité différente de celle que nous présentons au monde extérieur. Jung nous raconte dans " Ma vie " différentes phases des relations avec celui qu'il appelle son numéro 2. Il nous montre aussi, dans ses études sur les relations entre la psychologie et l'alchimie, combien est puissant le processus de conjonction entre les opposés conduisant au "mariage chymique".

Je pense aussi à cet "ami intérieur" avec lequel nous pouvons dialoguer si nous savons imposer le silence aux quaquetages du mental.

Perdre sa méfiance envers son ombre, écouter les discours de l'inconscient et les murmures des rêves, accepter de se laisser séduire par le si proche étranger avec lequel nous pouvons cheminer vers la totalité de notre être, voilà une belle proposition de mariage. Comme dans toutes les unions il y aura des hauts et des bas, des ruptures et des réconciliations. On ne comprendra jamais complètement l'autre en nous et c'est heureux car dans un couple il est bon de conserver une part de mystère mais il y aura de l'amour, c'est l'essentiel.

C'est cela que je propose, commençons par nous aimer,  pour le meilleur et pour le pire. Commençons par être heureux de ce don merveilleux de la vie et de ce qui l'anime car le fait d'avoir accepté ce mariage d'amour avec nous même nous permettra ensuite d'aimer les autres et de nous lier à eux, quel que soi le nom que l'on donne à cette union.

Ariaga

07/02/2013

Écrire ?

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Je me pose une question et je pense que je partage cette interrogation avec certains de ceux qui ont des blogs. Pourquoi continuer à écrire alors que la vie passe à toute vitesse et que cela demande du temps et de la réflexion ? S'agit-il d'une sorte d'automatisme qui pousse à avoir besoin de s'exprimer. J'ai pris la photo qui illustre cette note au Musée des automates de la Rochelle, cela à peut-être un sens caché mais je ne suis pas convaincue par cette idée d'une espèce de "toc" de l'écriture.

Besoin de reconnaissance au niveau de la "persona", au sens où l'entend Jung. De ne pas être perdu dans la masse des anonymes. C'est possible mais, personnellement cela ne m'apporte pas de réponse car justement je tiens beaucoup à  ... l'anonymat !

Impression de délivrer un enseignement qui peut être utile à d'autres. Je n'aime pas le mot enseignement. J'ignore pourquoi, mais quand l'alchimique oiseau siffle ce mot à mon oreille, j'entends "saignement".

Dans écrire il y a aussi un cri. Un cri très fort perçant les barrières des sons, le déluge des mots, les épidémies des informations. Un cri de résistance. Hélas les cris trop perçants finissent le plus souvent par détruire les hurleurs. Je ne suis pas assez courageuse pour incarner les mots de Nietzsche : "Dis ta parole et brises toi".

Alors si il n'y a là ni assuétude, ni désir de reconnaissance, ni besoin de transmettre un enseignement, ni le courage de la mise en danger, pourquoi continuer à venir ici régulièrement, amis lecteurs, vous déposer mes mots depuis près de sept ans. 

En panne de réponse, je suis allée faire un tour au bord de la mer pour m'aérer la tête. Poussée par le grand vent, je suis vite revenue me mettre devant mon cher athanor ordinateur, j'avais vraiment ENVIE,  et là j'ai compris, c'est tout simplement pour le PLAISIR.

Ariaga

 

 

 

24/12/2012

Un étonnant Noël avec Jung

Le pêcheur.jpg

Texte : LA GAILLARDE CONTEUSE

Illustrations :  ÉPHÊME

Me voici encore, gaillarde conteuse, avec un récit qui va en décoiffer plus d’un ! L’année tire à sa fin. D'aucuns avaient annoncé la fin du monde. Que nenni. Vous voyez bien... J'ai cependant moi aussi quelque chose à vous annoncer, qui est aussi étonnant et bien plus poétique. Mais il va vous falloir entrer dans un état de conscience modifié pour être en mesure d'y accéder. Vous en êtes parfaitement capables.
Ce blog, fertile en échanges passionnants et passionnés, qui a connu cet été l'aventure pas ordinaire du voyage de l'Evasion, va à présent recevoir la visite d'un sacré personnage, j'ai nommé Carl Gustav Jung. Le voici, non pas en chair et en os, ce qui serait mentir, mais tout en image, en âme et en esprit, on ne saurait mieux dire...

 "Depuis un demi-siècle, il demeure tranquille et numineux dans les replis paradisiaques de la grande roue du temps. Il a choisi de parer sa malicieuse image d'une barbe très longue, blanche bien entendu, et pointue au bout à la manière des vieux sages chinois. Il semble  ainsi une espèce de Gandalf suisse ! Cette barbe il l’ôte très simplement pour fumer sans barrière sa très fameuse pipe (Lacan c’était le cigare, Dolto la cigarette…)

Jung et Ariaga.jpg

Fumant paisiblement, il observe, vous vous en doutez, tout ce qui peut se dire sur tout ce qu'il a dit, au temps de son temps sur terre. Il a donc régulièrement un œil qui traîne par ici, il sourit souvent, rie parfois et l'envie soudain l'a pris de nous rendre visite. Ne pensez-vous pas qu'Ariaga, plongée actuellement dans la "dépossession" y puisera une vraie joie ?
Mais que va donc nous dire ce père Noël jungien qui porte une fleur d'or au milieu de sa barbe ?
Un conte, mes amis, car il l'a souvent dit..."l'homme ne sait plus mythologiser".
L'homme non , le sage si.
Laissons-le donc parler...

 C'était au temps jadis ou au temps à venir, car dans cette roue-là tout est au même endroit, un pêcheur s'en allait chaque jour jeter son filet dans la mer. Sa femme, un peu grincheuse, accommodait les quelques poissonnets qu'il rapportait, mais qui n'étaient jamais pêche miraculeuse. Si lui était content, elle espérait bien mieux. À ceux qui espèrent sans se lasser, on le sait, des choses adviennent. Et c'est ainsi qu'un jour, dans le creux du filet, un seul petit poisson s'était laissé rouler. Il était minuscule mais il était en or et sa peau de bijou étincelait. Le voyant si joli le pêcheur approcha son visage, c'est alors qu'il entendit l’animal parler : “Si tu me relâches, pêcheur, j'exaucerai un vœu, n’importe lequel, sois heureux tu as le choix.”Le pêcheur le relâcha.

En rentrant dans sa petite cabane il conta la chose à sa femme qui immédiatement souhaita une chaumière chaude, qu'elle reçut aussitôt.
La chaleur, une chaumière, c'est bien, mais bien manger n'est pas mal non plus et la femme du pêcheur désira d’exquises nourritures.

Elle renvoya son homme au petit poisson d'or. Le pêcheur appela, simplement, et le bel animal ne se fit pas prier.
Ta femme veut des festins ? Soit.”
Effectivement la table de cette chaumière, à compter de ce jour, fut une table de roi.

Manger comme ça c'est bien, mais avoir du pouvoir n’est pas mal non plus et la femme du pêcheur désira devenir reine...
Elle renvoya son homme au petit poisson d'or. L’animal se montra encore accommodant.
"Ta femme veut être reine? soit."

Le pêcheur en rentrant vit un château au lieu de la chaumière, et sa femme sur un trône, couronnée et ravie.
Si une reine à du pouvoir, une papesse en à mieux, pensa la vorace. Elle renvoya son homme au petit poisson d'or, qui hésita un peu :
"Ta femme veut être papesse ? Soit.”

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Le pêcheur revenant chez lui, trouva un palais de marbre, un luxe époustouflant, une épouse exaltée sous une tiare d’argent et d’or.
Un tel pouvoir c'est bien, mais tous les pouvoirs, c'est mieux, “je veux être Dieu!”
Elle renvoya son homme au petit poisson d'or. Cette fois le pêcheur osa à peine appeler. Le petit poisson d’or d’abord ne vint pas. Mais il finit par arriver quand même, toujours joli, toujours patient.
"Ta femme veut être Dieu ? Soit, mais ce vœu sera bien le dernier...”

Le pêcheur s’en retourna, inquiet de ce qu’il allait trouver. Il arriva à sa cabane, qui avait été tour à tour chaumière, château, palais. Elle était à présent une petite étable, obscure, tiédie  par le souffle de quelques bêtes chaudes. Un tout petit enfant, tout doux, tout vulnérable, qui gigotait dans une poignée de paille...”

L'enfant Jésus.jpg


Le dernier mot tombé, Carl Gustav est parti. Il voulait être sûr de ne rien rajouter à cette belle histoire, il se connaît bavard... Et puis je crois que plus rien ne le retient de notre monde, il a bien mieux, mais ne comptez pas sur lui pour vous décrire le sien, c’est un secret m’a-t-il dit tout bas sous sa barbe, avant de s’envoler comme l’oiseau de l’encens.

N’ayons pas de regret, soyons fiers, apprécions toute la merveille de cette belle visite...
Qu’un très doux Noël vous émerveille tous !

La gaillarde conteuse


25/11/2012

Pierre Teilhard de Chardin

Aujourd'hui, je vous propose un note sur Pierre Teilhard de Chardin rédigée par Jean Bissur, auteur avec lequel j'ai lié des relations d'amitié à partir de notre intérêt commun pour C.G. Jung. Je ne vous conseillerai jamais assez d'aller sur son blog intitulé  Autour de Carl.  Ariaga.

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Voici un nom qui reste dans la mémoire collective mais assez peu connaissent l'oeuvre de cet homme au parcours atypique, contemporain de Jung. Éducation catholique rigoureuse, ordonné prêtre de la communauté jésuite à 30 ans, formé à la paléontologie où ses recherches aboutiront à des découvertes encore reconnues aujourd'hui. Un homme de science et de religion engagé qui puisera dans ces sources pour aboutir à des thèmes qui ne peuvent qu'émouvoir les jungiens en particulier et le "cherchant" en général. Deux caractéristiques principales : la conviction que l'évolution de l'homme l'amènera à une spiritualisation de la matière, plus haut degré de spiritualité et  celle qui présente esprit et matière comme deux facettes de la même réalité, tiens donc...

L'homme
En lisant la biographie de De Chardin, j'ai retrouvé des similitudes avec la personnalité de Jung (et probablement communes à tous les grands esprits); citons en particulier l'amour de l'humain, une force et un dévouement inouï pour ses recherches, qui le conduiront jusqu'au sacrifice ultime (en découvrant sa publication sur le Pêche originel, qui le mènera à une mise à l'index de l'église et de lourdes contraintes posées par son ordre, je revoyais Jung abandonnant l'école freudienne en publiant ses Métamorphoses de l'âme).

Sa pensée
Je vais m'éloigner un peu de la paléontologie. Ses travaux sur l'évolution de l'espèce humaine (alliés à ses connaissances théologiques) l'amenèrent à certains concepts qui ne seront pas sans nous évoquer ceux de Jung.
Nous pourrions résumer ceci par cette phrase : l’évolution est une montée spirituelle qui a sa source dans la « puissance spirituelle de la matière ». Pour De Chardin, un examen critique de l'histoire de l'espèce humaine aboutit à la conclusion suivante : l'homme est conduit naturellement à une spiritualisation de plus en plus structurée et extériorisée, impliquant une conscience en continuelle accroissement (formulation différente mais idée identique exprimée par Jung lorsqu'il mentionne les primitifs et leur spiritualité basée sur des projections "les esprits de la nature").
Il nous faut mentionner également sa théorie de l’énergie qu'il considère comme l'élément originaire de la vie elle-même. Il la conçoit à l'origine de nature psychique, se différenciant ensuite en énergie physique et en matière. Esprit et matière seraient donc intrinsèquement liés. L'homme serait porteur de ce potentiel spirituel, étant le seul être vivant pouvant connaître une croissance continue de la conscience.

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 La noosphère
Le radical grec noüs désigne un concept aristotélicien évoquant le principe qui ordonne esprit et matière. Chardin emprunte le terme du chimiste et minéralogiste Vernadsky. Ce dernier voyait là la troisième étape du vivant, après la géosphère et la biosphère.
Il est délicat de résumer simplement le concept car De Chardin lui-même l'a développé, enrichi et précisé tout au long de sa vie...disons, de manière lapidaire, qu'il s'agirait d'un tissu vivant enveloppant la planète (à l'instar des couches de l'atmosphère) et constitué d'une part de la conscience de chaque individu depuis que l'homme possède une conscience de lui-même. Cette nappe issue de consciences posséderait elle-même sa propre faculté de pensée. Pour le jésuite, cette noosphère conduirait graduellement l'humanité a toujours plus de conscience, dépassant les civilisations, puis les sociétés, les lois puis l'éthique, pour renouer avec l'esprit immanent de la matière sous une forme unifiée de "spiritualité".

Jung écrira à la fin de sa vie qu'il était convaincu que De Chardin connaissait ses travaux...il est vrai que la noosphère et l'inconscient collectif ont indéniablement de forts liens de cousinage.

Enfin, j'invite les curieux à creuser du côté d'un projet scientifique assez atypique, le Global Consciousness Project qui me semble précisément correspondre à une tentative d'objectivation contemporaine de la notion d'inconscient collectif et de noosphère....

Jean Bissur

 

 

21/10/2012

Les artères de l'inconscient

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Photos ÉPHÊME et son clone.

Les habitués du Laboratoire du Rêve et de l'Alchimie Spirituelle connaissent bien ÉPHÊME. Il n'a pas de blog mais il nous fait assez souvent profiter de ses talent pour l'écriture, la peinture et la photographie. Ce qu'il nous propose aujourd'hui me semble être tout à fait en harmonie avec la psychologie des profondeurs de C.G.Jung. C'est le spéléologue qui nous interroge ... Jung, quand il a fait sa grande plongée dans l'inconscient le plus profond, n'a t-il pas lui aussi cherché des réponses ? Ariaga.

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    Il fait si calme que j’entends les anges dormir. Je me sens envahi de cette paix que procure la matrice de la terre, dans ces gouffres et galeries polis par l’eau têtue ciselant ses cupules douces comme le plus intime de la femme.

            J’aurais bien aimé pouvoir mener notre malicieux Carl Gustav au sommet de cette béance suspendu dans le vide, avec sa suite d’ébène s’ouvrant sur un néant mystérieux si attirant. Qu’en aurait-il pensé, comme de cette âme venue de la lumière  pour interroger l’obscurité de cette roche miroitante des souvenirs des caresses des flots aveugles ? Je subodore qu’il aurait vibré avec cette force gigantesque irradiée par les milliards de tonnes d’anciennes vies qui se sont déposées délicatement au fond des mers pour former ces calcaires obstinés, habités d’une foule d’esprits.

 

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 Mais vous, compagnons de l’Evasion, amis du Laboratoire ou curieux de passage, que ressentez vous à l'idée de plonger dans cet univers minéral des profondeurs ? Venez vite me le dire, et je tenterai de cheminer avec vous dans ce noir phosphorescent.

ÉPHÊME

27/06/2012

Croyance et connaissance

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Je me méfie de la CROYANCE. C'est un mot qui coasse comme le corbeau de la fable. Crois!Crois!Crois! Une solution de facilité qui évite de se poser des questions, de réfléchir à partir d'une expérience personnelle conduisant à une CONNAISSANCE. Ce n'est pas parce que l'on me dit qu'une idée est vraie que je la "connais", que je "sais", au sens que Jung donnait à ce qu'il ressentait au sujet de Dieu. 

Paul Valéry écrivait : " Il n'y a que les huîtres et les sots qui adhérent". J'espère n'être ni un mollusque ni une sotte car j'ai toujours eu beaucoup de difficulté à adhérer sans réticences à quelque doctrine que ce soit ...

Ariaga

20/05/2012

Remède ou poison

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Le même jour, amis, je lis sur le blog de Phène, un texte intitulé "poison "( je vous mets un lien), et j'ouvre au hasard, comme j'aime le faire, un livre de Jung. Il s'agit du dernier tome de sa correspondance, des lettres écrites alors qu'il avait plus de 80 ans. Ce genre de synchronicité a un sens pour moi alors je vous propose l'extrait de cette lettre qui dit, en gros, que ce qui est bon pour l'un peut être mauvais pour l'autre. Bonne lecture. Ariaga.

 

"Ce qui est un remède pour l'un peut être un poison pour l'autre. On ne peut arriver à une vie saine et accomplie par l'application de règles et de principes généraux, car c'est toujours à l'individu de l'assumer. La solution est en chacun, et si vous savez vous y prendre dans votre propre cas, vous savez aussi comment faire dans d'autres cas. Il n'existe pas de principe général qui s'applique partout, et chaque position psychologique n'est vraie que si vous pouvez aussi la retourner en son contraire. Ainsi une solution qui serait tout simplement impossible pour moi peut se révéler la plus juste pour quelqu'un d'autre. Je ne suis pas l'arbiter mundi, et je laisse le créateur engager lui même la réflexion sur la diversité et les paradoxes de sa création."

C.G.Jung, Correspondance, tome 5, p.64.

Pour ceux qui voudraient un peu plus de "nourriture", je continue à publier sur mon autre blog : Extraits du Laboratoire.

12/05/2012

Citation de Jung : commettre des erreurs

Hier, en triant des papiers, j'ai trouvé cette citation de Jung. Comme je ne crois pas vraiment au hasard, j'ai pensé qu'elle convenait à la journée d'aujourd'hui et à la nouvelle manière dont je compte oeuvrer au sein du Laboratoire du Rêve et de l'Alchimie Spirituelle.

Ariaga

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J’ai souvent commis des erreurs et j’ai dû souvent faire table rase de connaissances précédentes pour en acquérir à nouveau de plus pertinentes. … Car l’activité scientifique du chercheur ne fut jamais pour moi ni une vache à lait, ni un moyen de prestige, mais le résultat de l’expérience quotidienne. C’est pourquoi tout ce que j’avance n’est pas seulement écrit avec l’intellect, mais découle aussi parfois du coeur, circonstance que je demande au lecteur bienveillant de ne pas oublier, quand, en suivant la ligne intellectuelle de mes travaux, il rencontre parfois des points de rupture ou de discontinuité qui n’ont pas été parfaitement ajustés.”

C.G.JUNG : Psychologie de l'Inconscient p. 205

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Je continue à publier des textes sur mon autre blog  : Extraits du Laboratoire.

08/05/2012

Évolution du Laboratoire

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Ces derniers mois ont été une période de réflexion et de remise en question du sens et de l'utilité du Laboratoire du Rêve et de l'Alchimie Spirituelle. J'ai même envisagé l'arret du blog. Environ  550 notes, 14000 commentaires (dont certains bien plus copieux que mes notes ...), beaucoup de photographies, tout cela a t-il une quelconque signification ? Probablement, on ne fait rien par hasard, mais je me sens de plus en plus insatisfaite dans mon travail de chercheur en voie d'évolution.

Je ne regrette rien mais je crois que je me suis trompée de chemin. Inconsciemment, j'avais le désir d'"enseigner" quelque chose, de faire évoluer mes lecteurs alors que c'était à moi de donner l'exemple. Comme l'avait fait C.G. JUNG à des périodes importantes de sa vie, je devais ÊTRE mon propre laboratoire, suivre le guide, écouter la voix. Je dois tout changer.

Comment se passera cette transformation ? Je ne sais encore comment procéder sur le plan pratique mais je pense que cela se fera en me laissant porter dans l'éternel présent du flot de la vie. Chaque jour apporte un fait marquant qui est une petite étape sur le chemin de l'évolution d'un être. Un nouveau regard sur le paysage extérieur et intérieur. Ce peut être une action, un livre ouvert au hasard, une citation, une pensée, une question, un texte lu sur un blog, un apport extérieur, une inspiration poétique, une simple photo que j'ai envie de partager. Ce sont ces "reflets" de mon errance sur les chemin de l'alchimie quotidienne que j'ai maintenant envie de verser ici dans la cornue.

Les notes pourront être quotidiennes ou non. Illustrées ou non. Commentées ou non selon votre bon vouloir mais je ne promets pas de toujours répondre. Voilà je vais un peu " casser" ce blog et instaurer le désordre (dés-ordre !)

Je vous laisse cette note deux ou trois jours pour que vous ayez le temps de la digérer ...

Je vous embrasse tous amis connus et inconnus.

Ariaga

07/03/2012

Tics de langage

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Je n'en peux plus, je vais exploser, car cela me "gonfle" d'entendre un nombre croissant de gens hacher leurs propos de EN FAIT. Je ne sais pourquoi, cela provoque en moi une espèce d'angoisse, un peu comme celle provoquée par les heu...heu..., mais en pire. Heu, cela n'a aucun sens alors que les EN FAIT sont des mots. Je vais donc tenter de me soigner en utilisant la méthode du "jouer avec les mots" que certains lecteurs de ce blog connaissent. Je l'appelle aussi la langue des oiseaux et Jung parlait d'amplification. Cela marche aussi avec les rêves quand un mot incongru, sans aucune relation avec le contexte, survient comme un cheveu sur la soupe !

Peut-être ce EN FAIT est-il un message de l'inconscient collectif des français, un fait qui veut être pris au sérieux, un "c'est un fait" ?

Une proposition qui me plaît et qui explique l'illustration : Tous ces EN FAIT viendraient d'un besoin de détendre le discours en allant à une fête, en étant en fête.

Ou alors ce serait le trop plein d'un fait, d'une action, qui essaierait de s'accomplir entre les vides des mots?

Et pourquoi pas le désir inconscient d'atteindre le faîte, la cime, d'un sommet ou d'un batiment. Ce serait alors symbolique du besoin de s'élever au dessus de la banalité du discours.

Et si on allait voir du côté d'un mot anglais, faith, qui se serait sournoisement introduit dans les interstices. Il signifie foi, croyance. Cela voudrait dire que celui qui s'exprime voudrait bien croire, ou faire croire, à ce qu'il dit ...

J'ai une dernière proposition : Celui qui parle ploierait-il sous le poids le faix de ses mots?

EN FAIT, ( ça y est je suis contaminée ! ), qu'en pensez vous ?

Ariaga

 Vous pouvez aussi aller lire sur l'autre blog un article intitulé : Jeux de mots.

10/02/2012

Nietzsche,Jung et la mort de Dieu

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Photo Yann

Cette note , un peu longue, mais que vous pouvez lire à loisir car c'est la dernière de la série, fait suite aux cinq notes précédentes.

Pour en revenir à la “mort de Dieu” sujet iconoclaste qui fit la célébrité philosophique de Nietzsche, elle inspira Jung en tant que mort d’une certaine image de la divinité. La position  jungienne est originale, car elle met sérieusement en cause l’athéisme nietzschéen.
Selon Jung, Nietzsche n’a pas pu échapper à l’image de Dieu en lui. L’archétype divin a alors émergé sous la forme d'un Zarathoustra qui n'est pas une simple figure poétique. D’où le  “langage hiératique” du Zarathoustra car ce langage, exprimant ce qui est plus une confession involontaire qu’une oeuvre pensée, manifeste le “style” de cette représentation  archétypique.
 Nietzsche, selon cette vision jungienne, appartient à l’espèce des ”iconoclastes modernes” qui ont cru possible de renverser les tables de la loi, de détruire les anciennes valeurs. Ceux-là se sont retrouvés sans support, suspendus dans le vide. Les missionnaires, eux, détruisirent les idoles mais ils avaient pour les remplacer une représentation de ce qu’ils considéraient comme le véritable Dieu.
Intellectuellement, Nietzsche pensait pouvoir se passer de l’image de Dieu mais elle était vivante dans les profondeurs de son inconscient. Or, celui dont le “Dieu meurt” est “guetté par l’inflation dont il va devenir victime”. Jung explique cette théorie de la force de l’archétype divin appliquée au “cas Nietzsche” au cours d’un texte très explicite de Psychologie et religion (p.169,170) :     
“Nietzsche n’était pas athée, mais son Dieu était mort. La conséquence de cette mort de Dieu fut que Nietzsche lui-même se dissocia en deux et qu’il se sentit obligé de personnifier l’autre partie de lui-même tantôt en “Zarathoustra” tantôt, à d’autres époques, en “Dionysos”. Durant sa fatale maladie il signa ses lettres “Zagreus”, le Dionysos démembré des Thraces. La tragédie de Ainsi parlait Zarathoustra est que, son Dieu étant mort, Nietzsche devint un Dieu lui-même et cela advint précisément parce qu’il n’était pas athée.”

    Dieu dans l’homme se révèle ainsi comme un élément psychique extrêmement puissant. Il est quasiment impossible d’ériger contre cette force un rempart solide. On peut d’ailleurs ajouter que, si une force s’avère suffisante chez un être humain  pour résister à la puissance de l’archétype divin, il y a alors toutes les chances pour qu’elle devienne son Dieu. Dans cette optique l’homme n’est pas véritablement libre d’avoir ou non un Dieu. Le seul choix qui lui est laissé est la nature de ce Dieu.
    Nietzsche a mené un mené un long combat contre le Dieu de ses pères et surtout l’image chrétienne de ce Dieu, mais une partie de lui-même était à la recherche du divin. Selon Jung son athéïsme était d’ordre intellectuel alors que son tempérament était religieux. Ceci est confirmé par ces lignes des Racines de la conscience  :
“Qu’on relise avec attention dans un esprit de critique psychologique le Zarathoustra. Nietzsche a décrit, avec une logique rare et la passion d’un homme véritablement religieux, la psychologie de ce “surhomme“ dont le dieu est mort, de cet homme qui se brise …

    Jung ne s’est pas brisé mais il a partagé avec Nietzsche la nature paradoxale d’une double personnalité. L’une qui désire vivre et penser libre de tout présupposés “théologiques“. Celle-là se manifeste par le “Dieu est mort” de Nietzsche et l’affirmation souvent répétée de Jung de ne travailler qu’à partir de données empiriques, de s’en tenir à la psychologie pratique. L’autre personnalité est représentée par le côté “religieux” et le besoin refoulé d’un Dieu de Nietzsche. Dans le cas de Jung la concordance vient du fait que, si on observe attentivement son cheminement, on peut dire que la quête d’un dieu “acceptable”, correspondant à sa profonde et intime expérience de la divinité fut, pour cette seconde personnalité qu’il appelle le numéro 2, le moteur de toute une  existence. 

Pour conclure ces quelques notes sur la relation entre Jung et Nietzsche

Sur le plan philosophique, ce dont Jung remercie le plus Nietzsche, est de lui avoir montré l’exemple, en particulier dans le Zarathoustra, de la possibilité d’utiliser philosophiquement la source intuitive. Il a ainsi dépassé les limites du simple intellect ; à un point tel qu’il ne s’agit plus de philosophie, mais d’un acte artistique créateur. Il donna, selon lui, la preuve qu’il est possible de traiter des problèmes philosophiques en dehors de l’intellectualisme. Jung tenta de suivre ce cheminement, même s’il s’éloigna, lui aussi, parfois, de l’intuition pour la remplacer par l’érudition. Cela se produisit surtout dans la première partie de sa vie, et découlait de son besoin de pragmatisme et de son désir de prouver, de manière rationnelle, ce qu’il avait ressenti intuitivement.
    Nietzsche fut, pour Jung, un catalyseur et un appui. Il tint la place d’un modèle, très ambivalent, des erreurs à éviter, une sorte d’image de l’”Ombre”, mais aussi, paradoxalement, d’une voie à suivre, la voie des anciens alchimistes. Des forces, issues des profondeurs de son inconscient de Nietzsche l’avaient mis en résonance avec la phase de l’”Oeuvre au noir”. Son Moi conscient, trop fragile, calciné, morcellé, n’avait pas survécu. Mais  il avait eu le courage de tenter l'épreuve, en dépit de sa faiblesse physique et psychique. C’est pourquoi Jung le relie à une filiation allant des anciens alchimistes à Paracelse, qui fut le modèle du Faust de Goethe. Nietzsche, pensait-il, était “un homme faustien comme il en existe peu”. On peut lire dans Ma vie (p.220) :
“Je pense à la parole de Goethe : “Pousse hardiment la porte devant laquelle tous cherchent à s’esquiver ! “ Or, le deuxième Faust est plus qu’un simple essai littéraire. Il est un chaînon de l’Aurea catena, de cette chaîne d’or qui, depuis les débuts de l’alchimie philosophique et de la gnose jusqu’au Zarathoustra de Nietzsche, représentent un voyage de découvertes - le plus souvent impopulaire, ambigu et dangereux - vers l’autre pôle du monde.”

Nietzsche n’a pas cherché à esquiver le dangereux voyage et il fait bien partie de l’ “aurea catena” des alchimistes, cette chaîne d'or qui relie le ciel à la terre. 
Je pense que le maillon se prolonge jusqu’à Jung. Il a toujours “ressenti” que l’homme n’est pas seulement fait de ses aspirations les plus “célestes”, de ses idées les plus élevées, mais que, même s’il a perdu le vieil apendice caudal des sauriens, il conserve une solide “chaîne accrochée à sa psyché et le liant à la terre”. De plus, son incessant questionnement, ses décénnies de patientes recherches, la mise en jeu de son “âme”, au moment de son affrontement avec l’inconscient, et, surtout, le fait que l’alchimie fut son ultime appui dans la quête du sens, tout ceci contribue à  l’intégrer, avec Nietzsche, en tant que maillon de cette chaîne, qui continue son parcours souterrain, avec parfois de fulgurantes émergences. 

Ariaga

Vous pouvez lire sur mon autre blog une poésie intilulée Sur l'écriture, qui exprime un peu ce que je ressens après ces moments consacrés à une réflexion un peu "théorique".

 

 

04/02/2012

Nietzsche refoule les forces féminines

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Suite des quatre précédentes notes.

  Sur le plan conceptuel il existe, en dépit des concordances, une différence de nature entre le Soi Nietzschéen et le Soi Jungien. La ressemblance est manifeste quand il s’agit de présenter le Soi comme le grand organisateur, celui qui oeuvre dans les profondeurs de la psyché. Jung ne pouvait qu’adhérer à la vision de Nietzsche, dans Ecce homo, d’une conscience comparée à une “surface” sous laquelle oeuvre une force organisatrice. Mais, une fois de plus, il va faire à Nietzsche le reproche de ne pas “actualiser” une pensée demeurant  dans les hauteurs alors qu’elle est censée glorifier la Vie et la Nature. Le Soi du Zarathoustra dans le discours intitulé "des contempteurs du corps",  ce “maître du Moi”, ce “sage inconnu" était assimilé à la vie du corps, à la joie d’une harmonie avec la pure nature. Or, selon Jung, (Correspondance, T5,p.41) la tentative de Nietzsche pour donner son sens au Soi :
Resta un météore qui ne rejoignit jamais la terre, puisque le conjunctio oppositorum  n’eut pas lieu, et surtout ne put avoir lieu”.

    La raison de cet échec de Nietzsche fut tout d’abord le refus de la reconnaissance de l’ombre, déja évoquée, et la quasi occultation de l’élément féminin, en tant que pôle opposé.
    Le surhomme, projection du Moi surdimensionné, se dresse contre l’”homme le plus laid”, cet homme “ordinaire” et souvent peu glorieux qui est en chacun de nous. Comme l’écrit Jung dans Mysterium conjonctionis, l’oeuvre majeure des dix dernières années de sa vie (T1,p.303) :
On ne consent pas à voir l’ombre ; celle-ci doit être niée, refoulée, ou gauchie en quelque chose qui sorte du commun. Le soleil est toujours éclatant et toutes les choses renvoient son éclat. Aucune place n’est laissée aux faiblesses qui portent atteinte au prestige.”
 C’est une quasi divinisation du Moi qui va désormais être le réceptacle de toutes les qualités, entraînant ainsi la possibilité de la mort de Dieu. Cette divinisation du Moi va, par une sorte d’effet boomerang, “renvoyer à l’intérieur du sujet pensant” ce qui aurait du être projeté sur l’image divine. C’est ce qui arrive à ceux qui se prennent pour un roi ou un dieu et que la société nomme fous. Dans le meilleur des cas, donc le pire, elle en fait des Führer.
    Cependant, son auto quasi divination ne procure pas à l’homme les qualités divines. Elle engendre seulement le désir de posséder ces qualités. La souffrance du désir insatisfait rend hideux celui qui pour se venger tourmente alors autrui. Témoin le  “pâle criminel” du Zarathoustra qui “souffre de soi” à un tel point qu’il n’y a pas de rédemption possible :
C’est une image qui a fait pâlir cet homme blême. Il était à la hauteur de son acte au moment où il l’a perpétré, mais une fois accompli il n’en a pas supporté l’image”.

    Or Nietzsche n’avait pas seulement tenté de tuer, Dieu, crime sur la réussite duquel  Jung émet des doutes, mais il avait, fait gravissime à assumer pour un glorificateur de la Vie, tenté de supprimer la femme. Pour celui qui écrit : “Il y a plus de sagesse dans ton corps que dans l’essence de ta sagesse”, comment la vie du corps a-t-elle pu être aussi misérable et la relation au pôle féminin de la nature aussi peu réussie ?
    Les relations personnelles de Nietzsche avec les femmes, y compris sa mère et sa soeur, furent des échecs. Au cours de son  oeuvre il glorifie parfois la femme comme image de la Vie mais en ajoutant aussitôt qu’elle est sorcière, cruelle et insaisissable. Le surhomme nietzschéen trouve difficilement une compagne. S’il y parvient l’utilité de cette compagne se limitera à la tâche d’enfanter, d’une manière toute symbolique, le surhumain.
     Les lignes venimeuses qui vont suivre, extraites du texte : Des femmelettes jeunes et vieilles, cette “chosification” de la femme que l'on trouve dans le Zarathoustra  sont, je le pense, la conséquence d’une profonde souffrance  :
L’homme digne de ce nom n’aime que le danger et le jeu. C’est pourquoi il désire la femme le plus dangereux des jouets.
L’homme doit être élevé pour la guerre, la femme pour le délassement du guerrier : hors de cela tout est folie. …   
La femme a besoin d’obéir et de donner une profondeur à sa surface. L’âme de la femme est superficielle, c’est une surface mobile et agitée au dessus d’un haut fond.


La petite vieille ironique à laquelle Nietzsche-Zarathoustra adresse ce discours est une voix de l’inconscient. Elle l’avertit du danger de traiter les femmes de cette manière. “Tu vas chez les femmes”, dit-elle, “N’oublie pas le fouet”. En effet, les forces féminines refoulées seront difficiles à dompter et Nietzsche subit les conséquences de son refus de l’opposé féminin. Dans sa folie c’est à Cosima Wagner, alias Ariane, qu’il écrivait “Ariane je t’aime”, en signant Dionysos.”

Tenter d'éliminer la femme c'était dangereusement refouler toutes les forces de la Nature et peut-être aussi celles du divin. C'est ce que nous verrons dans la prochaine et dernière note.

Ariaga

À suivre

  Vous pouvez sur mon autre blog lire un texte dont le titre est : Quest-ce qu'un homme  ?

29/01/2012

Analyse du cas Nietzsche par Jung

Monstre.jpg

 Suite des trois notes précédentes

Pour Jung la philosophie, comme la psychologie, est destinée  à l’homme et non à la pure spéculation intellectuelle. L’un de ses grands reproches envers Nietzsche est de ne pas avoir appliqué ”ses théories” à sa propre vie. Il écrit dans Ma vie :

“Nietzsche, avec son exubérance, ne serait peut-être pas tombé hors du monde s’il s’en était tenu aux bases mêmes de l’existence humaine.

Il avait perdu le contact avec le réel, se voulait un philosophe-médecin mais ne maîtrisait pas sa propre santé.
 
    L’analyse du “cas Nietzsche“ sur le plan de la névrose et de la folie du philosophe pendant les dix dernières années de sa vie a été effectuée dans Psychologie de l’inconscient, ouvrage assez ancien, mais dont la dernière édition entièrement revue date de 1942.

Jung éxamine d'une manière critique la vie de Nietzsche . Il prèchait un grand oui à la vie et à l'impulsion mais s'imposa un mode de vie assez maniaque et très contraignant décrit en détail dans Ecce homo. Il a recherché les meilleurs climats, les régimes les plus divers, et absorbé beaucoup de somnifères. Finalement comme l’écrit Jung dans Psychologie de l'inconscient (p.67)
“Il prêchait de dire oui à l’impulsion et il vécut une négation de la vie. Les hommes lui inspiraient un trop grand dégoût et en particulier l’homme en tant qu’animal qui vit de son instinct, pour qu’il puisse en être autrement” … “C’est pourquoi la vie de Nietzsche ne nous convainc pas de la justesse de sa doctrine. Car le “surhomme” veut pouvoir vivre à Naubourg et à Bâle, malgré le “brouillard et les ombres” il veut la femme et la progéniture …”Nietzsche omit de vivre un instinct, précisément l’instinct animal de la vie : Nietzsche fut, sans que cette considération attente le moins du monde à sa grandeur et à sa signification, une personnalité maladive”.
  Il y a une dissemblance manifeste entre le comportement de Jung et celui de Nietzsche. Jung aimait les plaisirs de la vie. Il fumait, était amateur de bonne chère et de bon vin. Il eut femme et enfants et résistait difficilement à la beauté et à l’intelligence féminine. Ce que j'ai dit dans la note précédente sur l'accord entre Nietzsche et Jung sur le côté positif des grandes maladies se retrouve dans les écrit de Nietzsche mais pas  dans la ”personnalité maladive”dont parle Jung. Une personnalité qui n'a pas appliqué sa philosophie dans sa vie quotidienne.
    Pourtant, pense Jung, il y avait en Nietzsche un dynamisme, une énergie de vivre, et si on lui avait reproché de tourner le dos à l’instinct il aurait protesté vigoureusement. Pourquoi, alors, ses impulsions instinctives l’ont-elles éloigné du monde des autres hommes, isolé dans un dégoût du “troupeau humain” ? La réponse serait qu’à côté de l’instinct de la satisfaction des sens et de la conservation de l’espèce il existe un autre instinct, celui de la “conservation de soi-même”. Il s’agit de la “volonté de puissance”. C’est de cet instinct que parle Nietzsche et tout le monde pulsionnel dérive pour lui de cette volonté. La conséquence en est une unilatéralité et une grave inflation psychologique que Jung décrit ainsi  dans Psychologie de l'inconscient (p.68,69)

“Le cas de Nietzsche montre d’une part quelles sont les conséquences d’une unilatéralité névrotique, et d’autre part quels sont les dangers que comporte en soi toute tentative de sauter par- dessus le christianisme. Nietzsche a indubitablement ressenti au plus profond de lui-même la négation, qu’impose le christianisme, de la nature animale de l’homme, et il se mit en quête d’une nouvelle totalité humaine, édifiée sur un plan plus élevé, par delà le bien et le mal. Quiconque soumet l’attitude fondamentale du christianisme à une critique sérieuse se dépouille par là même de la protection séculaire que celui-ci lui ménageait. Il se livre alors inéluctablement à l’âme animale de l’homme. C’est alors le moment de l’ivresse dionysiaque, la révélation bouleversante de la “Bête blonde” qui s’empare du naïf, ignorant de l’aventure où il s’est engagé, et qui le remplit d’un vertige inconnu. L’état frissonnant de possession dans lequel il se trouve fait de lui un héros, ou une espèce de demi-dieu, animé par le sentiment d’une grandeur supra-humaine. Il se sent précisément “à six mille pieds par delà le bien et le mal.”

    C’est la puissance du Moi qui a été exaltée dans le cas de Nietzsche. Une sorte d’héroïsme chronique lui a fait perdre la plasticité adaptative nécessaire à la vie. Au moment où il fut confronté avec son ombre qui était la volonté de puissance il n’a pas su la reconnaître. Au cours du combat entre le principe du Moi et le principe de l’instinct, lui qui prônait la complexité et le dépassement des limites, s’est retrouvé dépendant de la structure et de la limitation d’un Moi qui ne pouvait supporter la présence de cet “autre”, de cet adversaire intérieur, son ombre. Toutes les manifestations de l’inconscient sont devenues suspectes à celui-là même qui avait su écrire sous sa dictée le premier livre du  Zarathoustra. L’ombre y était re-présentée symboliquement d’une manière très visible  sous la forme de “l’homme le plus laid” mais le surhomme dans lequel se projetait Nietzsche a refusé de la voir.
     Zarathoustra lui-même, comme le dit Jung dans Ma vie , était la grande ombre de Nietzsche. C’était aussi une manifestation de l’inconscient, semblable à celle de son propre numéro 2. Le problème vint du fait que Le Moi conscient de Nietzsche préoccupé d’héroïsme et déraciné des forces vitales n’était pas assez fort pour conserver sa cohérence et son identité. Il devient Dionysos et le “crucifié” et sa cohérence psychique éclata définitivement. L'annonce de cette dissolution se lit dans le poème Sils-Maria qui fait partie des Chansons du prince hors la loi dans Le Gai Savoir :

    Ici j’étais assis à attendre,
    Attendre - mais à n’attendre rien,
    Par delà le bien et le mal , à savourer tantôt
    la lumière, tantôt l’ombre,
    N’étant moi-même tout entier que jeu,
    Que lac, que midi, que temps sans but.
    Lorsque soudain, amie !  un se fit deux
    Et Zarathoustra passa devant moi...   

C’est à ce moment que commença la sensation d’’écartèlement qu’il éprouva au début de la maladie mentale qui le conduisit à une terrible dissociation de la personnalité. Nietzsche avait voulu donner un sens au Soi mais il n'eut pas la force psychique de résister aux attaques de son inconscient, attaques qui le déconectérent de la réalité.

Ariaga

À suivre

Jean Bissur, auteur du blog Autour de Carl", vient d'ouvrir un forum assicié à son blog dont je vous donne le lien : Forum autour de Carl.

Vous pouvez ausii lire une poésie intitulée Feuille monde sur mon autre blog.

24/01/2012

Jung, Nietzsche et la maladie

 

 

Lions ayant le mal de mer.jpg

Suite des deux notes précédentes.

Il existe, chez Nietzsche et chez Jung, une attitude à la fois semblable et différente vis-à vis de ce qu'ils appellent les "états valétudinaires ", pour faire simple la maladie. Nietzsche a principalement développé le sujet dans Ecce homo et dans sa correspondance et Jung dans Ma vie et aussi dans sa correspondance.

 Pour Nietzsche, le corps constitue un lieu d'élaboration où l'excès de santé, mais aussi la maladie, sont des stimulants de la création. La maladie lui était , en quelque sorte, indispensable et ses lettres recèlent un impressionnant catalogue de ses maux. C'était un refuge qui lui  permettait  d'échapper au quotidien et d'excuser certains comportements. Mais elle était aussi un moyen de ralentir l'excès de feu sous l'athanor, les dépenses d'énergie excessives qui empêchent l'évolution des forces créatrices.On se retrouve ici dans les perspectives alchimiques de la voie sèche et de la voie humide. Il me semble que ce passage de Ecce homo (p.56) le montre bien :

"La clarté et la belle humeur parfaite, voire l'exubérance de l'esprit que reflète l'oeuvre susmentionnée (il s'agissait du Voyageur et son ombre) se concilient chez moi, non seulement avec le plus profond affaiblissement physiologique, mais même avec un excès de souffrances. Au milieu même des tortures qu'inflige un mal de tête ininterrompu de trois jours, accompagné de pénibles vomissements de pituite, je bénéficiais d'une clarté de dialecticien par excellence et je méditais à fond de sang froid des questions pour lesquelles, dans des circonstances meilleures, je ne suis pas assez escaladeur, pas assez raffiné, pas assez froid.

  Il semblerait que chez des êtres comme Nietzsche, la recherche du sens et du dire de ce sens, mette la chair à l'épreuve comme si c'était au sein de cette "passion" que, comme dans le creuset des alchimistes, se produisait la "cuisson lente". 

Jung  est un peu de la même famille. Son enfance à été vécue sous le signe d'une relation très ambiguë avec des maladies réelles ou psychosomatiques. 

Pendant la petite enfance, une longue “absence” de sa mère provoque un eczéma généralisé. Un peu plus tard, il y a culbute dans un escalier, heurt violent contre le bord d’un poêle. Il manque tomber dans le Rhin du haut d’un pont ; à cela il faut ajouter des angoisses nocturnes. C’est à l’âge de douze ans qu’il fait, ce qu’il appelle lui-même dans Ma vie, une névrose. Il est renversé par un camarade et sa tête heurte le trottoir. Il anticipe la violence du choc et une pensée fulgure : “maintenant tu ne seras plus obligé d’aller à l’école !” Cette pensée est tombée dans l’inconscient, mais une somatisation s’est produite : chaque fois qu’il doit travailler, ou aller en classe, il tombe en syncope. Suit une période heureuse, pendant laquelle il est libre de faire tout ce qui lui plaît. Il faut une réflexion de son père, entendue par hasard, sur la lourde charge que va représenter un enfant handicapé, pour le tirer de cet état. Les crises disparaissent et il se rend compte que c’était lui qui avait “monté cette honteuse histoire”. Il devient, par la suite très consciencieux et très travailleur.
Ce comportement de fuite devant la vie ordinaire, cette manière de chercher refuge dans la maladie se retrouva alors qu'il avait près de soixante dix ans quand, à la suite d'une grave maladie qui l'avait plongé dans une espèce de coma rempli de visions, il mit trois semaines avant de se décider à retourner vers la réalité quotidienne. C'est l'instinct de vie et la nécessité de transmettre son expérience qui lui permirent d'émerger. De ces moments d'enseignements puisés dans un état proche de la mort, il revint avec de nouvelles forces et c'est après cette maladie que son travail et la puissance de sa pensée se révélèrent les plus fertiles. Il écrit dans une lettre de 1944 :

"En fin de compte, cette  maladie a été pour moi une expérience extrêmement précieuse, elle m'a donné l'occasion extrêmement rare de jeter un oeil derrière le voile. ".

 La maladie, probablement parce que elle diminue les défenses du conscient et relativise l'importance de problèmes souvent liés à l'image que l'on souhaite présenter à la société, peut donc, ainsi que l'ont ressenti et pensé Nietzsche et Jung, être un facteur de progression. Je nuance cette pensée, car il est des êtres qui souffrent tellement que je ne vois pas comment leurs souffrances seraient  positives. La maladie peut aussi, comme le montre le destin final de Nietzsche, être destructrice. Jung s'est penché, car cela le touchait personnellement, sur cette destruction dont il a tenté l'analyse. Ce sera, pour la prochaine note, l'analyse du cas Nietzsche par Jung.

 Ariaga

 À suivre bientôt.

Vous pourrez trouver sur mon autre blog une petite citation dont le titre est : La Torah est une braise.

21/01/2012

Peur et curiosité de Jung envers Nietzsche

Lutte du noir et blanc.jpg

 

La curiosité  de Jung au sujet de la philosophie et des philosophes s'était éveillée dès son adolescence mais s'il appréciait chez Schopenhauer le thème de la souffrance du monde et la manière de présenter les problèmes il n'aimait pas sa façon de les résoudre. Il trouva chez Kant une théorie de la connaissance mais détesta Hégel et son langage "pénible et prétentieux". Sa curiosité s'éveilla envers d'autre philosophes, en particulier les présocratiques, mais c'est seulement avec Nietzsche que se construisit une forme de relation passionnelle, parfois inconsciente, une sorte d'attraction-répulsion qui exerça une grande influence sur l'édification de sa pensée. Son intérêt pour Nietzsche ne se démentit jamais, et il consacra un séminaire au Zarathoustra entre 1934 et 1938.

   Que ce soit pour l'édification de son oeuvre, de son outillage conceptuel, dans son attitude vis-à-vis de l'existence, l'imprégnation nietzscheenne me semble évidente chez Jung. Une des manifestation la plus visible de cette filiation est leur goût commun pour le paradoxe. Cette manière de penser, pour laquelle j'ai beaucoup de sympathie, les conduit parfois à énoncer une idée ou à défendre, en apparence, une thèse pour en montrer, en même temps ou ultérieurement, la fausseté. Pour l'un comme pour l'autre, il n'y a pas de vérité absolue, de lumière sans ombre, et toute chose contient son contraire. C'est cet esprit paradoxal qui incite leurs détracteurs à leur faire le commun reproche d'obscurité et de confusion.  

    La relation Jung-Nietzsche commence d'une manière assez négative. Le premier contact se situe au début de ses années universitaires. On le voit alors bien installé dans sa personnalité numéro 1, celle qui privilégie la vie conscient et sociale. Il est peu disposé à recevoir des stimulations intellectuelles propres à réveiller l' "Autre ", ce numéro 2 qui le suivait autrefois comme une ombre et qui est maintenant relégué à l'arrière plan.

    Nietzsche avait terminé le Zarathoustra en 1885, alors que Jung était âgé d'une dizaine d'années. La rumeur, dans le milieu universitaire, en faisait un personnage peu sympathique sur lequel on colportait des anecdotes concernant plus la personne que les idées. Il était violemment contesté par les étudiants "compétents" en philosophie, et très mal vu par des professeurs qui, le plus souvent ne l'avaient même pas lu, ou très partiellement. Le fait d'entendre parler d'un philosophe aussi rejeté par ses semblables aurait du attirer le jeune Jung mais, dit-il, "j'hésitais à le lire, m'y sentant insuffisamment préparé". 

   L'explication la plus vraisemblable de la méfiance de Jung envers Nietzsche doit avoir son origine dans le regard lucide qu'il posait déjà sur sa propre fragilité psychique. Il devait être conscient que la présence en lui de deux personnalités représentait une menace de dissociation et de schizophrénie. L'impression d'angoisse concernant le sentiment de secrète parenté qu'il ressentait avec Nietzsche est ainsi exprimée dans Ma vie (p. 136) :

"J'avais  comme une angoisse secrète de lui ressembler au moins quant au "secret" qui l'isolait dans son milieu. Peut-être  -qui sait ? -avait-il eu des aventures intérieures, des visions dont par malheur il aurait voulu parler, mais qui n'avaient malheureusement été comprises de personne. Évidemment c'était un être hors série ou du moins qui passait pour tel, pour un lusus naturae, un jeu de la nature, ce que je ne voulais être à aucun prix. J'avais peur de découvrir que moi aussi j'étais comme Nietzsche, "un être à part". 

 Il avait aussi un sentiment de petitesse envers quelqu'un d'aussi cultivé, et qui avait atteint de "vertigineuses hauteurs". Cela ne faisait que conforter son idée que les "excentricités" permises à ce personnage extraordinaire lui étaient interdites mais, après un temps de résistance, intervint un phénomène moteur de de vie de Jung, " l'intense curiosité " à laquelle il ne sut jamais résister. Ses craintes furent balayées et il se "décida à lire".

Il commença par les Considérations inactuelles et fut passionné par un ouvrage qui mettait la vie au dessus de la pensée, et la personne au dessus de la doctrine. “Emporté d’enthousiasme”, il lut ensuite Ainsi parlait Zarathoustra. Cette lecture provoqua chez lui un véritable choc. Il écrit :
Ce fut comme pour le Faust de Goethe, une des plus fortes impressions que je reçus. Zarathoustra était le Faust de Nietzsche, et mon côté numéro 2 était mon Zarathoustra - naturellement compte tenu de la distance qui sépare une taupinière du Mont Blanc.”
 
    Une telle impression ne peut que laisser des traces, même si elles ne sont pas conscientes. J'irai jusqu’à suggérer que la force de l’émotion occasionnée par Nietzsche à cette époque, et le refus de se laisser aller à une dangereuse fascination, provoquerent en lui un refoulement très freudien. En effet, dans le cas de Jung, après le choc intervenait toujours la réflexion et la recherche du sens. L’interrogation ne pouvait donc  manquer de survenir. Il était persuadé du côté morbide du personnage de Zarathoustra. Son numéro 2 l’était-il aussi ? Son génie aurait du suggérer à Nietzsche que “quelque-chose allait de travers” or, “jouant les funambules il avait fini par tomber en dehors de lui-même” . C’est ainsi qu’il était devenu un “possédé”, un homme que la société rejetait.

Tout cela fait horreur au numéro 1, celui-là qui avait décidé de réussir sa vie extérieure. L’”empirisme” l’emporte, il refuse l’”irréalité” de Nietzsche et, consciemment, rompt pour longtemps avec le Zarathoustra . On peut lire dans Ma vie :
“Le Faust m’avait ouvert une porte, le Zarathoustra m’en ferma violemment une autre, et pour longtemps. Il en fut de moi comme du vieux paysan dont deux vaches, par sorcellerie, avaient eu l’encolure prise dans le même licou et à qui son jeune fils demandait comment chose pareille était possible. Et il répondit : “Henri, de ces choses on ne parle pas !”
   
    L’influence du Zarathoustra devient, à partir de cette époque, un courant souterrain, qui ne resurgira vraiment qu’au moment des Sept Sermons aux Morts  ; même si, au cours de la première version de Métamorphoses et symboles de la libido, antérieure aux Sept Sermons, il est souvent fait allusion, d’une manière “culturelle” mais non philosophique, à Nietzsche, à ses poèmes et à Ecce homo.

Les Sept Semons aux morts est une oeuvre qui me fascine depuis longtemps mais je les laisserai de côté, dans cette suite de notes, car je voudrais leur consacrer, un jour, une série particulière.

À bientôt la suite.

Ariaga

 Pour ceux qui seraient en manque de poésie vous trouverez sur l'autre blog un poème intitulé Fréquences.