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07/01/2009

Le vase de l'alchimiste

 

 

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Je vous parle souvent du vase sur l'athanor, surtout quand mon ami intérieur le vieil alchimiste murmure à l'oreille de mon coeur. Aujourd'hui,  je suis allée chercher, dans Psychologie et alchimie de C.G.JUNG ((p.309), un texte qui montre que, pour les pratiquants de la Science Hermétique, ce vase n'est pas un simple instrument de leurs opérations.

"Pour les alchimistes, le vase est quelque chose de véritablement merveilleux : un vas mirabile (vase merveilleux). Marie la Prophétesse dit que tout le secret réside dans la connaissance de ce qui a trait au vase. On souligne sans cesse que : "Unum est vas" (le vase est un). Il doit être coplètement rond en imitation du cosmos sphérique, de façon que l'influence des étoiles puisse contribuer au succès de l'opération. Il est une sorte de matrice ou d'utérus d'où doit naître le filius philosophorum (fils des philosophes). C'est pourquoi il est recommandé que le vase ne soit pas seulement rond, mais qu'il ait la forme de l'oeuf. On est porté tout naturellement à considérer ce vase comme étant une sorte de cornue ou flacon ; mais on se rend bientôt compte que cette explication est insuffisante car le vase représente plus une idée mystique, un véritable symbole, comme toutes les notions importantes en alchimie."

Si quelque puriste s'égarait sur ce blog je signale que les caractères gras ne font pas partie du texte original.

J'aime cette comparaison du vase des alchimistes avec un utérus où mûrit un enfant. Cela me conforte dans l'idée que l'oeuvre que nous tentons de faire de notre vie est comparable à une grossesse, à l'oeuvre de la nature.

Il y aurait deux sortes de vases. Le vase en verre dont l'idée me plaît assez car je pense qu'elle permettait à l'alchimiste de voir, par transparence, des transformations de couleur, des formes étranges qui ne sont pas sans rappeler l'univers des rêves. Ce vase était réservé à l'usage des substances nobles. Un autre vase, fait d'argile, était nommé " le vase de la nature". Cette voie du Grand Oeuvre était accessible à tous et ne demandait que des matériaux peu couteux. Je pense, finalement, que j'aurais choisi celui là...

Ariaga

17/12/2008

C.G.Jung et son oeuvre

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De temps en temps, j'ai besoin d'une petite cure de mon cher Jung (je l'appelle Carl Gustav dans l'intimité). Les livres sont parfois un peu ardus et c'est l'écriture de sa correspondance que je trouve la plus claire et la plus agréable à lire. Voilà un petit extrait d'une lettre écrite dans les dix dernières années de sa vie. Il répondait à un correspondant du Vénézuéla qui l'interrogeait sur son oeuvre :

" En ce qui concerne les livres, je peux vous dire qu'aucun de mes écrits ne constitue une synthèse ou un exposé élémentaire, à mon avis du moins. Je ne suis pas un philosophe qui pourrait éventuellement se permettre une telle ambition, mais un praticien de la méthode empirique qui expose les avancées de son expérience, ce qui fait que mon travail n'a ni commencement absolu ni fin qui le récapitulerait. Il est comme la vie de l'individu : elle devient brusquement visible quelque part, ses fondements sont certes déterminés mais restent d'abord invisibles ; elle n'a donc pas de vrai commencement et pas non plus de vraie fin, en ce sens qu'elle s'interrompt un jour tout aussi brusquement en laissant derrière elle des questions qui auraient dû recevoir encore une réponse. " (Lettre du 13 Juillet 1954, c'est moi qui ajoute les caractères gras).

Quand je pense à certains qui se prétendent philosophes parce qu'ils ont commenté des auteurs célébres, ou donné forme à une quelconque idée  qui flottait dans l'air du temps, je ne peux qu'admirer la modestie de Jung. Il nous propose simplement de profiter de son expérience, mais son oeuvre est aussi une "montagne" de réflexion et de culture . Il nous légue une oeuvre-vie faite de questions et de réponses, et aussi de questions sans réponses. Pour moi, c'est cela la démarche philosophique.

Ariaga

 

02/11/2008

Visite des morts chez C.G.Jung

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(Inspiré par le chapitre Confrontation avec l'inconscient de Ma vie de C.G.Jung)

C'était l'époque ou Jung se consacrait à ses imaginations. Ses ennemis disaient et disent encore qu'il était devenu fou. Pourtant c'est consciemment qu'il avait accepté une confrontation avec les abysses d'un Inconscient qui représentait un danger mortel pour son psychisme. Ayant rompu avec Freud depuis quelques années, il était seul, sans aucune protection contre la psychose si ce n'est sa famille et sa vie "réelle" à laquelle il s'accrochait solidement. Et pourtant...

Un jour de 1916, que, pour la beauté du récit, j'imagine être le jour des morts, même si je crois me souvenir qu'il s'agissait de l'été, Jung a ressenti, encore plus que d'habitude,  une pulsion de l'intérieur qui est devenue tellement forte qu'elle a agi sur son entourage extérieur.

Il commence par se sentir fébrile. L'atmosphère devient lourde et comme remplie d'êtres fantomatiques. Des phénomènes curieux se multiplient, en particulier autour des enfants. Formes blanches qui traversent les chambres, couvertures arrachées par des mains invisibles, cauchemars.  Le lendemain, un Samedi, le fils dessine les images d'étranges rêves, par exemple un pêcheur sur la tête duquel il y a une cheminée d'où sortent des flammes. Une nuit passe encore et le Dimanche matin, alors que l'atmosphère est à couper au couteau, la sonnette de la porte d'entrée se met soudain à sonner à toute volée. Tous courent à la porte. Le battant de la cloche remue mais il n'y a personne ! On se croirait dans un conte breton. Jung est tendu à l'extrême, il faut que quelque chose se passe sinon il va craquer. Et puis la maison semble être remplie d'une foule d'esprits. Il y en a partout et Jung s'écrie : "Au nom du ciel qu'est-ce que cela ?".  Alors il y a comme un réponse en choeur : "Nous nous en revenons de Jérusalem, où nous n'avons pas trouvé ce que nous cherchions". Ce seront les premières lignes des Sept Sermons aux Morts.

Jung se met immédiatement à écrire et les mots lui sont comme dictés. Il écrit, en trois soirées, un texte d'une quinzaine de pages poétique, lyrique, métaphysique, visionnaire, d'une grande beauté qui contient en germe tout ce qu'il avait à communiquer au monde sur l'inconscient. Ce texte je l'ai lu des dizaines de fois, c'est celui que j'emporterais sur une île déserte car il peut occuper pendant des années. Je vous parlerais volontiers des Sept Sermons aux Morts mais je crains d'être écrasée par l'ampleur de la tâche. Christine Maillard a suivi cet itinéraire du plérome à l'Etoile  dans un ouvrage qui s'intitule Les Sept Sermons aux Morts de Carl Gustav Jung aux Presses universitaires de Nancy.

Ariaga

 

 

 

22/09/2008

Relation à la nature

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La relation à la nature peut être extérieure ou intérieure, ou les deux.

Je me promène dans les bois ou le long d'une plage, je respire l'odeur de l'humus ou de la mer, je me couche dans l'herbe. Je reçois la nature de l'extérieur.

Je suis dans les pas de C.G. Jung et je tente de lire en moi par l'intermédiaire de l'analyse et de l'interprétation du rêve, j'approche la Nature de l'intérieur car il y a toujours un moment où émergent les re-présentations venues du temps où la nature et l'homme étaient étroitement liés.

Je suis dans la nature et je fais silence, je médite pour laisser advenir ce qui me relie à la Totalité, alors mon contact avec la Nature est à la fois intérieur et extérieur.

Ariaga.

19/09/2008

Le temps du rêve

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L'inconscient qui se manifeste dans les rêves, ne se préoccupe pas, si l'on en croit C.G.Jung et la psychologie des profondeurs, de notre perception habituelle du temps. Ceux qui notent leurs rêves jusqu'à ce qu'ils constituent des séries de rêves peuvent le vérifier. Les événements ne se succèdent pas d'une manière chronologique. Les enchaînements de cause à effet genre A donne B, B donne C, ne fonctionnent pas toujours. Cela explique que le monde onirique nous semble aussi chaotique et absurde. Mais nous nous attachons à notre belle logique et , comme les rêves parviennent à notre conscience l'un après l'autre, nous faisons notre possible pour les classer dans nos catégories usuelles d'espace et de temps.

C.G.Jung fait une proposition originale pour casser nos habitudes de lecture des rêves. Il suggère (in Sur l'interprétation des rêves, A.Michel) que la série de rêves qui parvient à notre conscience au moment du réveil, ne soit pas considérée comme la véritable série. C'est une traduction, une concession à notre idée du temps. Il propose un schéma consistant en un cercle d'où partent des flèches vers l'extérieur et écrit :

"La véritable configuration du rêve est radiale : les rêves rayonnent à partir d'un centre, et ne viennent qu'ensuite se soumettre à l'influence de notre perception du temps. Les rêves se subordonnent en réalité à un noyau central de signification."

Vous me direz, mais qui ou quoi est à l'origine de ce centre ? Pour Jung l'origine est "non identifiable". Et pour moi, je laisse la porte ouverte à vos supputations.

Ariaga.

17/09/2008

Le très vieil homme en nous

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C.G.Jung explique dans L'analyse des rêves (notes du séminaire de 1928-1930, Albin Michel) que, même si nous refusons de voir notre partie obscure, l'ombre, il persiste une réaction de l'esprit qui est celle de l'homme de plusieurs millions d'années qui habite en nous.

Nous ne sommes jamais seuls car il y a dans nos racines profondes un Vieil homme/Ancêtre. On peut le nier mais il est quand même là et provoque des réactions indépendantes de la volonté. C'est cette obscure impression quand certains actes sont accomplis qu'il y a une ligne à ne pas dépasser. Bien sûr, on peut quand même franchir la ligne mais le vieil homme réagira et il y aura des conséquences. Un peu comme quand on mange un aliment auquel on est allergique et qui rend très malade. Nous allons chercher des causes compliquées à nos maux psychiques et même psychologiques, ignorant le plus souvent la présence du très vieil homme qui proteste violemment dans les abysses de notre inconscient.

Ariaga

18/06/2008

Le bruit pollution mentale ?

 

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   Dans une lettre de Septembre 1957, adressée à un professeur de droit qui avait fondé une "ligue contre le bruit" C.G.Jung, âgé de 82 ans, parle de la véritable pollution mentale que représente , pour lui, le bruit. J'ai été frappée par le côté actuel de ses propos, assez virulents, et dont j'aimerais vous donner ici la substance.

  Le bruit trouble la concentration psychique nécessaire au travail intellectuel et, pour faire abstraction de ce bruit,  on doit faire un effort supplémentaire. Le pire c'est qu'on s'y habitue, comme à l'alcool ou à une drogue et on peut souffrir de cirrhose ou de dépendance mentale.

    Les enfants sont les premiers touchés. Ils reçoivent trop d'incitation à la dispersion. Ils travaillent dans un bruit subi ou choisi et reçoivent quantité de sollicitations extérieures ce qui les empêche de réfléchir et de se concentrer pour trouver eux-mêmes des solutions aux questions qui leur sont posées.

   Pour Jung, et j'ai tendance à croire qu'il a raison, l'homme s'est mis à aimer le bruit parce que le monde est de plus en plus angoissant et que le bruit "empêche cette angoisse de se faire entendre". Autrefois, les primitifs faisaient du bruit pour chasser les démons. De nos jours, le bruit, comme la foule donne à pas mal de gens un sentiment de sécurité et protège contre les désagréments d'un silence qui pourrait conduire à la réflexion et aussi laisser remonter à la conscience ce qui est enfoui dans l'inconscient. N'importe quel bruit est alors préférable au silence. Comme l'écrit Jung, "Dans ce que l'on appelle de façon significative, "un silence de mort", on se sent mal à l'aise". On craint ce qui pourrait venir de l'intérieur et on le combat de l'extérieur.

   Jung est assez pessimiste sur l'issue de la lutte que mène son correspondant contre la pollution sonore. Voici ce qu'il écrit :

"Avec la lutte si nécessaire contre le bruit, vous vous êtes chargé d'une tâche difficile : certes il serait souhaitable de réduire l'excès de bruit , mais plus vous vous en prenez au bruit, plus vous vous engagez sur le terrain interdit du silence, objet de tant de crainte. Vous ôtez aussi à ceux qui sont sans importance et dont on entend jamais la voix l'unique joie de leur existence, et l'incomparable satisfaction qu'ils éprouvent à crever le silence de la nuit avec la pétarade de leur moteur, ce qui leur permet de troubler par un vacarme d'enfer le sommeil de leur prochain. A ce moment-là, ils sont quelque chose dont il faut tenir compte. Le bruit est pour eux une raison d'être et une confirmation de leur existence. Il y a beaucoup plus de gens qu'on ne le soupçonne qui ne sont pas dérangés par le bruit, car ils n'ont rien en quoi ils pourraient l'être ; au contraire, le bruit leur apporte quelque chose."

   Quand je lis cette lettre de Jung je me dis que la vie est mouvement et que nous devons peut-être nous adapter à l'époque dans laquelle nous vivons. Mais dans le cas du bruit, s'agit-il d'une nécessaire adaptation, librement consentie, ou d'une pollution qui est une agression et que  que nous subissons sans réagir ? 

           Ariaga.
 

19/05/2008

C.G. Jung et le mandala

 
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    Je laisse à tous ceux qui ont l'habitude de fréquenter le Laboratoire du rêve et de l'Alchimie spirituelle les clefs du blog. Je m'absente pendant quelques jours pour tenter d'améliorer ce problème ce dos qui fait que je ne peux plus gérer ce blog avec la convivialité nécessaire, ce qui lui fait perdre une grande partie de son sens. Mon fidèle Athanor-Ordinateur ne peux m'accompagner et le cordon ombilical avec le laboratoire sera rompu. Je vous propose un texte un peu "sérieux", mais vous pouvez fouiller dans les archives où vous rendre sur l'autre blog. Installez vous comme chez vous...
 
   Le mandala, tel que le conçoit C.G.Jung, participe de deux sortes de représentations : le mandala qui répète et imite, avec un soin parfois religieux, et le mandala production de l'inconscient. Or, selon Jung, l'inconscient réagit instinctivement et l'instinct n'imite jamais. Il suit, sans se préoccuper des modèles du conscient, son "behaviour pattern" biologique. Il a son projet créateur et résiste aux efforts du conscient pour opposer son idée, même si elle est en opposition à ce qui est considéré comme le "bon" modèle par l'esthétique de l'époque. Il n'y a pas de modes pour l'inconscient
   Les mandalas représentation sont très anciens. Le terme signifie à l'origine cercle, et surtout cercle magique. Sous forme de dessin, on le trouve en Orient, en particulier dans le bouddhisme tibétain.  La tradition tibétaine fait remonter l'origine du mandala  au Bouddha, Shakymuni, qui aurait lui même réalisé le Mandala de Kalachkra peu après son éveil. Les mandalas tibétains sont très compliqués. Jung attribue à leur confection un effet apaisant pour l'âme. Leur contemplation apaise les tensions et procure le sentiment d'un ordre et d'un sens de la vie. Ce sont des aides à la méditation et des instruments d'évolution.
   Dans les oeuvres médiévales on trouve des mandalas ornés qui ont un sens rituel ou religieux. Les mandalas chrétiens de cette époque représentent souvent un Rex Gloriae, un roi de Gloire, avec les quatre évangélistes. Dans tous ces types de mandalas l'accent est mis sur le centre
   En dépit de leur valeur esthétique ou spirituelle, ce ne sont pas ces types de mandalas qui incitent Jung à la réflexion, mais ceux qui apparaissent dans les rêves et les dessins d'hommes modernes n'ayant aucune connaissance des traditions ou de l'art religieux et aucun don artistique. Quand ses patients, à la suite de rêves dessinaient des mandalas pour matérialiser leurs réactions, il n'attachait aucune valeur à leur exécution plus ou moins réussie. La fonction du mandala est, pour lui, d'être un représentant. Il écrit ((Psychologie et religion, p.179) :
"L'inconscient produit un symbole naturel que j'ai désigné techniquement sous le nom de mandala, auquel s'attache la significationd'une réconciliation des contraires, donc d'une médiation."
Il y a dans ce texte tout les éléments sur ce que Jung entend par mandalas dans  le cas où ils sont des expressions oniriques. Mandala est un terme qu'il choisit pour désigner le résultat d'une élaboration effectuée grâce à la coopération entre un inconscient, qu'il considère comme "pure nature" et un conscient qui semble rechercher une forme perdue comblant ses aspirations à la totalité . Il écrit dans le dernier tome de sa correspondance :
"Lorsqu'on réalise un mandala, se met en oeuvre tout ce que l'homme sait du cercle et du carré. Mais le coup d'envoi d'une telle représentation, c'est l'archétype en lui-même inconscient qui le donne."
La forme recherchée est proposée par le Soi organisateur, qui fait ici fonction de "médiateur" entre les tréfonds de l'inconscient collectif et la conscience.
  La configuration en forme de mandala apparaît souvent dans les situations de trouble, de désorientation et de perplexité. Je vous cite encore Jung (Un mythe moderne, p.269) :
 "L'archétype que cette situation, par compensation, constelle, représente un schéma ordonnateur qui vient en quelque sorte se poser sur le chaos psychique, un peu comme le réticule d'une lunette de visée, comme un cercle divisé en quatre parties égales, ce qui aide chaque contenu à trouver sa place et contribue à maintenir dans leur cohésion, grâce au cercle qui délimite et protège, les éléments d'une totalité en danger de se perdre dans un vague indéterminé."
C'est pour se protéger de ce danger que les mandalas du bouddhisme Mahâyana sont des images de l'"ordre cosmique temporel, ce dernier pouvant être considéré comme une représentation de l'ordre psychologique.
   Notre époque étant caractérisée par l'angoisse, la désorientation, la perplexité, et cet état étant susceptible de diminuer la puissance d'agir du Moi, il me semble normal que ce type de structures apparaissent dans les rêves des occidentaux comme phénomènes de compensation de cet état. Je pense aussi, dans l'esprit de Jung, que les mandalas, si on sait regarder, sont très présents dans la nature. Voyez les photos de mes précédentes notes. On les trouve au coeur des fleurs, dans la découpe des arbres, dans l'agencement des coquillages sur les plages, et aussi dans les cristaux, les flocons de neige, les constellations.  Les mandalas "naturels" sont partout. A nous de travailler à l'harmonie de notre mandala intérieur et de trouver notre centre.
            Ariaga
 
 
 
 

08/03/2008

Alchimie de la maladie

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   Comme j'émerge de la grippe, il m'a semblé intéressant, en prenant comme exemple F.Nietzsche et C.G.Jung, de parler d'un sujet que j'ai probablement déjà abordé (il m'arrive de me perdre dans les méandres de mon blog) la maladie en tant que facteur d'évolution.

   Il existe, chez Nietzsche et chez Jung, une attitude à la fois semblable et différente vis-à vis de ce qu'ils appellent les "états valétudinaires ", pour faire simple la maladie. Nietzsche a principalement développé le sujet dans Ecce homo et dans sa correspondance et Jung dans Ma vie et aussi dans sa correspondance.

   Pour Nietzsche, le corps constitue un lieu d'élaboration où l'excès de santé, mais aussi la maladie, sont des stimulants de la création. La maladie lui était , en quelque sorte, indispensable et ses lettres recèlent un impressionnant catalogue de ses maux. Michel Onfray écrit à ce sujet dans L'art de jouir p.68 :

" Qu'en est-il de ce corps porteur de Zarathoustra qui enfantera les perspectives du Surhomme ? La lecture de la correspondance complète du philosophe donne tous les détails. Nietzsche interpose son oeuvre entre sa chair qui se dérobe et ne parle qu'en termes de malaises et sa volonté de santé, éternel voeux pieux. il avait coutume de dire que ce qui ne le tuait pas le fortifiait : son oeuvre complète est placée sous ce signe ". 

   La maladie était un refuge qui permettait à Nietzsche d'échapper au quotidien, d'excuser certains comportements. Mais elle était aussi un moyen de ralentir l'excès de feu sous l'athanor, les dépenses d'énergie excessives qui empêchent l'évolution des forces créatrices.On se retrouve ici dans les perspectives alchimiques de la voie sèche et de la voie humide. Il me semble que ce passage de Ecce homo (p.56) le montre bien :

"La clarté et la belle humeur parfaite, voire l'exubérance de l'esprit que reflète l'oeuvre susmentionnée (il s'agissait du Voyageur et son ombre) se concilient chez moi, non seulement avec le plus profond affaiblissement physiologique, mais même avec un excès de souffrances. Au milieu même des tortures qu'inflige un mal de tête ininterrompu de trois jours, accompagné de pénibles vomissements de pituite, je bénéficiais d'une clarté de dialecticien par excellence et je méditais à fond de sang froid des questions pour lesquelles, dans des circonstances meilleures, je ne suis pas assez escaladeur, pas assez raffiné, pas assez froid.

   Il semblerait que chez des êtres comme Nietzsche, la recherche du sens et du dire de ce sens, mette la chair à l'épreuve comme si c'était au sein de cette "passion" que, comme dans le creuset des alchimistes, se produisait la "cuisson lente". 

  Jung est un peu de la même famille. Son enfance à été vécue sous le signe d'une relation très ambiguë avec des maladies réelles ou psychosomatiques.  Ce comportement de fuite devant la vie ordinaire, cette manière de chercher refuge dans la maladie se retrouva alors qu'il avait près de soixante dix ans quand, à la suite d'une grave maladie qui l'avait plongé dans une espèce de coma rempli de visions il mit trois semaines avant de se décider à retourner vers la vie telle qu'elle est. De ces moments d'enseignements puisés dans un état proche de la mort il revint avec de nouvelles forces et c'est après cette maladie que son travail et la puissance de sa pensée se révélèrent les plus fertiles. Il écrit dans une lettre de 1944 :

"En fin de compte, cette  maladie a été pour moi une expérience extrêmement précieuse, elle m'a donné l'occasion extrêmement rare de jeter un oeil derrière le voile. ".

   La maladie, probablement parce que elle diminue les défenses du conscient et relativise l'importance de problèmes souvent liés à l'image que l'on souhaite présenter à la société, peut donc, ainsi que l'ont ressenti et pensé Nietzsche et Jung, être un facteur de progression. Je nuance cette pensée, car il est des êtres qui souffrent tellement que je ne vois pas comment leurs souffrances seraient  positives. La maladie peut aussi, comme le montre le destin final de Nietzsche, être destructrice. Jung s'est penché, car cela le touchait personnellement sur cette destruction dont il a tenté l'analyse. Mais cela est une autre histoire...

       Ariaga

COUP DE COEUR

Pour récompenser ceux qui auront lu jusqu'au bout mon texte un peu " lourd " je vous propose aujourd'hui d'aller faire un tour sur un de mes blogs favoris. Il s'agit d'un photographe : Jean-Louis BEC dont le blog s'intitule Image-Mots, Mots-Image (lien). Il nous offre un dialogue entre de très belles photos et des textes symboliques et poétiques dont les mots creusent un chemin vers les profondeurs de l'être. Si je devais choisir une photo ce serait celle intitulée Léviathan car le groin de la bête me hante. Mais elles sont toutes belles et pleines de sens. Bon regard et bonne lecture. 

 

     

 

  

17/02/2008

Le rêve du yogi

   Je fais des sauts dans le temps au sujet de la double personnalité de C.G.JUNG, déjà évoquée (voir lien) et de sa relation à la philosophie, la psychologie, le rêve et la spiritualité.

   Une étape importante du cheminement de Jung, la plus importante depuis sa confrontation avec l'inconscient entre 1913 et 1916, quand beaucoup d'amis et surtout d'ennemis l'avaient soupçonné de folie, se situe durant sa grave maladie de 1944. Il avait alors soixante huit ans.  Pendant trois semaines il resta entre la vie et la mort dans une espèce de semi coma. Alors que ses journées étaient remplies de souffrances morales et physiques, les nuits lui donnaient accès à un monde de "la délivrance du fardeau du corps et de la perception du Sens". 

   Il eut de nombreuses visions de symboles alchimiques, en particuliers ceux qui représentaient le thème archétypique de la conjonction des opposés ; le mariage mystique, par exemple. Il raconte ces scènes et le plaisir qu'il avait à les "vivre', de manière détaillée dans le chapitre de Ma vie intitulé " Visions ". Quand je lis ces récits hors du contexte de l'oeuvre complète de Jung  je ne suis pas étonnée qu'il ait passé aux yeux de certains comme un visionnaire mystique hurluberlu. Il décrit aussi ses difficultés et son peu d'enthousiasme envers un retour à la vie réelle, tout en ajoutant cependant que, même au sein de cette béatitude provoquée par les visions, régnait un "manque singulier de chaleur humaine".

   Jung choisit la Vie. Son sentiment de parenté avec la Nature, une acceptation du destin, la curiosité au sujet de l'avenir furent, je crois, ce qui le retint de céder à la tentation de s'"échapper par le haut", tentation qui fut très forte pendant cette maladie. A cela s'ajoutait une exigence morale l'incitant à transmettre les expériences accumulées pendant une existence déjà bien remplie par la pratique de l'analyse, l'accumulation d'un grand savoir livresque, et surtout le travail d'expérimentation sur lui-même.

   C'est après cette période, pendant laquelle il évolua à la frontière entre la vie et la mort, que furent écrites ses oeuvres essentielles. Cependant, de profondes transformations se produisirent dans son attitude, en particulier au sujet de sa double personnalité. Sa maladie et le fait que son conscient avait laissé s'installer une domination de forces inconscientes, avaient redonné la prédominance à la personnalité numéro 2.

   Jung chercha de nouvelles formes d'expressions et ne tenta plus d'imposer son point de vue personnel. Il se laissait plutôt "guider par le cours de ses pensées" ; elles se formaient d'elles mêmes et il les acceptait, sans se préoccuper d'un quelconque jugement d'autrui à leur sujet et, surtout, il fit de nombreux rêves dont l'un, celui du  "Yogi", éclaircit pour lui les relations entre le Soi et le Moi. Les commentaire qu'il donne de ce rêve montrent que les visions "initiatiques" qu'il eut pendant sa maladie avaient conforté en lui le sentiment de devoir revenir à sa à sa personnalité numéro 2. Il lui fallait se désintéresser de son image sociale et privilégier la relation avec l'inconscient. Voici ce rêve  (Ma vie, p.367) qui commence par une excursion et l'arrivée à une petite chapelle :

" La porte était entrebâillée et j'entrai. A mon grand étonnement, il n'y avait ni statue de la vierge, ni crucifix sur l'autel, mais simplement un arrangement floral magnifique. Devant l'autel, sur le sol, je vis, tourné vers moi, un Yogi dans la position du lotus, profondément recueilli. En le regardant de plus près, je vis qu'il  avait mon visage ; j'en fus stupéfait et effrayé et je me réveillai en pensant : " Ah ! par exemple ! Voilà celui qui me médite. il a un rêve et ce rêve c'est moi " Je savais que quand il se réveillerait je n'existerais plus. "

  Jung a longuement commenté ce rêve dans Ma vie et d'autre oeuvres mais je pense qu'il est mieux que chacun cherche à interpréter ce rêve comme s'il était lui même le rêveur car il me semble que, à travers le rêve de Jung, c'est nous tous qui rêvons. 

          Ariaga.
 

 

 

09/02/2008

C.G.Jung, F.Nietzsche : attraction, répulsion

   Cette note sur la formation et l'évolution de la pensée de Jung est en relation avec une autre note assez récente sur la double personnalité de Jung sur laquelle je vous propose un lien.

   La curiosité  de Jung au sujet de la philosophe et des philosophes s'était éveillée dès son adolescence mais s'il appréciait chez Schopenhauer le thème de la souffrance du monde et la manière de présenter les problèmes il n'aimait pas sa façon de les résoudre. Il trouva chez Kant une théorie de la connaissance mais détesta Hégel et son langage "pénible et prétentieux". Sa curiosité s'éveilla envers d'autre philosophes, en particulier les présocratiques, mais c'est seulement avec Nietzsche que se construisit une forme de relation passionnelle, parfois inconsciente, une sorte d'attraction-répulsion qui exerça une grande influence sur l'édification de sa pensée. Son intérêt pour Nietzsche ne se démentit jamais, et il consacra un séminaire au Zarathoustra entre 1934 et 1938.

   Que ce soit pour l'édification de son oeuvre, de son outillage conceptuel, dans son attitude vis-à-vis de l'existence, l'imprégnation nietzscheenne me semble évidente chez Jung. Une des manifestation la plus visible de cette filiation est leur goût commun pour le paradoxe. Cette manière de penser, pour laquelle j'ai beaucoup de sympathie, les conduit parfois à énoncer une idée ou à défendre, en apparence, une thèse pour en montrer, en même temps ou ultérieurement, la fausseté. Pour l'un comme pour l'autre, il n'y a pas de vérité absolue, de lumière sans ombre, et toute chose contient son contraire. C'est cet esprit paradoxal qui incite leurs détracteurs à leur faire le commun reproche d'obscurité et de confusion.  

    La relation Jung-Nietzsche commence d'une manière assez négative. Le premier contact se situe au début de ses années universitaires. On le voit alors bien installé dans sa personnalité numéro 1, celle qui privilégie la vie conscient et sociale. Il est peu disposé à recevoir des stimulations intellectuelles propres à réveiller l' "Autre ", ce numéro 2 qui le suivait autrefois comme une ombre et maintenant relégué à l'arrière plan.

    Nietzsche avait terminé le Zarathoustra en 1885, alors que Jung était âgé d'une dizaine d'années. La rumeur, dans le milieu universitaire, en faisait un personnage peu sympathique sur lequel on colportait des anecdotes concernant plus la personne que les idées. Il était violemment contesté par les étudiants "compétents" en philosophie, et très mal vu par des professeurs qui, le plus souvent ne l'avaient même pas lu, ou très partiellement. Il me semble, à la lecture de certaines réactions sur les blogs., que cela n'a pas beaucoup changé de nos jours.  Le fait d'entendre parler d'un philosophe aussi rejeté par ses semblables aurait du attirer le jeune Jung mais, dit-il, "j'hésitais à le lire, m'y sentant insuffisamment préparé". 

   L'explication la plus vraisemblable de la méfiance de Jung envers Nietzsche doit avoir son origine dans le regard lucide qu'il posait déjà sur sa propre fragilité psychique. Il devait être conscient que la présence en lui de deux personnalités représentait une menace de dissociation et de schizophrénie. L'impression d'angoisse concernant le sentiment de secrète parenté qu'il ressentait avec Nietzsche est ainsi exprimée dans Ma vie (p; 136):

J'avais  comme une angoisse secrète de lui ressembler au moins quant au "secret" qui l'isolait dans son milieu. Peut-être  -qui sait ? -avait-il eu des aventures intérieures, des visions dont par malheur il aurait voulu parler, mais qui n'avaient malheureusement été comprises de personne. Évidemment c'était un être hors série ou du moins qui passait pour tel, pour un lusus naturae, un jeu de la nature, ce que je ne voulais être à aucun prix. J'avais peur de découvrir que moi aussi j'étais comme Nietzsche, "un être à part". 

   Il ne faut surtout pas croire, à cette lecture, que le jeune Jung avait la vanité de se comparer au philosophe Nietzsche. Il avait, au contraire, un sentiment de petitesse envers quelqu'un d'aussi cultivé, et qui avait atteint de "vertigineuses hauteurs". Cela ne faisait que conforter son idée que les "excentricités" permises à ce personnage extraordinaire lui étaient interdites. 

   Après un temps de résistance, un phénomène moteur de de vie de Jung, " l'intense curiosité " à laquelle il ne sut jamais résister (comme je le comprends) balaya ses craintes et il se "décida à lire".

   Mais cela sera pour une autre fois.

          Ariaga
 

  
 

25/01/2008

La double personnalité de C. G. Jung

    Impossible d'aller plus loin dans mes notes sans vous parler de la double personnalité de C.G.Jung qui s'était aperçu, dès les premières années de sa vie, sans avoir aucune notion de psychologie ou de philosophie, de la présence en lui d'une seconde personnalité. Par exemple, encore enfant, il se demandait, après un rêve très impressionnant : "qui parle en moi". Il dénomme dans son autobiographie Ma vie ces deux pôles de son être "n°1" et "n°2". Il les décrit ainsi  (Ma vie,p. 65) :

"L'un était le fils de ses parents ; celui-là allait au collège, était moins intelligent, moins appliqué, moins convenable et moins propre que beaucoup d'autres ;  l'autre, au contraire, était un adulte ; il était vieux, sceptique, méfiant et loin du monde des humains. mais il était en contact avec la nature, face à la terre, au soleil à la lune, aux intempéries, aux créatures vivantes et surtout à la nuit, aux rêves et à tout ce que "Dieu" pouvait évoquer immédiatement en moi."

    Parallèlement à son moi humain bien différencié, le jeune Jung avait le bouleversant et intraduisible pressentiment de l'existence d'un "autre", en relation avec une dimension plus vaste. Non seulement l'"autre" n'avait pas perdu, comme c'est souvent le cas pour l'homme contemporain, une intime relation avec la Nature, mais il connaissait, je pourrais presque dire ressentait, Dieu comme un mystère secret et personnel. Il avait le sentiment d'une participation à quelque chose qui n'était pas lui (Ma vie, p;87) :

"Un peu comme si j'avais été touché par un souffle venu de l'univers astral et des espaces infinis ou comme si un esprit invisible était entré dans la chambre ; un esprit disparu depuis longtemps mais qui serait continuellement présent dans l'intemporel et jusque dans un lointain avenir. Les péripéties de ce genre étaient entourées du halo d'un numen." 

     L'"autre monde" auquel il eut accès très jeune par l'intermédiaire des rêves était celui d'un inconscient devenu perceptible à un âge où il n'est généralement pas activé. Cela explique certains comportements névrotiques et les nombreuses hésitation de Jung pendant son enfance et son adolescence. Les dialogues avec son autre intérieur le laissaient souvent déstabilisé, en particulier au moment de choisir une orientation pour ses études car, en lui, le numéro 1 et le numéro deux, qui avaient des goûts très différents poursuivaient leur lutte pour la domination. 

   Jung finit par se décider à étudier la médecine. Demeurait le problème d'une image intérieure difficile à assumer  car, comme dans son enfance, deux images s'affrontaient en lui. Son aspect n°1 se présente, selon ses dires, comme un jeune homme assez antipathique, ambitieux, peu doué, instable et aux manières douteuses. L'aspect n°2 considère le n°1 comme une charge ingrate, alourdie par une quantité de défauts dont les plus graves sont le manque de compréhension et d'ordre, en particulier en ce qui concerne la philosophie et la religion. Ce n°2 n'est pas vraiment un "caractère" mais plutôt une sorte de "vision totale", et dépourvue d'indulgence, de la nature humaine. Cette vision voudrait s'exprimer mais elle répugne à le faire par l'intermédiaire "épais et obscur" du n°1. Un autre aspect, qui me semble très intéressant du n°2, car il annonce déjà le Jung de la maturité,  est qu'il "se sentait en secret accord avec le Moyen Âge."

   Arrivé à la fin de ses études secondaires Jung se trouve psychologiquement dans une situation critique qu'il décrit ainsi : "Quand le numéro  2 prédominait, le numéro 1 était enfermé en lui et suspendu ; inversement le numéro 1 considérait l'autre comme un royaume intérieur obscur." Il frôle le précipice d'une dangereuse dissociation de la personnalité quand, quelques mois après, il fait un rêve "inoubliable "et salvateur (ma vie, p.110):

"C'était la nuit, à un endroit inconnu. Je n'avançais qu'avec peine contre un vent puissant soufflant en tempête. en outre il régnait un épais brouillard. Je tenais et protégeais  de mes deux mains une petite lumière qui menaçait à tout instant de s'éteindre. Or il fallait à tout prix que je maintienne cette petite flamme : tout en dépendait. Soudain j'eus le sentiment d'être suivi ; je regardais en arrière et perçus une gigantesque forme noire derrière moi. Mais, au même moment, j'avais conscience que - malgré ma terreur - sans me soucier de tous les dangers, je devais sauver ma petite flamme à travers nuit et tempête."

 Ce rêve fut déterminant car il lui trouva un sens qui le guida jusqu'aux débuts de l'âge mûr. Il facilita son insertion dans la société et augmenta sa capacité de décision. Il comprit que sa personnalité n°1 portait la lumière et que la n°2 la suivait comme une ombre. La petite flamme, c'était sa conscience, l'unique et le plus précieux trésor en sa possession. Sa mission, à cette période de sa vie, était de de conserver cette flamme, si petite et si fragile par rapport aux puissances de l'ombre. Il lui fallait aller dans le monde de la surface, un monde qui ne veut rien savoir des secrets insondables des profondeurs, et s'y consacrer aux tâches quotidiennes. Cela représentait un lourd sacrifice pour ce jeune homme d'un caractère introverti qui se voyait contraint d'aller vers l'extérieur.  

   Jung choisit donc d'écarter sa personnalité numéro 2. Cependant, preuve que son cheminement était déjà amorcé, c'est avec une belle maturité qu'il comprit que renier complètement ce côté serait une "automutilation".  Le n°2 devint flou, mais il s'installa définitivement à l'arrière plan de sa vie.

   A la lecture de vos notes ou de vos commentaires,  je pense que certains se retrouveront plus ou moins dans cette double personnalité de Jung.

         Ariaga
 

 

 

 

 

 

15/01/2008

Les rêves de Nietzsche-Zarathoustra

   Avant de vous donner les résultats, sur le plan de la psychologie des profondeurs et de la philosophie de la nature, des longues recherches de Jung dans les ouvrages alchimiques, j'ai envie de vous parler des rêves du Zarathoustra de Nietzsche. En effet, quand Zarathoustra rêve il est certain qu'il s'agissait pour Jung d'une projection des songes de Nietzsche lui-même. Et quand on sait l'influence que Nietzsche a eu sur Jung, influence dont je vous parlerai dans quelque temps, évoquer ces rêves est aussi montrer une des racines de  la fascination de Jung pour le rêve.
   Les rêves de Zarathoustra sont racontés dans trois textes d'une grande beauté : "Le prophète" (p. 275sq), "l'heure du suprême silence" (p; 295sq), "des trois maux" (p. 369sq).  J'utilise toujours la traduction de G. Bianquis mais j'ai oui dire qu'il en existait une plus récente que j'espère bien recevoir un jour en cadeau. (discrète incitation à mes proches...). 
   L'importance que Nietzche-Zarathoustra accordait aux rêves et à leur interprétation se manifeste au moment où Zarathoustra, se réveillant d'un sommeil profond, est navré de voir son rêve "retenir en lui son sens caché" au lieu de le laisser librement prendre son essor. Il demande alors à ses amis de l'aider à en deviner le sens et c'est, très symboliquement, le "disciple qu'il aimait entre tous" qui interprète son rêve. 
   Les rêves de Zarathoustra font entendre une grande voix que j'imagine comme étant celle du Soi et cette voix énonce des phrases essentielles et prophétiques :
   "Qu'importe ta personne Zarathoustra, dis -la parole que tu portes en toi puis brise-toi"...
    "Et pour la dernière fois la voix me dit " O Zarathoustra, tes fruits sont mûrs, mais toi tu n'es pas mûr pour tes fruits."
On peut interpréter le "tu n'es pas mûr"comme une constatation du Soi . Même si tous les éléments fournis par l'inconscient sont présents et pourraient conduire le Zarathoustra Nietzsche vers un accomplissement de sa totalité conscient- inconscient, il n'est pas suffisamment "conscient" pour mener ce travail à son terme. Ceci semble assez prophétique de la folie où il devait sombrer. .  
  Dans le dernier songe, au moment de  "l'ultime rêve de l'aube", Zarathoustra sur un promontoire au delà du monde tient un balance et pèse le monde :
   Mesurable pour quiconque a le temps, pensable pour un bon penseur, accessible aux ailes vigoureuses, déchiffrable aux divins déchiffreurs d'énigmes : tel m'apparut le monde en rêve." 
Et il interprète lui même son rêve comme une acceptation du monde tel qu'il est :
   Ni assez énigmatique pour effaroucher la tendresse humaine, ni assez catégorique pour endormir la sagesse humaine - une bonne chose, une chose humaine : tel me semblait le monde ce matin, ce monde dont on dit tant de mal.
Que de Grâces j'ai rendu à mon rêve d'avant l'aurore, qui, dès l'aube ce matin, m'a permis de peser le monde ! il est venu à moi comme une bonne chose, une chose humaine, ce rêve consolateur. "
  Ce ne sont pas seulement les songes, c'est tout le Zarathoustra qui ressemble à un grand rêve éveillé ; une sorte de récit inconscient mettant en scène des archétypes universels tels ceux du Vieux Sage, du briseur d'idoles ou de l'enfant créateur.  Le Zarathoustra fut une sorte de boîte de Pandore contenant tous les éléments propres à susciter l'enthousiasme ou la défiance d'un Jung dont je vous raconterai la fascination répulsion envers une oeuvre et un auteur qui l'accompagnèrent pendant tout son cheminement.
   Pour finir, je vais vous proposer un rêve de Nietzsche lui même, cité par Jung dans Métamorphoses de l'âme et ses symboles.
Nietzsche, au cours d'un dîner de la société Bâloise était assis à côté d'une jolie dame. Il lui raconta le rêve suivant :
   "J'ai récemment rêvé que ma main qui était posée devant moi sur la table acquit soudain la transparence du verre ; je voyais nettement en elle le squelette, le tissu,le jeu des muscles. Tout à coup, j'aperçus sur elle un gros crapaud, en même temps que quelque chose d'irrésistible me poussait à avaler l'animal. Je surmontais mon atroce répulsion et je l'avalais ".
   Il paraît que la jeune femme se mit à rire et que Nietzsche en fut très attristé. Elle n'avait peut-être pas compris que son voisin de table, toujours habillé avec une parfaite correction, venait de lui ouvrir une porte sur les profondeurs de son inconscient, et l'intimité d'un secret dégoût.
  Ce songe revint souvent hanter Nietzsche et, selon Jung , le crapaud dont il avait souvent rêvé avec l'angoisse d'être forcé de l'avaler, ne put jamais, psychologiquement parlant, être dégluti par le philosophe.
  Faites de beaux rêves...
       Ariaga
 

09/01/2008

C. G. Jung reçoit l'enseignement des rêves

( Suite de la note précédente )
   Comme pour tous les choix essentiels de son existence, Jung reçut des rêves un enseignement l'incitant à s'intéresser à l'alchimie. Il ne les comprit pas plus, à l'époque où ils survinrent, qu'il ne comprit la connotation alchimique du Faust de Goethe.
   Rappelons, dans son enfance, la vision de la cathédrale de Bâle, à partir de laquelle se posera pour lui le problème de l'homme chrétien et de l'ambiguïté divine, problèmes latents dans les écrits alchimiques. D'autres rêves survinrent à l'âge adulte. Il en fait le récit, ainsi que leurs conséquences dans Ma vie. Il s'agit de rêves montrant, de manière récurrente, une aile de sa maison ou une construction ajoutée, n'existant pas dans la vie réelle. Il finit, à un moment de cette suite de rêves, par pénétrer dans l'aile inconnue. Il y découvre une merveilleuse bibliothèque dont les ouvrages proviennent du XVI° et du XVII° siècle. Ils contiennent des "symboles singuliers", qu'il n'identifiera que tardivement comme des symboles alchimiques. 
   Le rêve décisif se situe en 1926 (il avait 51 ans). Il est long et j'en ai seulement retenu qu'il se situe dans une vaste demeure seigneuriale aux nombreuses dépendances. Alors qu'il se trouve dans la cour les portails se ferment. Le paysan qui l'accompagne et lui sert de cocher s'écrie  (ma vie p. 237):
" Nous voila maintenant prisonniers du XVII° siècle ! -Résigné je pense : Oui, c'est bien ça ! mais que faire ? Nous voilà prisonniers pour des années ! " Puis il me vient à l'esprit la pensée consolante : un jour, dans des années, je pourrai ressortir."
   Son désir d'interpréter ce rêve l'incite à effectuer des recherches. Il explore de nombreux domaines de la tradition symbolique mais le véritable déclic n'a lieu qu'en 1928 au moment où Richard Wilhelm lui envoie un texte de l'alchimie chinoise : Le secret de la fleur d'or. C'est alors que naît en lui le désir de connaître les alchimistes.  
   Jung commande et reçoit une volumineuse collection de traités en latin. Il se contente, pendant un certain temps, de les garder dans un placard d'où il les sort périodiquement pour les feuilleter, tout en s'exclamant sur leur obscurité et leur stupidité. Mais Jung est un acharné et, petit à petit, des lambeaux de sens émergent de cette "éclatante absurdité". Lentement des connexions se mettent en place, et il découvre qu'il s'agit de symboles. 
   Il se retrouve maintenant en pays de connaissance, lit avec acharnement, jusqu'au moment où lui revient en mémoire le rêve de son emprisonnement au XVII° siècle. Une fois de plus le discours onirique lui a indiqué le chemin à suivre . Il comprend, à ce moment là, que sa voie, pour les années à venir, est d'étudier l'alchimie depuis ses débuts et d'y chercher un fil conducteur en utilisant les mêmes méthodes que celles d'un philologue étudiant une langue inconnue. Il étudie alors la relation entre les symboles et la syntaxe , fait des dictionnaires de mots et de citations. Avec le temps il réunit des milliers de références et de comparaisons. Des volumes et des volumes, représentant un véritable travail de bénédictin.
   Il faudra à Jung plus de dix ans pour que les résultats de ses études sur la symbolique alchimique, et ses possibilités d'utilisation pour l'interprétation des manifestations de l'inconscient, prennent une forme théorique satisfaisante à ses yeux. C'est alors qu'il écrira ses ouvres les plus remarquables. Ceci exprime ma pensée car une grande partie de jungiens purs et durs préfère ignorer la partie alchimique de l'oeuvre de Jung, comme s'il s'agissait d'une aventure poético-mystique un peu fumeuse.
Une fois de plus, après sa dangereuse plongée dans l'inconscient, Jung était sorti d'un labyrinthe : celui bien tortueux et obscur de l'expression symbolique de la pensée alchimique.
(à suivre)
       Ariaga.
 
  
 

07/01/2008

C. G. Jung et le Faust de Goethe

   En ce début d'année je vais commencer un "feuilleton" alchimico-philosophique traitant de la relation de Jung avec la symbolique alchimique. J'aimerais que ceux qui ont un peu de courage aillent lire une introduction à ce sujet que j'avais écrite en Novembre 2006 : C.G.Jung et la chaîne d'or.(Cliquer sur le lien).

   La relation, consciente, de Jung à l'alchimie s'est faite d'une manière tardive. C'est , une fois de plus dans Ma vie, qu'il a décrit son cheminement vers ce qu'il considère comme le "pendant historique" de la psychologie des profondeurs. Je pense cependant que, comme pour sa relation avec Nietzche (un autre feuilleton prévu pour cette année 2008), ce lien avec l'univers des alchimistes existait d'une manière latente, bien avant les années trente, années où il commença un long travail de déchiffrage du sens des textes alchimiques qui le "tint en haleine plus de dix ans".

   La relation, indirecte, de Jung à l'alchimie, commence dès l'âge de seize ans à un moment de crise existentielle et spirituelle, quand sa mère, une personne très particulière, un peu effrayante, lui dit subitement cette simple phrase : "il faut que tu lises le Faust de Goethe". Cette lecture fut pour lui un moment miraculeux, un baume sur ses blessures d'adolescent tourmenté. Il trouvait là un homme qui prenait le diable au sérieux et qui voyait la puissance du mal qui enserrait le monde. Cela le changeait de son milieu de pasteurs où l'on ne parlait que du "bon "dieu. Le Faust faisait aussi allusion au grand mystère des Mères qui tourmentait beaucoup le jeune garçon. Le récit de la grande initiation finale demeura pour lui, à la limite de sa conscience, un événement merveilleux et mystérieux. Cette porte ouverte par Goethe le resta définitivement, contrairement à celle que Jung crut avoir claquée, vigoureusement et pour longtemps, sur l'angoissant Zarathoustra de Nierzsche. 

   Il ne se rendit pas compte, à cette époque, du côté alchimique d'une oeuvre au sujet de laquelle il écit dans une lettre de 1955, vers la fin de sa vie (Correspondance, T.IV, p. 65) :

    " La seconde partie du Faust m'a accompagné tout au long de mon existence, mais il y a seulement vingt ans que j'ai commencé à y voir un peu plus clair, surtout par la lecture des Noces Chymiques, livre que Goethe avait certes lu mais qu'il n'a pas mentionné - détail intéressant - parmi les ouvrages d'alchimie qu'il avait découvert pendant son séjour à Leipzig.  ...  il est vrai que goethe n'a à notre connaissance, utilisé qu'une littérature alchimique relativement tardive, et il m'a fallu étudier les ouvrages de l'Antiquité et du haut Moyen Âge pour me convaincre que le Faust dans ses deux partie, représentait un opus alchymicum dans le meilleur des termes.  "

   Il pense que le Faust est entièrement imprégné du mystère de la conjunctio, c'est à dire de la noce chymique. Ce ne sont d'ailleurs pas, à son avis, les ouvrages lus, oubliés ou non par goethe, qui ont fourni au Faust cet  arrière plan alchimique, mais des émergences du courant souterrain perdurant depuis Hermes Trismegiste, sous la forme de la chaîne d'or. Ces racines profondes lui semblent expliquer l'" effet de numinosité " produit par le Faust.  Le jeune Jung fut certainement sensible à cet effet de numinosité ; un lien intérieur fort, longtemps invisible, s'établit ainsi entre Jung et l'alchimie par l'intermédiaire d'un Goethe sont le Faust a été l'opus magnum, le grand oeuvre. 

(à suivre)

       Ariaga.