18/01/2010
Les prisonniers du temps
Le temps est un sujet qui semble vous intéresser, si j'en crois les riches commentaires sur la citation de la note précédente. Beaucoup de choses ont été dites, mieux que j'aurais su le faire. Je vais quand même tenter d'aborder le sujet, le plus simplement possible, au risque d'enfoncer des portes ouvertes. Je ne pense pas qu'une note suffira...
Il y a probablement autant d'idées du temps que d'individus, alors il faut faire un choix et j'en ai choisi trois qui me permettent de mettre un peu d'ordre dans mes idées : Le temps fictif, le temps-présent unique, et le temps de ce que C.G. Jung appelle la synchronicité. Le temps de la synchronicité est un temps à part, qui met en cause notre manière habituelle de penser la causalité, et dont je parlerai plus tard. Il me reste donc deux temps et je vais tenter de vous les faire ressentir par un exemple : Vous êtes le passager d'une voiture et vous regardez défiler le paysage. Si vous maintenez fixe votre regard, vous voyez sans cesse de nouveaux sites mais si vous fixez un objet immobile, un arbre, par exemple, qui défile par votre travers, c'est le même arbre que vous verrez avec un nouvel aspect et de nouveaux détails au fur et à mesure du défilement. Nous sommes les voyageurs de ce train, nous vivons intimement un temps et chronologiquement un autre temps ; celui dont on nous parle dès l'enfance, celui qui borne notre horizon humain de la naissance à la mort. Nous en sommes prisonniers et tellement tributaires que nous en mourrons. Nous avons un certain degré de liberté vis à vis de l'espace mais nous ne pouvons jamais choisir notre place dans le temps.
Commençons par le temps que j'appelle fictif celui de la corde à laquelle nous nous accrochons pour avancer. Ce que je sais du monde me donne la certitude , sans laquelle il me serait bien difficile de vivre et d'agir, qu'un instant sera suivi d'un autre ; que le moment présent sera changé par les événements en un autre moment et cela pour la succession des temps que j'imagine. J'en déduis une suite linéaire, un axe des temps où tout est fixé nettement. Les intervalles entre les dates peuvent être représentés graphiquement et si un centimétre représente l'intervalle de temps entre 199O et 2000 , un autre centimètre figurera 2000 à 2010. Nous avons besoin d'ordre, c'est rassurant, sinon comment faire des projets dans le temps, prendre des décisions. Mais n'oublions pas que le fait de ranger ainsi d'une façon intelligible, historique, le déroulement des faits, cette extension de l'idée de temps sur l'axe du temps est une opération mentale. Notre regard parcourt cet axe des temps mais ce regard est celui d'un observateur presque étranger à nous-mêmes. Nous somme assis sur la berge et nous regardons couler le fleuve. La seule chose que nous pouvons vraiment ressentir est une succession de changements. C'est la mémoire qui relit pour nous le livre du temps passé et lui donne une sorte de réalité dans le présent. Il en est de même pour le futur. Nous imaginons des événements, nous faisons des prévisions, nous les projetons en quelque sorte sur l'écran de notre imagination en leur attribuant une espèce de réalité objective mais ce futur ne peut être atteint que d'une manière purement psychique. Ce temps des dates distinctes, ce temps, finalement abstrait, sur lequel nous fixons notre attention, ce livre dont nous lisons et relisons les pages est indispensable à notre vie "extérieure" mais nous avons un autre temps plus intérieur, plus intime et c'est celui dont je vous parlerai dans la prochaine note qui suivra celle- ci de très près car je ne pense pas que les deux notes peuvent être séparées sur l'axe du temps...
Ariaga
17:59 Publié dans Nature, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (26) | Tags : écriture, culture, société, philosophie, psychologie, temps
12/01/2010
La création du temps
Paul Valéry n'était pas seulement poéte mais aussi penseur. Certains diraient même philosophe mais j'ai une certaine réticence envers ce terme souvent galvaudé. Il parle de beaucoup de sujets concernant la vie de l'homme, ses relations à l'autre où à la société et j'ai eu envie de vous citer ce qu'il écrit au sujet du temps car cela me me semble devoir susciter pas mal de réflexions.
"Permettez moi de vous indiquer au passage une des plus extraordinaire invention de l'humanité (j'ajoute qu'elle ne date pas d'aujourd'hui) . Je songe tout simplement à l'invention du passé et du futur. Ce ne sont pas là des notions toutes naturelles : l'homme naturel vit dans l'instant comme l'animal. Plus un homme est près de la nature, moins le passé et l'avenir se construisent en lui. L'animal, sans doute, ne se sent être qu'entre un minimum de passé et un minimum d'avenir. ... Il en est autrement chez l'homme : par un accroissement, par une généralisation imaginaire de l'instant, par une sorte d'abus, l'homme, créant le temps, non seulement construit des perspectives en deçà et en delà de ses intervalles de réaction, mais, bien plus, il ne vit que fort peu dans l'instant même. Son établissement principal est dans le passé ou dans le futur. Il ne se tient jamais dans le présent que contraint par la sensation : plaisir ou douleur. On peut dire de lui qu'il lui manque indéfiniment ce qui n'existe pas. C'est là une condition qui n'est point animale, qui est tout artificielle, puisqu'en somme elle n'est pas absolument nécessaire à l'être. Sans doute ce développement du "temps" peut souvent lui être utile. Mais cette utilité est elle même contraire, en quelque manière, à la nature. La nature ne se soucie pas des individus. Si l'homme prolonge ou adoucit son existence, il agit donc contre nature, et son action est de celles qui opposent l'esprit à la vie.
Essais quasi politiques, p.1024, ed. La Pléiade
J'ai quelques petites idées sur le temps et, comme je n'aime pas rester sur une citation, si cela vous intéresse chers lecteurs, je vous en ferai part dans la prochaine note.
Ariaga
17:22 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (53) | Tags : écriture, citation, philosophie, psychologie, nature, société, culture, valéry
04/01/2010
Prière de l'année nouvelle
Dieu du secret de mon coeur,
cette source qui m'était interdite,
par une loi que j'avais moi même écrite,
laisse moi y boire.
Sur les cendres de ma vie permet que je laisse pousser une rose,
que je vois la fleur plutôt que les épines.
Que je devienne le bois du feu de l'athanor de mon corps
et que cesse la brûlure.
Que chaque jour soit une histoire
rose ou noire, peu importe.
Que moi, petite goutte dans l'Océan,
devienne bulle et éclate de joie dans la lumière.
Que le soir venu,
oublieuse des pourquoi et des portes,
je sois emportée dans le courant du vent de l'Amour vaste,
pour y danser sans tête ni pieds,
au son de l'orchestre de la Nature.
Que, après des temps, il me soit accordé,
le retour d'un même pas tout à fait le même,
pour que je perfectionne encore et encore
l'Oeuvre d'une vie.
Ariaga
12:25 Publié dans amour, Nature, Philosophie, photo | Lien permanent | Commentaires (67) | Tags : écriture, poésie, nature, spiritualité, prière, photo
24/12/2009
Voeux de paix et d'amour
Je vous souhaite à tous, en cette période de fêtes et de renouveau de la lumière, d'avancer joyeusement sur la voie la meilleure pour vous et pour les autres. D'oublier les épreuves et de voir chaque jour comme une oeuvre de beauté. Que votre coeur soit rempli de paix, de force et surtout d'Amour.
Je vous embrasse amis lecteurs, connus ou inconnus.
Ariaga
16:33 Publié dans amour, blog et quotidien, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (51) | Tags : écriture, blog, fêtes, amour, spiritualité, photo
30/11/2009
Note de musique
Parfois je m'interroge...
Dans le chaos bruyant qu'est souvent notre vie, quand nous tentons de nous faire entendre à travers la boule de verre de l'indifférence, quand nous nous cognons contre les parois comme un papillon de nuit, crachant nos mots pour ne pas être dissous par ceux des autres, aurions nous seulement UNE chose à exprimer. J'entends exprimer un peu comme quand on exprime le jus d'un fruit. L'origine de cette manifestation unique serait le Soi, le centre où brûle la lumière, l'énergie , qui nous propulse dans la vie comme une fléche vers un but invisible. Nous serions l'instrument sur lequel se joue une note de musique qui, si nous voulons bien l'écouter attentivement, deviendra de plus en plus forte, de plus en plus aiguë, de plus en plus afutée et percera la sphère du petit moi. C'est NOTRE note, celle qui nous fait uniques dans l'océan de la Totalité. C'est très difficile de suivre ce chemin et de jouer dans le grand orchestre, il faut des vies pour y parvenir et seul l'Amour, au sens le plus vaste peut aider à ouvrir les oreilles de notre coeur.
Ariaga
19:15 Publié dans Pensées, interrogations, aphorismes, Philosophie, poésie | Lien permanent | Commentaires (43) | Tags : philosophie, écriture, spiritualité, amour, musique, photo
25/11/2009
Le chemin en spirale de Dürckheim
"Le Chemin n'est pas linéaire mais en forme de spirale, une spirale penchée où les cercles tombent dans l'obscurité et passent dans la hauteur de la lumière. A chaque révolution, c'est plus lumineux. Son mouvement continuel nous mène de la périphérie vers l'axe, le centre, et du centre vers la périphérie, de la surface extérieure vers la profondeur abyssale du noyau et, de là, à nouveau vers la périphérie. Sans cesse nous nous sentons attirés vers le centre, appelés par lui mais, en même temps, envoyés dehors, au large. C'est le mouvement même du Souffle qui nous habite."
K.G.D DÜRCKHEIM
En cette période où je passe souvent des larmes au rire, de l'ombre à la lumière et où j'ai parfois l'impression d'avoir perdu mon chemin, cette citation trouvée, comme d'habitude, dans un livre ouvert au hasard, hasard qui n'est certainement pas un hasard, m'a apporté une réponse et c'est ce moment privilégié que je veux partager avec vous aujourd'hui.
Ariaga
17:12 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (43) | Tags : écriture, philosophie, culture, spiritualité, dürckheim, science, photo
14/11/2009
Le rire est le propre de l'Homme
Le philosophe Henri Bergson écrit dans Le rire, essai sur la signification du comique : " Il n'y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain. Un paysage pourra être beau, gracieux,sublime, insignifiant ou laid ; il ne sera jamais risible. On rira d'un animal, mais parce qu'on aura surpris chez lui une attitude d'homme ou une expression humaine. On rira d'un chapeau ; mais ce qu'on raille alors, ce n'est pas le morceau de feutre ou de paille, c'est la forme que les hommes lui ont donnée, c'est le caprice humain dont il a pris le moule."
Le rire n'a pas toujours été bien vu dans la Société. Au Moyen Âge, par exemple, il était facilement considéré comme une manifestation diabolique associée au ricanement du diable quand il venait s'emparer d'une âme. Heureusement Rabelais est venu et a proposé , déjà, le rire comme thérapeutique en disant que rien ne pouvait faire plus de bien que de rire en se tapant sur une panse bien remplie. Sur un plan plus spirituel Saint François d'Assise disait : "Un saint triste est un triste saint".
Je me rends compte que je n'ai pas assez ri ces derniers temps et que j'ai eu tort. Comme le pensait Norman Cousin qui se soigna efficacement d'une grave maladie par le rire, ce dernier génère autant d'émotion et d'énergie que les cris et les pleurs. C'est une défense contre les contraintes et les tabous de la société, une libération et aussi un bienfait car faire rire est un acte de bienfaisance en particulier quand, évitant ainsi toute ironie et méchanceté , on fait rire de soi même. J'ai particulièrement ressenti ce rire charitable dont j'ai profité récemment en lisant le livre de Danae, dont je vous reparlerai : Mon tour d'Asie. A la lecture de situations particulièrement loufoques, parfois embarrassantes pour la narratrice, j'ai entendu un grand rire résonner dans ma maison silencieuse. C'était le mien et je vous assure que j'ai pensé avec Chamfort : " La plus perdue de toutes les journées est celle où on a pas ri." J'étais encore loin du "rire des sages", pour celui là je devrai demander conseil à Lung Ta Zen, mais j'avais fait un grand pas sur le chemin. Je vais apprendre à rire de ma tristesse car elle n'atteint pas l'être véritable qui ne peut être que joie d'avoir le privilège d'exister.
Ariaga
17:09 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (62) | Tags : écriture, société, philosophie, culture, psychologie, photo
31/10/2009
Mort et alchimie
En cette période où, dans le laboratoire alchimique de mon temple intérieur , j'expérimente la mort lente de ce qui était une part essentielle de ma vie humaine, ce n'est certainement pas par hasard que, sur la table de nuit-bibliothèque-dépotoir où s'entassent dans le plus grand désordre livres et revues, et aussi des tas de choses inutiles ou usagées, mes yeux se soient fixés sur un livre lu cet êté. Il s'agit d'une espèce de "carnet fantasmes" de Chris-Tian VIDAL intitulé Marrakech, où le mâle m'a dit la Mort ! (Vous aurez tous les détails sur ce livre et aussi de magnifiques chats en cliquant sur le lien) Pourquoi ce livre maintenant a t-il émergé de la pile alors qu'au moment où je l'avais lu je l'avais reçu comme un coup dans le plexus. Probablement parce qu'il touchait quelque chose d'obscur en moi et que, curieusement, quand quelque chose me touche je suis incapable d'en parler imédiatement. Une lente digestion est nécessaire et je dois oublier, laisser mourir, pour que du bouillonnement ne reste plus que l'écume. Cette écume n'est probablement pas ce à quoi pensait Chris-Tian Vidal en écrivant ce voyage psychanalytique mais les livres sont aussi ce qu'ils deviennent pour les lecteurs. Je n'ai pas relu, surtout pas, et même si j'ai de vagues souvenirs de Duras, de Barbara, de la complexité de l'homosexualité, d'un mystérieux analyste, d'une aversion pour l'ordinateur,d'une certaine fascination des mots crus ce n'est pas cela qui a émergé du fatras de ma mémoire. Ce que j'ai ressenti, plus que lu, c'est le sentiment d'une mort alchimique, ce que l'on appelle la nigredo.
La mort alchimique ou nigredo que je vous décrirai mieux, une autre fois, dans sa relation avec la dépression, est parfois décrite par les textes comme un travail du semeur qui enfouirait sa semence dans la terre. C'est l'oeuvre au noir dite aussi "mort noire et putréfaction" . Pendant le Grand Oeuvre survient un moment où la luimière céde la place aux ténèbres et au désespoir. L'alchimiste se rend compte que si la pierre peut exercer une force divine elle peut aussi se transformer en poison mortel. Cette phase qui conduit aux portes de la mort est indispensable à la continuation de l'Oeuvre car, ainsi qu'il est écrit dans le Rosarium ( 1550 ): "Lorsque vous voyez votre matière devenir noire réjouissez vous car c'est le commencement de votre oeuvre." En effet c'est du coeur des ténèbres que renait la lumière et c'est à cela que, ce matin, m'a fait penser le livre de Chris-Tian vidal ; une phase de renoncement , semblable à la mort alchimique, à ce qui faisait votre vie, pour qu'une nouvelle phase de renaissance puisse commencer. C'est pourquoi cette note que l'on aurait pu croire un peu sinistre est finalement pleine de joie et d'espoir.
Ariaga
17:28 Publié dans Alchimie, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (38) | Tags : littérature, écriture, alchimie, psychologie, philosophie, culture, photo
23/10/2009
Connaissance et action
" Quiconque acquiert la Connaissance et ne la met pas en pratique ressemble à celui qui laboure son champ et ne l'ensemence pas. Quelle que soit l'importance de ses lectures théoriques, s'il ne les applique pas, il est ignorent. Il n'est ni un philosophe , ni un sage, mais une bête de somme avec un fardeau de livres. Et comment une bête de somme sans conscience peut savoir si elle transporte des livres ou des fagots ? "
Cette citation de Sadi, un philosophe perse du 13° siècle m'interpelle particulièrement en ce moment et je vous la livre pour méditation. Pour ceux qui ne connaissent pas le Laboratoire depuis les débuts, comme j'évite de reprendre des textes déja publiés, je vous invite à lire sur mon autre blog "extraits du laboratoire" (cliquez sur le lien en haut à droite du blog), un texte sur l'anima et l'animus vu par Jung. Je reçois de nombreuses question sur ces concepts souvent mal compris et j'espère que j'apporterai quelques lueurs.
Ariaga
14:48 Publié dans blog et quotidien, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (43) | Tags : écriture, culture, philosophie, spiritualité, livres, photo
13/10/2009
Les épidémies psychiques
Dans le tome III de la Correspondance de C.G.Jung (p.186), ouvert comme d'habitude au hasard, les lignes suivantes m'ont serré la gorge et j'ai entendu dans ma troisième oreille, celle qui est reliée au coeur, un fort bruit de chaînes.
" Les grands dangers qui menacent la vie de millions d'hommes ne sont pas de nature physique, ils ne sont autres que la folie et les méthodes diaboliques qui provoquent des épidémies psychiques chez des masses sans défense sur ce plan là. La pire des maladies ou la plus grande des catastrophes naturelles (tremblement de terre, raz de marée, épidémies) sont sans commune mesure avec le danger que l'homme peut être aujourd'hui pour l'homme. "
Jung avait 77 ans quand il écrivait ces lignes en 1952. Elles me semblent toujours d'actualité car je pense que nous sommes infectés, manipulés, par des virus s'attaquant insidieusement à notre liberté de penser, même si cette liberté originelle demeure. Il faut être très fort pour résister et, une fois de plus, ce sont les maltraités de la société qui subissent cette pollution mentale.
Des exemples de manipulations ? en voici quelques uns :
L'exploitation des peurs et des haines irrationnelles.
L'utilisation de la pauvreté et la création de besoins inutiles qui augmentent cette pauvreté.
Les sondages truqués, les rumeurs dans les médias, en particulier internet, les publicités mensongères.
... et bien d'autres qui, j'en suis certaine, vous viendront à l'esprit.
Il avait raison ce cher Carl Gustav.
Ariaga
14:34 Publié dans Jung et la psychologie des profondeurs, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (55) | Tags : société, philosophie, culture, jung, écriture, politique, citation
28/09/2009
L'enfant et l'univers
Sur la plage, tout vibrant d'étonnement devant le monde qui s'offre à lui, l'enfant contemple une mare enfermée dans sa frontière de rochers. Il ne voit pas les limites, seulement ce lieu enchanté où s'agitent crevettes et minuscules poissons, où le soleil joue avec l''eau. Il pénêtre cette mare de tout son regard et pour lui cette petite surface d'eau de mer abandonnée par la marée est aussi importante que tout l'univers. Elle est l'univers.
Redevenir cet enfant émerveillé, oublier les questions et les portes...
Ariaga
09:51 Publié dans Nature, Philosophie, photo, poésie | Lien permanent | Commentaires (72) | Tags : écriture, poésie, nature, photo, spiritualité, enfant, philosophie
22/09/2009
Une leçon d'humilité
Certains d'entre vous connaissent mon habitude d'ouvrir, chaque matin, un livre au hasard. Philosophie, alchimie, poésie, fiction, tout est bon. La vie, cruelle en ce moment, est comme une tempête de sable qui balaye tout sur son passage y compris ma présence sur les blogs mais cette habitude matinale a subsisté comme un arbre bien enraciné. Il s'agissait aujourd'hui d'un texte de Maître Eckhart dans son Instruction spirituelle dont la lecture m'a frappée comme un véritable message et m'a décidée à écrire à nouveau sur ce blog.
"Les gens ne devraient pas toujours tant réfléchir à ce qu'ils doivent faire, ils devraient plutôt penser à ce qu'ils doivent être. S'ils étaient seulement bons et conformes à leur nature, leurs oeuvres pourraient briller d'une vive clarté. Si tu es juste tes oeuvres le sont aussi. Ne pense pas mettre ton salut sur un "agir" : c'est sur un être qu'il faut le placer."
Ces mots m'ont fait penser à l'humilité, dont Maître Eckhart dit qu'elle est "la racine de tout bien et de tout ce qui l'accompagne" car j'ai compris que je manquais justement d'humilité. Je gravis douloureusement des marches mais je vois seulement l'arbre solitaire que je deviens sans voir les fleurs qui continuent à pousser pendant mon ascension. Je ne pense qu'à mon impossibilité à agir sur de dures réalités , j'oublie d'être et, surtout, je me fais une trop haute idée de ce que dois être mon action. Cela s'applique au blog. Si j'arrête d'écrire, c'est parce que je pense ne pas avoir la force d'êcrire des textes dignes de ce blog et de ses lecteurs. C'est là que je manque d'humilité. Mon silence est orgueil, peur de ne pas être à la hauteur mais à la hauteur de quoi. De quelle "mission" me suis-je crue investie en tentant de faire connaître à quelques lecteurs Jung ou l'alchimie ou une certaine forme de spiritualité ou ma poésie ou mes photos. Beaucoup d'autres le font mais j'avais placé assez haut la barre de l'exigence. Manque d'humilité sanctionnée par l'arrêt de l'écriture quand je ne pouvais être à ce "niveau" imaginaire et ridicule.
Dorrénavent, je ferai de mon mieux, je verserai ici ce qui se présentera. L'essentiel est que l'athanor recommence à être alimenté. Dans deux jours ce sera le troisième anniversaire du Laboratoire. Il aurait été triste qu'il advienne avec un blog en suspens.
Je vous embrasse tous, amis connus et inconnus et je vous remercie pour le soutien que vous m'avez apporté avec vos commentaires.
Ariaga
16:11 Publié dans blog et quotidien, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (65) | Tags : blog, philosophie, société, spiritualité, anniversaire, écriture, photo
21/06/2009
Alchimie et psychologie de l'inconscient
( suite de la note précédente )
C'est C. G. Jung lui même qui expose, de la manière la plus pertinente, les apports de l'alchimie à la partie théorique de son oeuvre. Il en donne une " quintessence " dans un passage de l'épilogue de Mysterium conjunctionis, son ouvrage entièrement consacré aux racines et à l'évolution de la symbolique alchimique.
L'Oeuvre cherche à réconcilier des éléments contraires dont l'incompatibilité est perçue sur un plan à la fois psychique et physique ce qui permet de dire qu'elle s'étend à " la Nature toute entière " et cela jusqu'au fumier, à la substance vile et méprisable qui peut se métamorphoser en pierre philosophale. Or, l'expérience clinique de Jung lui a montré que, dans les rêves et les phantasmes, on retrouve les paradoxes et les symboles obscènes qui avaient, à la fois, iluminé et égaré l'esprit de l'alchimie. Cette résurgence conduit Jung à se demander s'il faut rejeter ces productions oniriques dans les mêmes oubliettes que les soi disant absurdités des alchimistes, ou bien entreprendre des recherches en suivant l'exemple de leur patient travail ; ceci avec l'espoir de trouver, au sein de ce matériau, un fil conducteur. Jung écrit :
" Nous sommes aujourd'hui en mesure de voir à quel point l'alchimie a préparé les voies à la psychologie de l'inconscient et cela de deux manières : tout d'abord en léguant sans le vouloir, dans l'amoncellement de ses symboles, un matériel de représentations symboliques d'une extraordinaire valeur pour les méthodes d'interprétation moderne, et ensuite en indiquant, par ses essais délibérés de synthèse, des processus symboliques que nous découvrons dans les rêves de nos patients. "
La démarche alchimique, pense Jung, représente symboliquement celle d'un individu isolé dans son cheminement vers l'individuation. Il y a cependant une différence notable : quelle que soit la richesse des représentations, elles sont limitées. Les observations individuelles montrent une phase, un aspect, du processus. Ceci a été pour lui un obstacle majeur et explique qu'il ait attendu tant d'années avant de théoriser ses découvertes empiriques. Il a acumulé énormément de matériaux, fournis par les textes alchimiques et les rêves, pour tenter de généraliser les représentations du processus d'individuation. Ce travail titanesque n'a été effectué par personne d'autre. Dans les dernières lignes du Mysterium conjonctionis, Jung résume ces longues années de recherches :
" Il n'existe pas, dans la sphère de mon expérience, de cas offrant un caractère assez général pour manifester toutes les variations et avoir, par suite, valeur de paradigme. ... C'est pourquoi l'alchimie m'a rendu le service inapréciable de m'offrir ses matériaux dont le volume propose à mon expérience un champ d'action suffisant, et cela m'a procuré la possibilité de décrire le processus d'individuation sous ses principaux aspects. "
Parmi les commentateurs et disciples de Jung, beaucoup rejettent la partie de son oeuvre consacrée à la symbolique alchimique. On la dit illisible, mystique et je ne sais quoi encore. Je crois surtout que la somme de travail demandée pour acquérir son degré de culture et de compréhension leur fait peur...
Ariaga
15:53 Publié dans Alchimie, Jung et la psychologie des profondeurs, Philosophie, photo | Lien permanent | Commentaires (44) | Tags : écriture, philosophie, nature, culture, jung, rêves
15/06/2009
C.G.JUNG et l'individuation
J'ai envie de revenir aujourd'hui sur la proposition que nous faisait C.G.JUNG de cheminer vers cette réalisation de soi qu'il appelait l'individuation. C'est dans son ouvrage Dialectique du Moi et de l'inconscient qu'il parle de la manière la plus claire de cette voie de l'individuation. Cette voie nous propose un chemin de vie dont le but est de devenir un être vraiment individuel en réalisant notre Soi dans ce qu'il a de plus personnel, de plus rebelle à toute comparaison. Pour suivre ce chemin il est nécessaire de se débarasser de tout excédent de bagages, de tout vêtement superflu, en particulier du déguisement social et des fausses idées que l'on se fait de son importance. Je dirais que, symboliquement, il faut voyager nu.
On ne doit pas confondre individuation et individualisme. L'individualisme, sous prétexte de particularités de l'individu, le met à l'écart de la collectivité et le dispense de ses devoirs envers autrui. Il est au dessus du panier. L'individuation, au contraire demande un "accomplissement meilleur et plus complet des taches collectives d'un être". Accomplir sa nature d'être est aux antipodes de l'égoïsme.
Le processus d'individuation, vu par Jung, s'accomplit avec des fonctions et des qualités qui sont de nature universelles. Ces fonctions sont utilisées pour faire d'un individu donné "l'être que, une fois pour toutes, et en lui même il doit être", en lui permettant d'atteindre son unicité par un mouvement de "centroversion" vers un lieu, l'inaccessible étoile, où se concentrent, en un mélange comparable au mélange parfait des alchimistes, la totalité des contenus du conscient et de l'inconscient. Atteindre l'individuation serait donc rentrer en possession de sa propre totalité unifiée, là où se résorbe l'antagonisme entre le conscient et l'inconscient. Notons que Jung parle d'une "voie, de "tendre vers". C'est le cheminement qui est important, le but, la totalité, étant au delà de toute possibilité de représentation. En effet, sa re-présentation à la conscience ferait aussitôt éclater la totalité en dualité. Il s'agit là d'une voie difficile, tout aussi problématique que la dernière phase du Grand Oeuvre des alchimistes.
La suite dans la prochaine note.
Ariaga.
16:55 Publié dans Alchimie, Jung et la psychologie des profondeurs, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (37) | Tags : écriture, culture, société, philosophie, alchimie, psychologie, jung
23/05/2009
Rûzbehân et la mystique de l'amour
Je suis retournée, probablement pour apaiser mon chagrin, vers " Le Jasmin des Fidèles d'amour " de Rûzbehân un soufi-poéte-penseur-philosophe,visionnaire iranien du XII° siècle. La préface et la traduction sont de Henry Corbin. (Éditeur Verdier, collection Islam spirituel.) Il est dit dans cet ouvrage, que Dieu mène en ce monde les "Fidèles d'amour"(comparables aux fedeli d'amore, les compagnons de Dante) par des degrés qui vont de l'amour humain à l'amour divin. Qu'il ne s'agit que d'un seul et même amour. Ceci est très simplifié et correspond à mon "humeur" du moment. Je vous propose quelques citations :
" Le secret de la divinité est dans l'humanité, sans que la divinité subisse le trouble et le dommage d'une incarnation. La beauté dans la créature humaine est le reflet de la beauté de la nature divine. Avec moi commence la Création ; en Dieu elle trouve sa consommation. "
" Tantôt c'est l'âme qui est ton symbole, et tantôt c'est toi qui es le symbole de l'âme ...
Si aucun oeil n'a jamais vu la trace de la forme de l'âme
Voici que sur tes lèvres est visible le symbole de l'âme. "
Et la plus célébre sur ce qui est exigé des Fidèles d'amour :
" Tantôt elle est dans les pleurs, tantôt elle est dans les rires ; tantôt ardente de feu, tantôt vibrante de musique ; tantôt la substance même de l'argile humaine est consummée par le feu de l'amour et tantôt le luth de prééternité accompagne la psalmodie. Tantôt dans l'ivresse mentale, tantôt dans la lucidité, tantôt abolie à soi même. Tantôt dans l'angoisse, tantôt dans l'exultation ; tantôt dans la crainte, tantôt dans l'espoir ; tantôt dans la séparation, tantôt dans la réunion. Pas d'étape où faire halte quand elle est séparée ; pas même de séjour à demeure, lors de la réunion. Voilà ce qui est exigé d'un Fidèle d'amour que Dieu mène en ce monde par les degrés de l'amour à l'ascension de l'amour divin ; parce que dans les jardins de l'amour, il ne s'agit que d'un seul et même amour, et parce que c'est dans le livre de l'amour humain qu'il faut apprendre à lire la règle de l'amour divin. "
C'est beau n'est-ce-pas ?
Ariaga
15:09 Publié dans amour, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (39) | Tags : écriture, culture, amour, philosophie, spiritualité, photo