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14/06/2007

Organisation et harmonie par le Soi

(suite et fin)
Aujourd'hui dernière note de cette petite "suite" pour terminer une première approche du Soi inspirée et "méditée" à partir de la pensée de C. G. Jung. Le Soi sera, bien sur, contemplé à la lumière d'autres éclairages, en particulier alchimiques et iconographiques mais un peu de repos et de réflexion seront nécessaires aux différentes étapes du voyage. 
 
   Le Soi junguien n'est pas seulement générateur de représentations de la totalité, comme on a pu le voir à la  lecture des deux citations de Jung, il est aussi, peut-être même surtout, une " forme surordonnée qui incarne la totalité humaine ", une unicité qui unit en elle tous les contraires. Cette totalité surordonnée est un ordre au dessus de l'ordre conscient. Un ordre naturel, différent de l'ordre du Moi, caractérisé par une unilatéralité qui est une tendance de l'individu à voir les choses sous un seul angle et à les ramener, chaque fois qu'il le peut, à un seul principe qu'il prend pour l'ordre universel. 
   La totalité surordonnée, comme l'appelle Jung, est nécessaire à l'intégration harmonieuse de ce qui apparait absurde au Moi.  Cette intégration harmonieuse s'effectue grâce au Soi organisateur  qui dirige un processus d'incessante transformation et adaptation.  Cette importante fonction du Soi comme lieu d'interaction et d'organisation, est clairement montrée par Jung qui parle de "l' énorme signification du Soi comme ordonnateur et organisateur de la personnalité " C'est aussi le Soi qui, en tant que principale dominante de l'inconscient collectif, oriente l'aspiration du conscient vers la totalité. Jung écrit (p. 53 du T.IV de la Correspondance) :
   " Je dirai ici que la résistance de l'âme cesse lorsque nous pouvons renoncer à être centrés sur le Moi, et que le Soi (conscience + inconscient) nous recueille dans sa plus vaste amplitude, où nous sommes alors " entiers " et du fait de notre relative totalité, proches de la Totalité véritable, c'est à dire de la divinité."
   La nature du Soi est d'être un lieu où l'opposition des contraires est suspendue et son but de proposer un programme permettant à chaque individu de s'adapter, dans la mesure du possible, aux circonstances. La visée du Soi est la Totalité et le processus qu'il va proposer, en particulier par l'intermédiaire des rêves sera l'individuation.
   Il est tout à fait essentiel que la relation entre le Soi et le moi reste harmonieuse. En effet, l'assimilation du Moi par le Soi, ou le fait que le Soi soit assimilé au Moi, conduisent tous deux à un état de déséquilibre et d'inflation. Quand le moi tend à se dissoudre dans l'océan de la totalité où réside le Soi, il perd tous ses repères dans l'espace et le temps, ce qui entraîne une " véritable catastrophe psychique ", aux dires de Jung. Le problème inverse survient quand l'importance accordée à la personnalité individuelle et au monde conscient prend de telles proportions que l'inflation du Moi ne peut être réduite que par une dose raisonnable d'ajouts de rêves, d'imaginations , bref, de contenus de l'inconscient. Dans tous le cas le remède que Jung préconise pour éviter les nombreux dangers d'assimilation (je dirais même de dévoration) est la modestie...
   L'expression symbolique du Soi est illimitée, mais on observe certaines fréquences. Il est souvent projeté sur des personnages qui ont de l'autorité et du prestige, ou sur des entités supra individuelles. Dans de nombreuses cultures et mythes, le représentant du Soi revêt l'aspect d'une divinité. Ce fait procure une explication plus valable que l'accusation faite à Jung de " mysticisme " (personnellement ce terme ne me dérange pas, mais cela déplaisait à Jung) au sujet de l'utilisation dans ses écrits de la même symbolique, qu'il fasse allusion au Soi ou à l'image de Dieu. Mais je pense que la relation entre le Soi, l'image de Dieu et la relation " personnelle " de Jung à la divinité restent à clarifier. 
       Ariaga
 

13/06/2007

Présentation du Soi par C. G. Jung

Suite de la note précédente.
  Qui mieux que C. G. Jung lui même peut donner une présentation de la RE-présentation du Soi. C'est pourquoi,  aujourd'hui, je vais m'effacer devant deux citations. Pour Jung, l'hisoire de l'archétype central est dominant, le Soi, commence avec l'apparition mythologique du motif des dieux, des hommes dieux et des rois. Les humains ont ressenti le besoin de nommer, non l'archétype en soi, ce qui est imposible, mais une re-présentation archétypique. La première citation est extraite du tome IV de la Correspondance (p.79) :
 
     "Pour parler chinois, l'archétype est seulement le nom du Tao et non le Tao lui même. De même que les Jésuites ont traduit Tao par "Dieu", de même on peut définir le " vide " du centre comme " Dieu ". le mot " vide " ne signifie pas qu'il y ait un " manque " ou une " absence " mais renvoie plutôt à un inconnaissable caractérisé par une suprême intensité. Ce qui se passe quand je nomme " Soi "cet inconnaissable, c'est seulement que la somme des effets produits par l'inconnaissable a reçu un nom, ce qui ne préjuge en rien de ce qu'il contient en substance. Une partie de mon propre être, de grandeur inconnue, y est certes incluse, mais je ne peux pas, puisqu'elle est l'inconscient, en préciser les limites et l'extension. C'est pourquoi le Soi est un concept limite ddont les processus psychiques n'épuisent pas le contenu, à beaucoup près."
 
   Ce texte, de 1955, demande à être lu et relu et j'en retiens surtout que le Soi est une totalité de l'ensemble conscient-inconscient de la psyché, totalité illimitée, transcendant la conscience  et nos possibilités de cognition et de compréhension.
 Dans les toutes dernières années de sa vie, Jung à écrit un ouvrage passionnant : Un mythe moderne (Idées, Gallimard) qui a pour point de départ les soucoupes volantes. Je vous parlerai de ce livre, un de mes préférés, une autre fois mais j'ai surtout pensé, aujourd'hui à la manière dont "le vieux Jung" se laisse, enfin, aller à son instinct poétique pour nous donner une magnifique description de sa quête du Soi :
 
  "Tous tant que nous sommes, nous épions ce " miroir dépoli "sur lequel défilent les figures d'un mythe obscur, cherchant à en extraire l'invisible vérité.  Tout ce que je puis dire c'est que regardant pour mon compte dans le dit miroir, l'oeil de mon esprit y a discerné une forme ; je l'ai appele Soi, tout en restant parfaitement conscient du fait qu'il s'agit là d'une image anthropomorphe ; nommée par cette expression, cette forme n'est pas pour autant expliquée. Certes, par ce terme de Soi, nous voulons désigner la totalité psychique. Mais nous ne savons, et ne saurions savoir, quelles sont les réalités qui se cimentent dans cette notions."
 
   Vous avez là des sujets de méditation, chers amis connus et inconnus. 
(à suivre)
       Ariaga
 
    
 

12/06/2007

C. G. Jung et l'activation de l'archétype

    Je commence aujourd'hui une sorte de "suites" sur le Soi. Comme je ne veux pas que des esprits malicieux (mais oui, il y en a) disent " cette pauvre Ariaga commence à radoter ", je ne vous raconterai pas à nouveau ce que j'ai dit antérieurement sur les complexes et la représentation archétypique. Je vous conseille donc de faire, par un simple clic,  un tour sur deux notes anciennes :
 
     Parler des archétypes est bien beau mais encore faut-il avoir une chance de les repérer, ou au moins d'avoir conscience de leur action sur notre vie. En effet, celui qui saura identifier les grands archétypes sera moins démuni et "agi" devant la puissance de ces archétypes, susceptibles d'intervenir jusqu'au niveau de l'inconscient personnel  et, comme je vous l'ai dit au sujet des complexes, capables de nous mettre dans un état de grande confusion quand il s'agit d'agir. CE n'est pas l'archétype, "pure nature" qui est responsable de cette confusion, l'archétype est une sorte de "cadre vide", c'est son activation. 
     L'activation de l'archétype survient lorsqu'un individu se rapproche d'une situation ou d'une personne qui est pour lui un RE, un rappel de cet archétype. Les complexes sont donc les plus visibles représentants des archétypes car ils interviennent dans la vie quotidienne. Et il ne faut jamais oublier que l'archétype "activé" ne fait pas partie d'un système mécanique. Il a une valeur affective, qui lui donne un sens par le truchement des émotions ressenties  par chacun.
Un archétype est considéré par Jung comme l'archétype des archétype, c'est le Soi, mais, si vous avez été voir les deux anciennes notes vous devez déja être saturés, alors à demain.
       Ariaga
 
  

 
 
 

04/06/2007

C.G.Jung, un laboratoire vivant de psychologie et d'alchimie

   Comme je l'ai déjà dit notre corps et notre pyché sont semblables au vase des alchimistes et si la Totalité en Soi est irreprésentable il existe cependant un lieu privllégié de cette représentation (j'avais expliqué aux tous débuts de ce blog qu'il s'agit plutôt d'une re-présentation, au sens que lui donne Edgard Morin), ce lieu privilégié étant l'être humain. 

   Devenir un lieu où peuvent se re-présenter les aspects perdus de la totalité, être le champ d'une expérience consistant à "retourner en son être propre", est la tâche à laquelle s'est attelé Jung, et dont il a fait le bilan par cette phrase de Ma vie (p.259) : " J'ai le sentiment d'avoir fait ce qui m'était possible. Naturellement cela aurait pu être davantage et mieux, mais pas en fonction des capacités qui étaient les miennes ".

Voilà des mots que je voudrais bien pouvoir me dire à la fin de ma vie.

   Le corps et la psyché de Jung furent, pour de nombreuses raisons d'ordre biographique, à la fois un lieu de tension entre les opposés, et un lieu de " réception " des messages de l'inconscient. Il semble qu'il avait , plus que d'autres, une prédisposition à percevoir le flot de la vie et à passer sa tête (comme le fait le sujet de l'illustration au début du blog d'Arianil) par un trou donnant sur un " ailleurs ". Il était, en quelque sorte "connecté", ce qui lui faisait dire que, chez lui, "les cloisons étaient transparentes", et lui permettaient d'avoir une meilleur vision sur les processus se déroulant à " l'arrière plan ".

   Explorer l'inconnu est périlleux. Si son corps connut la souffrance, ce fut surtout son esprit qui, en particulier au moment de sa terrible confrontation avec l'iconscient, subit des attaques qui le menèrent aux limites de la mort psychique. Mais sa volonté était aussi forte que son insatiable curiosité. Connaissant les risques, il a, en toute lucidité,accepté d'être le laboratoire, le vase alchimique, où se réalisait le projet d'un inconscient visant à se déployer avec la coopération du conscient. Vous me direz, l'inconscient n'a pas de projets, oui, mais le Soi n'en aurait-il pas un ? C'est une question qui va se poser, si vous continuez à me lire.

   Jung a toujours ressnti un sentiment de parenté, quasiment chamanique, avec les forces de la Nature se déployant en de multiples manifestations concernant aussi bien les plantes que l'"amour cosmogonique". Il s'est, consciemment, laissé emporter par le flot d'une Vie qui le fascinait, tout autant que la mort au sujet de laquelle il avouait posséder un "mythe" et des indications de l'inconscient lui donnant à penser qu'elle pourrait augmenter son degré de re-présentation de la totalité. Il avait probablement tiré les conclusions des visions qu'il eut pendant la grave maladie durant laquelle, en 1944, il flotta entre la vie et la mort. Pendant cette période il devint une sorte d'écran sur lequel furent projetées les images d'une forme de re-présentation de la totalité. 

   Les oeuvres de Jung font, elles aussi partie de sa réalisation globale. Elles furent l'expression extérieure d'une métamorphose intérieure, favorisée par l'attention qu'il porta aux contenus de son iinconscient. Tous ses écrits furent rédigés sous la " pression " d'un " Autre en lui " qu'il considéra non comme un ennemi, mais comme la pièce manquante nécessaire pour qu'il puisse devenir, matière et esprit, une forme d'incarnation la plus complète possible d'une unité de Vie, d'une individuation.

     Ariaga 

 

29/05/2007

C. G. Jung : matière et esprit

   Je me demandais hier si C.G.Jung allait oser franchir le pas de la non séparation entre matière et esprit (psyché). La réponse est venue à la fin de sa vie. En effet, plus Jung a progressé en âge et en réflexion, plus s'est renforcée son hypothèse d'un " unus mundus ", d'un " monde un " où disparaîtrait cette séparation et où régnerait un " ordre fondamental ". Cette théorie s'apparente à l'hypothèse quantique qu'" en arrière " il y aurait un autre niveau, non matériel, de symétrie et d'ordre. Plusieurs textes appuient cette vision junguienne de la totalité. Dans celui-ci que j'extrais de son livre Les racines de la conscience (p.540) on est encore au niveau du "vraissemblable" :

"comme psyché et matière sont contenues dans un seul et même monde, qu'elles sont en outre en continuel contact l'une avec l'autre et qu'en fin de compte elles reposent toutes deux sur des facteurs transcendantaux non représentables il n'est pas seulement possible, mais dans une certaine mesure, vraissemblable, que matière et psyché soient deux aspects d'une même chose".

   C'est plus tard, dans une lettre du tome IV de la correspondance dâtée de 1957, Jung approchait alors des quatre vingts ans, que cette hypothèse prend les apparences d'une certitude :

"Nous avons plutôt toutes les raisons de supposer qu'il doit n'y avoir qu'un seul univers, dans lequel psyché et matière sont une seule et même chose dans lequel nous pratiquons une discrimination aux fins de la connaissance".

Ce monde "un" serait celui des profondeurs ultimes de l'inconscient collectif et appartiendrait au domaine hypothétique de l' " absolument autre ", inconnaissable et irreprésentable, étranger, car la psyché (esprit) et ses contenus constituent pour nous la seule réalité accessible. Cependant, quand on remonte vers la surface, en dessous de la mince pellicule de la conscience, se trouve un lieu où ne règnent ni nos lois ni nos codes mais où certains émissaires des profondeurs peuvent venir en ambassade. Les habitants de ce lieu sont les archétypes. Un réseau de relations, se développant à partir de ces archétypes, va permettre à l'irreprésentable de se présenter au moi conscient, revêtu d'habits convenables et parlant un langage acceptable. On passe ainsi du domaine fantastique le plus obscur aux " rêves, visions et imaginations ".

     Ariaga 

15/05/2007

Nous sommes des humains, pas des dieux

   C. G. Jung pensait que l'amour de la vie, le grand Oui à ce qui est, commençait par l'amour du Moi conscient envers lui même et le souci qu'il a de préserver son intégrité. Les exigence de l'inconscient peuvent être grandes et il risque d'être submergé par la violence des apports extérieurs. Je vous propose cette citation, extraite de la correspondance de Jung (tome IV, p. 216) :

     " Nous sommes des humains, pas des dieux.Le sens de l'évolution humaine réside dans l'accomplissement de cette vie. Elle est suffisamment riche de merveilles. Et non pas dans le détachement de ce monde. Comment puis-je encore accomplir le sens de ma vie, si je me fixe pour but "la disparition de la conscience individuelle" ? Que suis-je sans cette conscience individuelle qui est la mienne ?  Cela même que j'ai appelé le "Soi" n'a d'efficacité que par la médiation d'un "Moi" qui entend la voix de Ce qui le dépasse.

 

        
 

27/04/2007

Dialogue avec Dieu

...Suite des deux précédentes notes.

   Une réflexion, que l'on peut qualifier de "philosophique "commence chez l'enfant à la suite du rêve de la cathédrale et quoi que Jung s'en défende, je crois qu'elle perdurera jusqu'au seuil de la mort. La lecture des ultimes lettre de la Correspondance m'en a persuadée. Il va, très précocement, déduire de son expérience un certain nombre de conclusions qui auront une grande importance pour l'évolution de sa pensée. 

   Tout d'abord, l'évidence des contradictions inhérentes à la nature divine : Dieu, omniscient, connaît toute l'histoire de l'humanité. Et pourtant, il crée des hommes qui ne peuvent échapper au péché. Ensuite, non seulement il interdit ce péché mais il le punit. Y a t-il en Lui une part de cruauté ? Si oui, Dieu n'est pas "tout de bonté". Il montre son autre face, celle de la cathédrale : une face implacable qui ignore ce que les hommes appellent le juste et l'injuste. Il n'apporte ni secours ni réponses. Pire, il peut être l'instigateur d'une situation où un malheureux enfant, torturé par le doute, doit "penser à ce qui est maudit, pour participer à Sa grâce." On est seul devant ses décisions, et on ne peut attendre aucune aide quand se pose un problème vital de choix. La jeunesse, pense le Jung de douze ans, le manque d'expérience, ne sont pas des excuses, au moment de répondre aux exigences de la terrible volonté divine. 

   Ces première conclusions provoquent un grand désarroi chez le jeune garçon qui, dans le milieu de pasteurs où il vit a entendu beaucoup de discussions théologiques. Elles impliquent une mise en cause de sa relation à la religion. Au dessus de l'église, et de son discours théologique, il y a un Dieu vivant, immédiat, tout puissant, qui se moque des traditions sacrées, puisqu'il est capable de démolir sa propre église d'une manière aussi scandaleuse. Ce Dieu peut exiger que l'on renonce à toutes ses opinions pour bafouer la tradition religieuse. Tout cela est assez effrayant.  Après la déception provoquée par sa communion, cérémonie en laquelle il avait mis son dernier espoir, car il pensait que Dieu à cette occasion allait se manifester à lui d'une "manière inouïe"et où il ne ressent qu'un grand vide glacial, il parvient à cette constatation :" J'étais tombé hors de l'église. Cela me remplissait d'une tristesse qui devait assombrir toutes mes années jusqu'au commencement de mes études universitaires."(Ma vie, p.77).

   Si Jung enfant était tombé hors de l'église, son dialogue avec le Dieu biblique de ses pères était loin d'être terminé. Un fil direct relie la scandaleuse vision de la cathédrale, avec un détour par Les sept  Sermons aux morts, à l'étude tout aussi scandaleuse aux yeux de certains (qu'ils soient catholiques ou protestants), que Jung fait de l'"autre face"à l'origine du comportement de Yahvé dans Réponse à Job, une bonne soixantaine d'années plus tard. Ce qu'il écrit sur Yahvé doit être remis dans le contexte de l'ouvrage mais je vous en donne un extrait :"C'est la conduite d'un être essentiellement inconscient, conduite que l'on ne saurait soumettre à des critères moraux. (...) La dualité de l'attitude de Yahvé qui, d'une part piétine sans le moindre scrupule la vie et le bonheur humain, et pour qui, d'autre part, il semble que l'homme doive être un partenaire, place l'homme dans une situation inextricable : en effet, Yahvé Se comporte de façon absolument déraisonnable, à l'image des catastrophes de la nature et autres désastres imprévisibles, et il veut à la fois être aimé, honoré, supplié, et loué comme étant le Juste."(p.59et61)

   On sent, en lisant ces mots par l'intermédiaire desquels Jung exprime son indignation personnelle contre la nature paradoxale de Dieu, la trace indélébile du rêve du Dieu souterrain et de la vision de la cathédrale. Cependant sa colère est constructive. Elle le conduit, dans cet ouvrage, à la constatation qu'une prise de conscience, et la possibilité d'une relation harmonieuse de Dieu avec l'homme, passent par le chemin d'une incarnation christique. C'est parce que Dieu avait besoin de l'homme pour devenir conscient de lui-même et de sa création qu'il a progressivement ressenti la nécessité de s'incarner. 

   Bien d'autres développements sur la relation Dieu-homme, et une réflexion sur les possibilités d'intégration de l'élément féminin à la divinité, sont contenus dans cet ouvrage très personnel. Mais je me suis limitée, au sujet de ces deux rêves et de leur prolongement dans la vie et l'oeuvre de Jung, à montrer la présence au sein de ces rêves "initiaux", d'éléments à l'origine de l'enracinement de sa pensée et de ses réactions émotionnelles futures. J'espère aussi avoir signalé l'importance qu'il faut accorder aux rêves, visions et imaginations des jeunes enfant et pré-adolescents, car ils peuvent avoir une grande influence sur leur futur développement psychique.

   Il est possible que je vous ai "gonflés" avec mon cher Carl Gustav pendant deux semaines. Promis à ceux que je connais pour lesquels Jung n'est pas leur "tasse de thé", je vais aborder d'autres sujets. Si cela "descend" pour le Samedi /Dimanche photo/poésie. 

     Ariaga
 

 

26/04/2007

La face obscure de Dieu

....suite de la noté précédente.

   Après un moment qui est du domaine de ce que Jung lui même appelle l'"illumination", le côté raisonneur et philosophe en herbe du jeune garçon reprend le dessus. L'enfant va passer alternativement d'un sentiment d'infériorité, qui le fait se considérer tantôt comme un "pourceau", pour avoir laissé devenir consciente une telle pensée, contraire à toute son éducation, au statut enviable d'"élu" possesseur d'un grand secret sur la nature divine.

L'interprétation de cette vision a fait partie, comme une ombre, de la trame de la vie de Jung jusqu'à ce qu'il affronte, au moment de sa décision d'écrire Réponse à Job, le fait d'avoir vu, si jeune, la face obscure de Dieu.

   Je laisserai de côté, malgré son intérêt, une interprétation freudienne  sur la sexualité refoulée d'un pré-adolescent, qui se débattrait contre ses pulsions sexuelles et la crainte d'un orgasme solitaire et, après bien des luttes, succomberait à sa pulsion. Le fait d'y associer une redoutable obscénité lui procurerait un trouble sentiment de félicité. Mais cette interprétation n'est pas dans la ligne de la pensée de Jung qui ne s'intéressa jamais au côté sexuel de cette vision. Et il n'avait rien d'un refoulé, sa vie privée le montre. Je pense plutôt qu'il la vécut comme"une rencontre et une confrontation directe avec Dieu", en un moment où il incarnait le rôle du héros acceptant de descendre aux enfers pour remplier sa mission. Il en arriva à la conclusion suivante : lorsqu'une figure divine met à l'épreuve le courage humain, elle peut paraître terriblement cruelle, jusqu'à exiger que soient bafouées les valeurs les plus sacrées. Le fait qu'il s'agit d'une vision ajoute à l'impression que dut avoir le jeune garçon de commettre une faute irréparable. Le rêve est reçu pendant le sommeil par un rêveur qui peut se considérer comme non responsable du contenu de ses songes. Cette vision est une vision acceptée, consciente, regardée dans un état proche de l'éveil. Une attitude héroïque, allant jusqu'à l'acceptation de la perte de l'âme, a alors été assumée par le jeune Jung qui, pour la première fois, commençait à incarner ce qui sera son"mythe"jusqu'au "grand rêve" de la mort de Siegfried en 1914 où il "tuera" l'image héroïque qu'il projetait sur Freud. Demain, suite et fin, courage cela sera peut-être un peu plus long que d'habitude.

     Ariaga
 

24/04/2007

L'inacceptable vision du jeune Jung à la cathédrale de Bâle

   Après vous avoir raconté et, dans la mesure du possible commenté, un rêve de la petite enfance de C. G. JUNG, je vais maintenant faire connaître à ceux qui ne l'auraient pas lue dans Ma vie, une vision terriblement marquante survenue alors qu'il avait douze ans. Pour Jung, la différence entre rêve et vision réside dans le fait que la vision est brève (on pense au "flash" des voyants) et représente une forte coopération entre le conscient et l'inconscient dont elle est plus proche que le rêve. Mais Jung lui donne la même signification sur le plan d'une émergence de forces inconscientes dont la vision est souvent une forme d'aboutissement. 

   A l'époque de ce rêve-vision, le jeune Jung vit une période difficile de repli sur lui-même et de maladie quasi névrotique due à l'existence secrète d'une sorte de seconde personnalité qu'il appelle le numéro deux. Les relations entre Jung et son numéro deux sont tout à fait fascinantes et je vous raconterai cela pendant une autre trêve (???) électorale, les législatives par exemple. il s'efforce d'être pieux, mais il est sans cesse torturé par des pensées secrètes, à la fois fascinantes et humiliantes. Tous ces tourments expliquent probablement l'épreuve qui l'attend sur la place de la cathédrale. 

   Par une belle journée d'été de l'an 1887, l'enfant contemple le toit de la cathédrale de Bâle.C'est superbe, le soleil se reflète sur les tuiles vernies. Au-dessus du toit, le ciel est d'un bleu limpide. En surimpression de ce tableau, d'une bouleversante beauté, l'enfant, toujours imaginatif, installe, tout en haut dans le ciel, le Bon Dieu des images, celui qui siège sur un trône d'or dans les rayons du soleil et là...quelque chose se bloque ! l'hagiographie est balayée, une abominable vision a remplacé la pieuse image, abomination au sujet de laquelle il doit impérativement arrêter de penser. Un bienheureux oubli va certainement faire disparaître ce dont l'idée même constituerait le plus monstrueux des péchés, celui qui est pire qu'un meurtre, le "péché contre le Saint Esprit", dont la sanction est la damnation éternelle. Et il y croyait dur comme fer, à cette damnation éternelle, lui dont le père et les oncles étaient tous pasteurs !

   Pendant des jours et des nuits, l'enfant, complètement désemparé, se défend : "Surtout ne pas y penser !surtout ne pas y penser !" Et l'idée interdite s'insinue sans cesse, en particulier quand vient le sommeil, et que les défenses sont amoindries. Il a déjà beaucoup de force psychique et s'interdit de dormir. La troisième nuit, suant d'angoisse et de peur de s'endormir, laissant alors une porte ouverte à la pensée de la cathédrale et du Bon Dieu, il s'avoue vaincu et en toute lucidité décide "il faut que je pense". C'est pourquoi, à la suite d'un raisonnement que je trouve très bien argumenté, il décide que c'est Dieu, lui même, qui l'a mis dans cette situation désespérée, et cela pour tester ses capacités d'obéissance. Il fait alors une sorte de pari pascalien et rassemble tout son courage :

         "Je rassemblai tout mon courage, comme si j'avais eu à sauter dans le feu des enfers et laissai émerger l'idée : devant mes yeux se dresse la belle cathédrale et au dessus d'elle le ciel bleu. Dieu est assis sur son trône d'or, très haut au dessus du monde et de dessous le trône un énorme excrément tombe sur le toit neuf et chatoyant de l'église ; il le met en pièces et fait éclater les murs."

C'était donc cela ! L'enfant épuisé par la tension des derniers jours, verse des larmes de bonheur et de soulagement. Il a fait l'expérience de la volonté de Dieu et au lieu de la damnation, acceptée comme un risque suprême, c'est la grâce qui lui a été accordée. Il a ressenti une "indicible félicité" et une indescriptible délivrance". Cela aurait pu rester comme un moment exceptionnel dans la vie de ce jeune garçon mais Jung était un compliqué et je vous raconterai la suite la prochaine fois.

       Ariaga
 

20/04/2007

L'axe du monde dans le rêve d'enfant de C.G.JUNG

......Suite de la note précédente, elle même suite de la note précédente, c'est la fin !

   En dehors du thème de la  toute puissante Nature je vois dans ce rêve d'enfant la présence d'éléments structurels et symboliques qui accompagnèrent Jung tout au long de sa vie. Par exemple cette descente vers les profondeurs de la terre anticipant la future descente de Jung, ce moment où, dans un état que certains ont qualifié de névrotique, et après de longues hésitations, il se "laisse tomber"dans la profondeur obscure de l'inconscient. Je vous raconterai un jour ce qu'il y trouve et les rencontres qu'il y fait...On observe semblable hésitation chez l'enfant à entamer l'exploration, la même intense curiosité, et le même désir de savoir qui surmonte toutes les paniques. Le germe de la "psychologie des profondeurs" était enfoui dans le sol de ce rêve d'enfance. 

   Sur le plan de l'édification d'une structure, la quaternité terrestre, représentée par l'espace carré, "maçonné dans la terre", l'organisation autour d'un centre, où trône le royal phallus, sont une préfiguration des manifestations archétypiques que l'on rencontre dans les mandalas. Or, on sait que Jung à longtemps cherché "son" mandala à travers ses recherches sur le passage du ternaire au quaternaire et l'évolution du processus de centrage. Il en a dessiné pendant des années, dont certains fort beaux sur le plan artistique. Plus symboliquement, la forme carrée est aussi significative du fait que les préoccupations de Jung devaient se situer au niveau d'une totalité humaine vue comme une réalisation "ici et maintenant". Ceci se concrétisera après sa maladie de 1944, dont la conséquence sera "un oui inconditionnel à tout ce qui "est".

   Le trône royal en or de ce rêve initial est en relation directe avec celui sur lequel est assis Dieu pendant le second rêve d'enfance (rêve fort choquant pour les gens pieux que je vous raconterai bientôt), ce qui accrédite l'idée que c'est une divinité ichtyphallique qui réside sur ce trône. Il ne faut pas oublier que l'enfant, incapable de déterminer l'objet gigantesque qui atteignait presque le plafond, l'avait tout d'abord pris pour un grand tronc d'arbre. Or, l'arbre phallique est directement relié au symbole immémorial de l'"axis mundi" ou axe du monde. Dans l'antiquité, on trouve des représentations de l'axe de l'univers, comme arbre de vie phallique aux racines plongeant dans le monde souterrain et dont le feuillage montait jusqu'aux cieux. On trouve aussi ces représentations dans l'iconographie alchimique. Comme le montre Mircea Eliade dans son ouvrage, Le chamanisme, on observe, de même, cette notion d'axe du monde au centre de la vie du chamane. L'arbre est une communication entre le ciel et la terre, un lieu entre le monde d'en bas et le monde d'en haut. Le chamane escalade l'arbre en une ascension qui le mène, symboliquement, aussi haut dans les ciels successifs que le lui permet sa puissance. L'universalité avec laquelle on retrouve ce schéma à la fois archétypique et symbolique indique qu'il fait partie d'un patrimoine commun de l'humanité et le fait qu'il soit présent au coeur de ce rêve enfantin, montre bien le côté "fondateur" de ce songe. Jung, par ses écrits de la maturité, tentera, comme le chamane, de réunir le monde de la matière et de la psyché.

   Je pourrais encore relever, parmi les éléments de ce récit onirique, plusieurs symboles en relation avec le contexte des préoccupations futures de Jung. Des Junguiens fréquentent ce laboratoire et il faut bien que je les laisse travailler un peu. Et puis, je me suis surtout attachée à rechercher parmi les deux rêves d'enfance de Jung, les racines de sa pensée paradoxale vis-à-vis de la divinité. Vous verrez qu'elles se situent surtout au sein de la terrible vision de la cathédrale de Bâle telle qu'il la raconte dans Ma vie. Le feuilleton n'est pas terminé. A bientôt.

       Ariaga
 

18/04/2007

Rêve d'enfance de C. G. JUNG : la terreur devant l'énorme

.....suite de la note précédente.

Comme je l'ai dit, Jung lui même a interprété son rêve d'une manière détaillée dans Ma vie. Ce que j'ai envie de partager avec vous est l'observation de l'émergence, dès ce rêve, des symboles qui eurent une influence sur sa vie et sa pensée. Si, comme il l'écrivit, la vie est une "plante qui puise sa vitalité dans son rhizome", les racines sont profondes et les jeunes pousses vigoureuses. Les rêves précoces étant issus des "profondeurs de la personnalité", proposent, toujours selon Jung, une sorte de schéma du destin "psychique" de l'enfant.

    Les premières impressions que Jung a gardé de ce rêve ne sont pas restées au niveau des émotions enfantines. Ce niveau mériterait, d'ailleurs, une étude freudienne qui enrichirait certainement l'interprétation mais la réflexion de Jung se situe sur un autre plan et je laisse à des freudiens compétents la liberté de commentaires sur un rêve qui doit être pour eux un "rêve d'école". Les pensées sur ce rêve qui l'obsédait ont été, pense t-il , à l'origine d'une focalisation sur des thèmes essentiels à ses yeux. Les années suivantes, jusqu'à son entrée au collège, furent pour lui une sorte de "mise en terre" initiatique aux mystères de la terre. Dans cette obscurité, la lumière mit longtemps à percer mais des archétypes tels que l'étranger, le sexe, la mère terrible, furent activés.

Tout commence avec la rencontre de ce que Rudolf OTTO appelle le "le mystère qui fait frissonner la créature", le "numineux" ou encore l'"effroi mystique"ou enfin  l'"énorme ", ce dernier terme me semblant le mieux s'appliquer à ce que ressentit l'enfant Jung. Avec cette représentation phallique (dont il ignore consciemment qu'elle est phallique) l'enfant vient de rencontrer un dieu chtonien, souterrain, ancien, un dieu de la Nature, très éloigné des préoccupations métaphysiques affichées par son père et ses oncles pasteurs. Je crois que l'on peut trouver dans ce rêve une première explication, inconsciente, de l'ambigüité future de son attitude envers Dieu.

Dans le contexte culturel de l'enfant, sur le trône d'or du rêve, il y aurait du y avoir le "bon Dieu, ou le Seigneur Jésus Christ, sans cesse loué comme un Dieu d'amour et de bonté. A la suite de ce songe, chaque fois qu'il entendait ces laudatives paroles prononcées avec emphase il avait des doutes. D'abord, il avait déjà une tendance à associer le Seigneur Jésus à ceux que son père enterrait dans un trou noir et dont on disait que "le Seigneur les avait rappelé à eux". Et puis lui revenait à la mémoire l'Autre de son rêve, celui que sa mère avait appelé l'ogre, prêt à descendre  de son trône pour le dévorer. Ce dieu souterrain lui semblait être la contrepartie, l'opposé nécessaire, du Bon Seigneur Jésus. Le problème des multiples visages de Dieu, problème rattaché à la question de la totalité divine, ne sera abordée par Jung, après bien des réticences, que dans Réponse à Job, soixante dix ans plus tard. 

L'idée d'une présence étrangère au conscient, issue des mystérieuses profondeurs  de l'inconscient est, elle aussi, latente dans la question "Qui donc parlait en moi ? qui s'insinue très tôt dans les pensées de l'enfant. Qui pendant le rêve, empruntait la voix de sa mère absente ? D'où venait cette impression de dédoublement, de dialogue intérieur avec une autre personne ? 

Avec les éléments que donne Jung dans ses écrits sur sa relation privilégiée avec la Nature, je crois pouvoir dire sans hésitation qu'il avait, tout enfant, entendu la Grande voix de la Mère de la Nature, celle là même que suivaient et respectaient les alchimistes. La voix lui parle de la terrible lutte entre les pôles opposés masculin et féminin, lutte dont le formidable déploiement énergétique est à la racine de la vie au moment ou se produit la "coopération amoureuse". (à suivre). 

17/04/2007

Le premier rêve d'enfant de C. G. JUNG

Je vais pendant quelques jours vous proposer un "feuilleton" sur les deux "grand rêves" d'enfant de C. G. JUNG. Les junguiens "cultivés qui, naturellement, ont lu Ma vie le trouveront un peu simpliste et penseront que Jung lui même a déjà donné des interprétations mais je cours le risque...de vous intéresser. Et puis, chers amis inconnus, ou un peu connus à travers leurs blogs, vous pensez bien que j'ai quelques idées sur l'interprétation de ces rêves.

 

           Le premier rêve marquant de Jung est survenu alors qu'il avait environ quatre ans. Ce rêve, selon lui, devait le préoccuper "toute sa vie durant". Il est difficile de dissocier ce que ressentit, à l'époque, l'enfant Jung et la symbolique associée pendant des années d'introspection jusqu'aux commentaires de Ma vie. Ce qui compte c'est l'expérience fondatrice véhiculée par ce rêve qui, comme le dit MARIE-LOUISE von FRANZ, "laisse apparaître en son centre un élément mystérieux qui était destiné à devenir l'arrière plan, lourd du destin de sa vie et de son oeuvre." Au cours du séminaire sur les rêves d'enfants que Jung donna entre 1936 et 1940, il fait d'ailleurs remarquer que le premier rêve dont on se souvient contient, souvent, d'une manière symbolique, l'essence d'une vie. Ce rêve, qui fascinait encore Jung à plus de quatre-vingt ans, et que je reproduis dans son intégralité, était le suivant :

"Le presbytère est situé isolé près du château de Laufen et derrière la ferme du sacristain s'étend une grande prairie. Dans mon rêve, j'étais dans cette prairie. J'y découvris tout à coup un trou sombre, carré, maçonné dans la terre. Je ne l'avais jamais vu auparavant. Curieux, je m'en approchai et regardai au fond. Je vis un escalier de pierre qui s'enfonçait ; hésitant et craintif, je descendis. En bas, une porte en plein cintre était fermée d'un rideau vert. Le rideau était grand et lourd, fait d'un tissu ouvragé ou de brocard ; je remarquai qu'il avait une très riche apparence. Curieux de savoir ce qui pouvait être caché derrière, je l'écartai et vis un espace carré d'environ dix mètres de longueur que baignait une lumière crépusculaire. le plafond voûté était en pierre et le sol recouvert de dalles. Au milieu, de l'entrée jusqu'à une estrade basse, s'étendait un tapis rouge. Le siège, véritable trône royal était splendide, comme dans les contes ! Dessus, un objet se dressait, forme gigantesque qui atteignait presque le plafond. D'abord, je pensai à un grand tronc d'arbre. Haut de quatre à cinq mètres, son diamètre était de cinquante à soixante centimètres. Cet objet était étrangement constitué : fait de peau et de chair vivante, il portait à sa partie supérieure une sorte de tête de forme conique, sans visage, sans chevelure. Sur le sommet, un oeil unique, immobile, regardait vers le haut.

La pièce était relativement claire, bien qu'il n'y eût ni fenêtre, ni lumière. L'objet ne remuait pas, et pourtant j'avais l'impression qu'à chaque instant il pouvait, tel un ver, descendre de son trône et ramper vers moi. J'étais comme paralysé par l'angoisse. A cet instant insupportable, j'entendis soudain la voix de ma mère venant de l'extérieur et d'en haut qui criait : "Oui, regarde le bien, c'est l'ogre, le mangeur d'hommes !"J 'en ressentis une peur infernale et m'éveillai suant d'angoisse. A partir de ce moment j'eus, durant plusieurs soirs, peur de m'endormir : je redoutais d'avoir encore un rêve semblable."

Vous pouvez trouver ce rêve dans Ma vie, p. 30 de l'édition de poche. Pour vous donner des pistes je précise que Jung était fils de pasteur.

Dormez bien là dessus, et demain la suite... 

 

10/04/2007

C. G. JUNG et la fonction transcendante

Dans ma petite boite à outils, intitulée Jung et la psychologie des profondeurs : liste des notes déjà publiées destinée à ceux qui me suivent dans ma recherche d'une progression vers un élargissement de la conscience, en suivant les pas de Jung, j'avais oublié un concept important : la fonction transcendante. Je ne ferai, aujourd'hui, que survoler le sujet qui demanderait de nombreuses pages pour être convenablement traité mais, en cette période pascale, je ne veux pas vous faire souffrir ! 

Le cheminement vers la totalité psychique nécessite une ouverture de la frontière conscient-inconscient et cette ouverture n'est pas sans danger. Elle engendre fréquemment des désordres dus à la situation d'unilatéralité provoquée par la prédominance de l'une des polarités. Les plus graves conséquences surviennent si le potentiel énergétique de l'inconscient est trop puissant. Il est essentiel que les forces de cohésion qui structurent et garantissent la stabilité de l'organisation du Moi conscient demeurent intactes.

Jung a déterminé une fonction (à ne pas confondre avec les quatre fonctions psychiques) susceptible de maintenir l'équilibre et d'aider à la progression de la coopération entre les pôles opposés, conscient-inconscient.  Dans l'Âme et le Soi (p.157) il décrit ainsi cette fonction :" La tendance de l'inconscient et celle du conscient sont en fait deux facteurs qui constituent la fonction transcendante. On l'appelle transcendante parce qu'elle permet le passage organique d'une attitude à une autre, c'est à dire sans perte de l'inconscient."

Cette fonction, surtout importante au niveau de l'enseignement donné par les rêves, l ' "'expression la plus aisément accessible des processus inconscients",  est un moteur d'évolution. Elle induit une sorte d'acceptation consciente des contenus de l'inconscient qui est à l'origine de modifications réciproques, issues de la relation conscient-inconscient.  

La fonction transcendante permet un passage , constructif, d'une attitude de méfiance envers l'inconnu, à la reconnaissance du côté compensateur, enrichissant, des contenus de l'inconscient véhiculés par les rêves, visions et imaginations. Une confrontation des points de vue, et l'accord sur ce que Jung appelle une "base moyenne", rendent possible une progression, en quelque sorte motorisée par une tension énergétique, progression au cours de laquelle chacun des points de vue, souvent opposés, de l'inconscient et du conscient, peuvent se conjuguer, tout en conservant leur valeur propre.

La présence d'un analyste est utile pour "médiatiser la fonction transcendante" du rêveur, en l'aidant à interpréter l'expression symbolique du discours du rêve, et surtout en l'accompagnant dans son cheminement vers une réunion du conscient et de l'inconscient, génératrice d'une nouvelle attitude, à la fois sur le plan psychique et sur le plan de la réalisation pratique. L'autonomie et l'organisation du Moi, centre de la conscience, doivent être protégés alors que la persona, son habillement extérieur, peut subir, sans trop de dommages, de profondes transformations. Je pense, cependant, en espérant que Jung me pardonnera, qu'un observateur attentif et prudent de ses propres rêves peut aussi progresser en contemplant ces rêves et en essayant de coopérer avec l'inconscient. Mais il est certain qu'il aura toujours tendance à laisser les préjugés de son Moi prendre le dessus. 

 

 

19/03/2007

C.G.Jung et la psychologie des profondeurs : liste des notes déjà publiées

Avant de nous rendre au coeur du véritable travail de recherche, dans ce "laboratoire", sur ce qu'est l'alchimie spirituelle, j'ai voulu vous donner un aperçu de quelques concepts junguiens. Ceci au hasard de notes, vite lues et vite oubliées. Comme je voudrais dans les semaines qui viennent vous parler du Soi et du principe d'individuation, comparable, chez Jung, au processus alchimique, je vous propose, comme je l'avais déjà fait pour l'alchimie, une liste, de la plus ancienne à la plus récente, de mes précédentes notes. Vous cliquez et vous avez la note qui vous intéresse. Plus facile que de fouiller dans les abysses du blog. Je vous signale aussi que vous avez des renseignements plus détaillés sur des sites "spécialistes" de Jung.

 

Etienne Perrot ou la voie de la transformation 

Pourquoi C. G. JUNG plutôt que S. FREUD

C. G. JUNG et la chaîne d'or 

Les rêves selon C. G. JUNG 

La peau de l'être psychique 

La conscience selon C. G. JUNG 

Le Moi selon C. G. JUNG 

Etienne PERROT et la voie alchimique de nature 

L'ombre éclairée par C. G. JUNG 

Les séries de rêves

Les complexes 

L'inconscient collectif selon C. G. JUNG

Les abysses de l'inconscient 

Le péché 

Psychologie et alchimie 

Archétype et RE-présentation archétypique 

Anima et animus 1/2 

Anima et animus 2/2 

Le symbolisme des nombres 

Jeux de pensées de C. G. JUNG enfant

L'interprétation des rêves selon C. G. JUNG 

L'interprétation des rêves selon C. G. JUNG 2/2 

C. G. JUNG et l'idée de totalité 

Quaternité, nature et fonctions du conscient chez C. G. JUNG 

14/03/2007

Quaternité, nature et fonctions du conscient chez C.G.JUNG

   Je vous avais parlé, il y a déjà quelques temps, dans un texte intitulé Le symbolisme des nombres de la symbolique des trois premiers nombres. Aujourd'hui, pour brièvement en finir avec l'essentiel de l'outillage conceptuel junguien et pouvoir aborder LE sujet qui m'intéresse vraiment, le processus d'individuation et le SOI, je vais "effleurer" l'énorme problème de la quaternité, qui fut la préoccupation essentielle de Jung dans la seconde partie de son oeuvre. Je vous donnerai prochainement un récapitulatif de mes anciens textes sur Jung et je vous signale qu'il y a d'excellents sites qui donnent plus de détails sur les sujets que j'ai brièvement traités. Après nous partirons pour la grande aventure de l'alchimie spirituelle = processus d'individuation = oeuvre alchimique. 

     La quaternité, symboliquement associée au féminin, impose à la pensée ternaire d'une conscience humaine durement acquise, la réalité du monde en tant que Nature.  En effet, dans ce domaine, la quaternité est, comme l'écrit Jung (Aïon, p. 262), le schéma d'ordre par excellence :""Elle représente un système de coordonnées qui est instinctivement utilisé en particulier dans la répartition et la mise en ordre d'une multiplicité chaotique, , comme par exemple la surface visible de la terre, le cours de l'année, le rassemblement d'individus en groupes d'hommes, les phases de la lune, les tempéraments, les éléments, les couleurs (alchimiques)etc. 

   Le quatre est donc le nombre du monde actualisé, par rapport à une totalité originelle irreprésentable. Il fait accéder à la visibilité une Nature dont l'unité fondamentale se manifeste par des doubles oppositions binaires : les saisons, les points cardinaux, les quatre éléments principaux de la chimie organique.

   Si l'on considère, dans la perspective junguienne, qu'au sein de la totalité indifférenciée, matière et psyché étaient intimement liées (bien sur c'est juste une proposition), la quaternité apparaît comme une continuation du déploiement binaire et ternaire à partir de l'unité (dont j'avais parlé dans le symbolisme des nombres), mais avec un retour vers une autre forme de totalité : la totalité "terrestre".

   Sur le plan psychologique, la quaternité, issue d'un inconscient dont les racines les plus profondes plongent en un lieu où le psychique et le biologique étaient indifférenciés, est le résultat de la désagrégation en quatre d'un contenu qui ne peut devenir conscient qu'à partir des quatre fonctions du conscient. Sur ces quatre fonctions du conscient, que Jung appelle aussi des "orientations psychiques" il a été beaucoup écrit  mais, aujourd'hui je vais juste vous donner un extrait du Glossaire de Ma vie de Jung. :

   "Pour nous orienter nous devons avoir une fonction qui constate que quelque chose est ( sensation ) ; une seconde fonction qui établit ce que c'est ( pensée ) ; une troisième fonction qui décide si cela nous convient ou non, si nous désirons ou non l'accepter ( sentiment ) ; et une quatrième fonction qui indique d'où cela vient et où cela va ( intuition )....."

Cependant, nous dit Jung, l'expérience montre que les fonctions sont inégalement réparties et que le plus souvent, ceci étant surtout visible au niveau des rêves, une fonction restée dans l'"arrière-fonds" archaïque, s'exprime par l'intermédiaire du nombre quatre, ou d'un symbole de quaternité. Le symbole est, en effet, nécessaire pour combler le vide de cet élément manquant absolument indispensable pour que soit re-présentée la totalité humaine. De plus, quand on observe  les rêves, (surtout en séries) la présence du quatre, ou de l'un de ses représentants est la marque d'une forte poussée vers la conscience d'un archétype très puissant, l'archétype de la Nature, qui est à l'état brut dans l'inconscient. 

   Que ce soit chez les alchimistes, dans notre propre cheminement ou dans la contemplation des rêves , la quaternité, et surtout l'absence de la quaternité , nous n'avons pas fini de nous y mesurer. J'espère que quelques uns me suivront sur ce difficile parcours. 

       Ariaga